Directeur logistique, véritable plaque tournante de la distribution

29 juil. 2019

6min

Directeur logistique, véritable plaque tournante de la distribution
auteur.e.s
Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

À 41 ans, après une dizaine d’années d’expérience dans la vente, Wilfried Doucet occupe le poste de directeur logistique pour la marque de prêt-à-porter Ba&sh. À la tête d’un entrepôt de 9 000 mètres carrés qui doit approvisionner plus de 300 magasins, il gère au quotidien la réception des marchandises en provenance des usines de la marque, la gestion des stocks et l’envoi des commandes dans les boutiques et sur Internet. Un métier qui nécessite une capacité de gestion de l’effort, de l’urgence et de l’organisation particulièrement poussée.

Quel parcours as-tu suivi pour devenir directeur logistique ?

J’ai réalisé mes premiers pas dans la vente pour l’entreprise Office Dépôt où j’ai occupé le poste de directeur de magasin pendant huit ans. Après cette première expérience, j’ai rejoint le groupe Auchan puis l’entreprise Cultura où j’ai été chargé de mettre en place le service e-commerce. En tant que directeur d’exploitation logistique Internet, ma mission était de développer la vente en ligne de produits culturels et de loisirs. Je devais organiser la chaîne logistique de flux physiques de marchandises, de la réception des produits en provenance de nos fournisseurs jusqu’à la distribution des commandes clients. Après plus de quatre ans chez Aldi puis un passage chez Servair, j’ai été recruté comme directeur logistique pour la marque de prêt-à-porter féminin Ba&sh en octobre 2018.

En quoi consiste concrètement le métier de directeur logistique ?

Ma mission est de superviser, piloter et coordonner les activités logistiques d’un entrepôt de 9 000 m² qui approvisionne pas moins de 300 points de vente. Je suis donc responsable de la gestion des stocks et de l’ensemble des flux de marchandises qui entrent et qui sortent de l’entrepôt et qui sont envoyées chez nos clients (nos propres points de vente, des distributeurs multimarques ou nos clients particuliers en ligne).

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Quelles sont tes missions au quotidien ?

En tant que directeur logistique, je joue le rôle d’intermédiaire entre le service achats, qui coordonne la réception des marchandises, le service approvisionnement qui gère les quantités à envoyer dans les points de vente et le service commercial qui vend les produits de la marque. Dans le commerce en général et dans le prêt-à-porter en particulier, les ventes sont soumises à une certaine saisonnalité avec des périodes charnières comme les ventes privées, les soldes, les fêtes de fin d’année, mais aussi des pics de vente au début de chaque mois lorsque les consommateurs ont touché leurs salaires.

En tant que directeur logistique, je joue le rôle d’intermédiaire entre le service achats, […] le service approvisionnement, […] et le service commercial.

L’objectif est d’adapter le planning des équipes (réception des commandes, gestion des stocks, préparation des commandes…) à ces pics d’activité, en donnant le maximum de visibilité à tous les services de l’entreprise (achats, approvisionnement et magasins notamment) pour qu’ils aient le temps de s’organiser. Notre priorité est de veiller au respect des délais de livraison, et à la qualité et la quantité des commandes. Le nerf de la guerre, c’est vraiment la maîtrise du stock.

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Peux-tu décrire le déroulement d’une journée type au sein de ton entrepôt ?

J’arrive toujours le premier, vers 5h30 du matin. Je regarde d’abord le volume des ventes réalisées dans la nuit sur le web ainsi que les quantités que nous devons expédier dans les points de vente, puis lorsque mes équipes arrivent à 6h30, nous organisons les priorités de la journée pour les différents services (réception des marchandises, préparation des commandes, gestion des retours, envoi des commandes Internet…). Notre point du matin est un moment crucial où je dois impulser l’énergie nécessaire à mes collaborateurs pour la journée, qui est souvent très intense.

Nous préparons dans la matinée toutes les commandes qui ont été passées sur Internet la nuit, ainsi que le réassort des magasins. Nous allons chercher les pièces dans l’entrepôt, nous les emballons et nous les expédions. On réitère cette opération à 13h pour les commandes passées avant midi et selon le volume, on recommence en milieu d’après-midi, ce qui nous permet de ne pas prendre de retard pour le lendemain. En fin de journée, j’envoie à la direction un rapport de l’activité de l’entrepôt (nombre de pièces envoyées, nombre de ruptures de stock enregistrées, nombre de pièces réceptionnées, nombre de retours réalisés…). Je pars en général entre 19h et 20h.

