« Panic hiring » : 3 conseils pour éviter de bâcler vos recrutements

May 25, 2023

5 mins

« Panic hiring » : 3 conseils pour éviter de bâcler vos recrutements
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Barbara Azais

Journaliste freelance

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Le panic hiring, ou le fait de bâcler ses recrutements dans la précipitation, semble de plus en plus fréquent et coûte cher aux entreprises. Recruteurs, voici quelques conseils pour trouver les bons candidats... sans céder à la panique.

« Je crois que tous les recruteurs ont déjà embauché à la va-vite au moins une fois dans leur carrière » , estime Stéphanie, DRH dans un grand groupe du BTP. « Ça m’est arrivé sous la pression de mon directeur général qui était pressé de développer un service. Résultat : on a recruté la mauvaise personne, elle est partie au bout d’un mois et on a dû tout recommencer » . Pourtant bâcler ses recrutements revient cher aux entreprises. Selon ManPower, HR Voice et Opensourcing, le coût d’une mauvaise embauche oscillerait en moyenne entre 30 000 euros pour un poste de technicien et 150 000 euros pour un poste de dirigeant. Aux US, le ministère américain du Travail estime même qu’un recrutement raté peut coûter à une entreprise au moins 30 % des revenus de la première année de travail de l’employé en question. « C’est aussi une perte de temps et d’énergie pour toutes les personnes enrôlées dans le processus de recrutement (RH, techniciens, service formation, managers, collaborateurs… ) , ajoute Laure Charbonneau, directrice régionale du cabinet de recrutement Robert Half. Au-delà du coût financier, un recrutement raté coûte cher humainement, car c’est usant pour les équipes de tout recommencer. »

Le « panic hiring » prend de l’ampleur en pleine guerre des talents

Le « panic hiring », ou le fait de recruter dans la précipitation, résulte d’un phénomène apparu dans les années 1990, nommé la « guerre des talents ». Cette expression décrit une pénurie de ressources et de compétences sur le marché du travail. Aujourd’hui, on l’associe au fait que les entreprises peinent à fidéliser leurs collaborateurs qui, depuis la crise sanitaire, revoient leurs exigences à la hausse. Selon une récente étude menée par le cabinet Robert Half, 24 % des personnes interrogées auraient déjà refusé une offre d’emploi après l’avoir acceptée ou pendant leur période d’essai, et 17 % l’ont fait au cours des 12 premiers mois. Soit à cause d’un manque de flexibilité de l’entreprise (35 %), soit à cause d’une mauvaise expérience au travail (33 %), d’incohérences entre le descriptif des missions lors des entretiens d’embauche et la réalité (32 %) ou encore, à cause d’une mauvaise relation avec le ou la manager (30 %).

En 2019, le ministère du Travail a noté que 19 % des CDI ont été rompus pendant la période d’essai, tous secteurs confondus. Ces recrutements à la va-vite arrivent souvent dans le cadre d’un projet à déployer, d’une démission ou d’un congé maternité qui n’a pas été anticipé ou encore, « quand les délais d’un projet ont été avancés, précise Laure Charbonneau. 43 % des dirigeants disent avoir raté un recrutement dans l’année ». Alors voici comment recruter les bons talents sans céder à la panique.

3 conseils pour recruter sans stress

1. Actualiser collectivement les contours du poste à pourvoir

« Même lorsque l’on a recruté récemment, il est important de se poser à plusieurs et de prendre le temps de redéfinir les contours du poste à pourvoir », conseille dans un premier temps Laure Charbonneau. « Car les attentes, les objectifs, le système informatique ou le processus ont pu changer depuis la dernière embauche sur un poste similaire. » Ainsi, la direction, les recruteurs, managers et collaborateurs doivent s’interroger ensemble sur la pertinence et la cohérence de la fiche de poste. Et si nécessaire, faire des ajustements plus en adéquation avec la réalité actuelle : « Est-ce-que les attentes et missions de ce poste correspondent toujours à la fiche que nous avons ? De quelles compétences avons-nous besoin ? Sur quels critères sommes-nous flexibles et sur lesquels ne pouvons-nous pas déroger ? »

