Managers : les 6 phrases qui nuisent à l'engagement de vos équipes
11 sept. 2024
5min
Au travail, certaines phrases sont de véritables mines sur le chemin de l'engagement. Exemples, décryptage et alternatives avec un expert en management.
Le management moderne est truffé de pièges verbaux qui, sous couvert de pragmatisme, finissent par saboter l’engagement des équipes. « Je n’ai pas le temps pour ça maintenant » ou encore « Figure-toi comment le faire » sont autant de faux pas qui engendrent démotivation et confusion. Christophe Das Nieve – expert en soft skills appliquées au management – décortique ces exemples en mettant en lumière comment une communication mal orientée peut affaiblir la cohésion et l’efficacité des équipes, tout en explorant des alternatives plus constructives.
« Tu devrais déjà savoir ça »
Catégorie : Dévalorisation
La délicatesse managériale dans toute sa splendeur ! Rien de tel qu’un bon « Tu devrais déjà savoir ça » pour rappeler subtilement à vos salariés leur devoir d’omniscience. Qui a besoin de formation quand on a le don de voyance, n’est-ce pas ?
Décryptage : « Il ne faut jamais attaquer les compétences, car cela peut être vécu comme une attaque personnelle, explique Christophe Das Neves. On parle ici d’estime de soi, et un manager n’a jamais connaissance de l’estime que ses collaborateurs se portent. » En dévalorisant les compétences de l’employé, le manager risque de nuire à sa confiance en soi et de créer un climat de méfiance.
Alternative(s) : « Une autre approche supposerait de simplement poser des questions pour évaluer l’état précis des compétences et proposer ensuite de les augmenter », recommande l’expert. Une proposition qui peut se traduire par l’aide directe du manager ou d’un autre collaborateur, par une formation, voire en libérant du temps pour de l’auto-formation. Dire, par exemple, « Comment puis-je t’aider à mieux comprendre ce sujet ? », montre du soutien et encourage la personne à poser des questions, favorisant ainsi une culture d’apprentissage et de croissance. Cela renforce la confiance en ses capacités et construit une relation de confiance avec le manager.
« Je n’ai pas le temps pour ça maintenant »
Catégorie : Manque de soutien et d’empathie
C’est de notoriété publique, l’agenda du manager est aussi embouteillé que le périphérique parisien un lundi matin. « Je n’ai pas le temps pour ça maintenant » : voilà une belle façon de rappeler à un collaborateur qu’il est moins important que la réunion à venir (ou pire, que le prochain café que vous alliez justement faire couler). Priorités, priorités.
Décryptage : Cette phrase traduit un manque de considération de l’aide que vient solliciter le collaborateur. « Cela laisse un sentiment de solitude, de frustration et potentiellement d’anxiété face aux problèmes qu’il ne sait pas traiter seul », explique Christophe Das Neves. En ignorant les besoins immédiats du salarié, le manager risque d’engendrer du stress et du découragement.
Alternative(s) : Le manager doit expliquer que dans l’immédiat il a un engagement à respecter, et proposer un rendez-vous si possible dans la même journée. « Au préalable, il doit s’enquérir du degré d’urgence de cette sollicitation et, si nécessaire, ajuster son agenda en conséquence », recommande Das Neves. Par exemple, dire : « Je suis actuellement occupé, mais nous pouvons en parler à 14 h. Est-ce que cela convient ? » montre de l’empathie et de la disponibilité, même dans un emploi du temps chargé.
« Parce que c’est comme ça que ça se fait ici »
Catégorie : Communication autoritaire et fermée
« Parce que c’est comme ça que ça se fait ici », ou le Graal du manager autocratique. Innovation ? Connaît pô. Questionnements ? Tss. Que la créativité passe son chemin, merci bien.
Décryptage : Cette phrase conduit à frustrer le collaborateur par rapport à une idée ou une prise d’initiative. « Cela décourage les employés d’en prendre d’autres à l’avenir », traduit Christophe Das Neves. En bloquant toute tentative de changement, le manager risque de démotiver ses équipes et de limiter leur engagement et leur capacité à innover.
Alternative(s) : Le manager peut exposer la difficulté de changer et faire comprendre que l’initiative est intéressante, mais qu’elle va devoir passer par quelques freins. « Proposer de réfléchir ensemble sur comment lever les objections et mettre en perspective les enjeux face aux efforts à fournir est une meilleure approche », recommande l’expert. Dire par exemple : « Ton idée est intéressante, mais il y a des obstacles à surmonter. Discutons de la manière de les aborder. » permet de valoriser l’initiative tout en restant réaliste sur les défis à venir.