Notre point du matin est un moment crucial où je dois impulser l’énergie nécessaire à mes collaborateurs pour la journée, qui est souvent très intense.

Qui sont tes clients et quelles sont leurs spécificités en termes logistiques ?

J’ai plusieurs types de clients : le client final qui achète sur le site Internet de la marque, les clients internes (les magasins Ba&sh) et ce que l’on appelle les wholesalers qui sont des distributeurs multi-marques comme les Galeries Lafayette par exemple, qui nous achètent chaque saison une sélection de produits. L’approche logistique à l’égard de ces trois types de clients est très différente. Si une rupture de stock est constatée chez un distributeur externe, je perds une vente. Alors que s’il y a une rupture dans un magasin de la marque, j’ai d’autres moyens techniques à ma disposition pour gérer la situation : transférer le produit s’il est disponible dans une autre boutique ou organiser un réassort de la pièce en question dans le magasin.

Pour le web, la mission du service logistique est de réduire au maximum le délai entre le passage de la commande et son envoi depuis l’entrepôt. Si le client reçoit son article plus tôt que prévu, les notions d’expérience d’achat et de service client sont renforcées. Il est satisfait et reviendra plus facilement acheter sur notre site. C’est une véritable course contre la montre.

À quelles difficultés le directeur logistique est-il confronté ?

Chaque journée est différente et il n’y a pas une journée où nous n’avons rien à faire. Chaque matin, on découvre quel va être le programme des prochaines heures. Il faut donc savoir gérer les volumes de commandes rapidement, être très réactif et vigilant quant à la qualité de nos produits.

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Il y a un aspect humain qui est fondamental car je gère une équipe d’une cinquantaine de personnes aux profils très variés, avec des collaborateurs peu diplômés et d’autres issus de formations très poussées. Je dois être capable d’avoir un discours qui soit compréhensible par tous. Et puis, le travail en entrepôt est intense et assez physique, il faut parvenir à motiver ses équipes, à leur communiquer de l’énergie, du sens et de la bonne humeur tous les jours.

Il y a un aspect humain qui est fondamental car je gère une équipe d’une cinquantaine de personnes aux profils très variés

Comment fais-tu pour tenir le rythme ?

Je ne suis pas surhumain mais j’ai toujours aimé travailler dans des atmosphères d’urgence. J’ai besoin de bouger, d’être en contact avec mes équipes. Je serais incapable d’être derrière mon ordinateur toute la journée, ce n’est pas dans mon ADN. Mon secret est de m’octroyer des petits moments de pause au fil de la journée pour changer d’air et recharger les batteries. À l’entrepôt, nous organisons souvent des activités, des moments plus détendus entre nous pour favoriser la cohésion et la bonne entente entre les collaborateurs. Je pense que c’est essentiel.

Quelles qualités faut-il avoir selon toi pour être un bon directeur logistique ?

Il faut être capable de se remettre en question en permanence, savoir traiter les impondérables comme les retards de livraison liés à une grève des transports par exemple, ou un problème de fabrication dans nos usines. Écouter et comprendre les problématiques de chaque équipe de l’entrepôt, mais aussi des autres services de l’entreprise pour améliorer sans cesse les process et faire en sorte que tout le monde travaille en harmonie.

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Quelle(s) facette(s) de ce métier préfères-tu ?

Ce qui me motive le plus, c’est d’œuvrer pour le bien-être de mes équipes, de faire évoluer mes collaborateurs. Être avec des gens qui ont envie de vous suivre, qui ont envie de travailler avec vous et qui vous font confiance, c’est particulièrement gratifiant. À l’entrepôt, je dis souvent que nous sommes comme une famille, chaque victoire est une victoire collective qui fédère.

Et puis c’est un métier en perpétuelle évolution. Il faut toujours essayer de faire mieux en améliorant notre organisation et nos méthodes de travail. Lorsque les équipes en magasins nous disent que leur quotidien s’est amélioré grâce à nous, c’est une vraie satisfaction.

Quels conseils donnerais-tu à des jeunes qui souhaiteraient devenir responsable logistique ?

Contrairement à certains métiers, la logistique sera toujours présente et indispensable dans le commerce, et encore davantage avec le commerce en ligne. Mais cela ne veut pas dire que l’on peut se reposer sur ses connaissances. Le transport, la mécanisation et la digitalisation des process, les nouvelles technologies évoluent sans arrêt et cela impacte directement notre activité au quotidien. Il faut donc savoir s’adapter rapidement. Les personnes qui souhaitent s’orienter en logistique doivent avoir en tête que la réalité d’aujourd’hui ne sera pas celle de demain.

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Photo d’illustration by WTTJ