Il arrive en effet que les recruteurs se focalisent sur une compétence rare, comme la maîtrise d’un logiciel informatique, afin que la personne recrutée soit opérationnelle rapidement, et qu’ils fassent l’impasse sur le reste. « En voulant faire vite, on occulte tout ce qu’il y a à côté, nuance Laure Charbonneau. Quand on se focalise sur un critère en particulier, on oublie de verrouiller les autres compétences nécessaires sur le poste. Le mode panique est activé et on recrute avec des œillères. Donc si on a dessiné les contours du poste en amont et tout ce qu’il contient, on y voit plus clair. » Toutes les personnes impliquées dans le processus de recrutement doivent être alignées. Leurs discours doivent pouvoir coïncider afin que les candidats soient rassurés.

2. Définir le (bon) rythme du processus de recrutement

Vient ensuite le moment de définir le fil conducteur du processus de recrutement afin qu’il soit fluide, efficace, et véhicule une image positive de l’entreprise aux candidats.

« Il est important de savoir à l’avance qui va participer au processus de recrutement, qui va rencontrer les candidats. Car ces derniers veulent du rythme, mais pas trop. Certains vont refuser un poste si le processus est trop long ». La spécialiste recommande donc de définir un rythme de croisière afin que les candidats sentent que les recruteurs maîtrisent leur sujet. « Ils doivent avoir toutes les infos au moment d’accepter le poste. Or dans la précipitation, il arrive qu’on oublie de leur en fournir certaines, parfois les moins avantageuses pour eux et ils les découvrent au moment de la prise de poste ». Ce qui peut avoir des conséquences graves puisque selon Forbes, 4 % des nouveaux salariés démissionnent après la première journée et 33 % cherchent un nouveau job dans les 6 premiers mois après leur arrivée dans une boîte, selon l’Apec. « Mieux vaut prendre un peu de temps lors du processus de recrutement, plutôt que d’en perdre en cherchant un autre candidat parce que le premier aura laissé tomber le poste », fait remarquer Laure Charbonneau.

3. Prévoir un entretien de finalisation avec le candidat

Enfin, la spécialiste conseille de faire un dernier point avant l’embauche définitive afin que les deux parties puissent éclaircir tous les spectres du poste. On appelle cela un entretien de finalisation. « On reprend et récapitule toutes les infos pour qu’il n’y ait plus de questions. On reparle des avantages et des éventuels inconvénients liés au poste afin que les candidats s’engagent en connaissance de cause ». Il ne s’agit pas d’un énième entretien, mais d’un dernier échange avant la finalisation de l’embauche pour s’assurer de la motivation des candidats et répondre à leurs éventuelles interrogations. « Recruter, ce n’est pas juste cocher des cases sur des compétences. Ça va plus loin, c’est une alchimie. Chaque recrutement doit être personnalisé et raconter sa propre histoire pour être réussi ».

En somme, s’il n’est pas recommandé d’imposer un long processus de recrutement aux candidats, il est bienvenu de leur proposer un dernier point avant la prise de poste. À ce stade, la pression est redescendue et un climat de confiance s’est déjà plus ou moins installé. « C’est ce que j’ai demandé à faire avec mon manager avant de signer mon CDI » , raconte Benoît, 37 ans, conseiller clientèle au Crédit Agricole. «Lorsque les RH m’ont annoncé que j’avais le poste, j’ai demandé à refaire un point avec lui avant l’officialisation de mon embauche. Je suis père célibataire, j’ai certaines contraintes, j’avais donc besoin de clarifier quelques points importants par rapport aux horaires et aux possibilités d’évolution. Il a été surpris par ma demande, mais nous avons abordé pas mal de sujets et j’ai finalement intégré l’équipe avec sérénité. »


Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