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« Laisse, je le ferai à ta place »
Catégorie : Responsabilité et initiative étouffées
Ah, la douce symphonie du micro-management en action. « Laisse, je le ferai à ta place » : parfait pour étouffer toute initiative et rappeler à chacun que son autonomie s’arrête là où commence votre besoin de contrôle.
Décryptage : Cette phrase revient à faire comprendre à son collaborateur qu’il ne sert à rien. « Le sentiment d’utilité à son travail est pourtant fondamental pour conserver l’engagement », observe Christophe Das Neves. En retirant la responsabilité à l’employé, le manager le démotive et détruit son sens de l’initiative, entraînant une perte de confiance et d’engagement.
Alternative(s) : « La meilleure alternative ? Se taire, en tout cas, s’interdire cette phrase », propose à nouveau l’expert. Il est essentiel de laisser le salarié apprendre et grandir à travers ses propres expériences. Alors, pourquoi ne pas lui proposer : « Je sais que ce sujet est complexe. Alors faisons des points d’étape, ou appuie-toi sur moi si tu as besoin d’aide. Je pourrais t’apporter un regard nouveau et t’aider à challenger ton travail au fil de l’eau. » Accorder sa confiance pour gérer un sujet, même difficile, en semi-autonomie, permettra au collaborateur d’atteindre progressivement le niveau d’exigence attendu.
« Figure-toi comment le faire »
Catégorie : Communication peu claire ou ambiguë
Bienvenue dans l’univers parallèle du « Débrouille-toi ». Ici, les directives sont aussi claires qu’un brouillard londonien et les attentes aussi prévisibles qu’une partie de roulette russe. Après tout, pourquoi donner des instructions quand on peut laisser son salarié jouer aux devinettes ?
Décryptage : Cette phrase confirme au collaborateur que l’organisation est chaotique et ne l’encourage pas à contribuer à une amélioration de la situation. « Par défaut, l’employé considère toujours que c’est plus mal organisé qu’il n’y paraît », constate Christophe Das Neves. En le laissant dans le flou, le manager accroît non seulement la confusion, mais il pousse aussi à une baisse de la qualité du travail.
Alternative(s) : « La clé est de clarifier, clarifier, clarifier… et simplifier les instructions », indique l’expert. Ainsi, il est essentiel de donner des directives précises et claires pour éviter toute ambiguïté. Et si cette phrase traduit simplement une liberté totale dans l’exécution – mais un manque de tact dans la communication – il s’agit, pour le manager, de rappeler sa posture de guide. Auquel cas, il serait judicieux de formuler, par exemple : « J’ai confiance en ta capacité à trouver une manière de traiter ce sujet. Je t’invite à commencer seul, et à me solliciter comme mur de rebond pour challenger ton approche ». Une manière de favoriser une exécution de qualité et de réduire les erreurs liées à l’incertitude.
« Tu as l’air fatigué, tu gères bien ton temps ? »
Catégorie : Remarques personnelles et invasives
Rien de tel pour booster le moral qu’une petite remarque déguisée en soin bienveillant. C’est un peu comme dire à quelqu’un : « Cette frange te va à merveille, elle rééquilibre vraiment bien ton visage ». Franc succès assuré.
Décryptage : Cette phrase combine la carotte et le bâton. « C’est s’inquiéter de la fatigue de son collaborateur… tout en lui rejetant la faute, explique Christophe Das Neves. Et la seconde partie de la phrase peut être perçue comme une attaque personnelle. » Éclipsant ainsi toute la bienveillance initiale.
Alternative(s) : Poser la question sur l’état de fatigue est une bonne chose, mais il faut attendre la réponse. « Si celle-ci est bien positive, il s’agit de s’enquérir des raisons possibles de cette fatigue au niveau professionnel et de proposer des solutions : aide, jour de repos… », recommande l’expert. Et si l’approche initiale traduit un simple manque de tact, pourquoi ne pas reformuler ainsi : « Tu as l’air fatigué(e), y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour alléger ta charge de travail ? » En proposant ouvertement une aide, elle montre une réelle préoccupation pour le bien-être du salarié sans le blâmer, favorisant ainsi une culture du soutien et de la compréhension.
Article écrit par Marlène Moreira, édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps
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