Comment développer une vraie culture du management à distance ?

30 juin 2020

8min

Comment développer une vraie culture du management à distance ?
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Comment gérer le management d’équipes dispersées, quand certains collaborateurs sont au bureau et d’autres en télétravail ? Voici nos conseils pour un management en milieu hybride.

Le 16 juin 2020, à l’occasion de notre webinar Shaker Live, deux intervenants nous ont partagé leurs retours d’expériences et réflexions sur ce sujet :

Cédric Bruguière nous alerte : le principal impact de la distance sur le management est la perte de lien social. Nous sommes des animaux sociaux et ressentons tous le fort besoin d’appartenance à un groupe, à un collectif. En entreprise, le même mécanisme s’opère : pour rester engagés, efficaces et motivés, il nous faut communiquer régulièrement, et se retrouver autour de moments forts. Avoir un socle commun, un ciment d’équipe est primordial pour poser les bases d’un bon management à distance.

Le podcast de notre événement Shaker, by Welcome to the Jungle

Instaurer les bons rituels

Avant le premier confinement, Klaxoon avait déjà une culture “remote friendly”, c’est à dire que de nombreux collaborateurs télétravaillaient plusieurs jours par semaine, certains même à temps complet. L’exercice du management à distance n’est donc pas une nouveauté pour eux. Lauriane Carayon manage depuis longtemps des équipes dispersées entre Rennes, Paris, Boston et New-York. Elle raconte « On avait déjà des rituels quotidiens et hebdomadaires, on les a adaptés et surtout renforcés pendant le confinement, pour se synchroniser efficacement, garder du lien et rester opérationnels. » Deux rituels ont aussi rythmé les journées des équipes Customer Success : la Matinale et Time to Sign Off.

Ces deux temps forts répondent à des besoins différents : le premier très informel donne le ton de la journée, de l’énergie, cela permet aussi de s’assurer que tout le monde va bien. Le second plus “pro” marque la fin de journée, il est plus propice à discuter de différentes problématiques métier, de donner ou recevoir de feedbacks. C’est aussi un bon moyen pour s’assurer que chacun déconnecte et dispose d’un bon équilibre vie pro, vie perso. Pour que ces rituels restent des moments positifs, Lauriane Carayon rappelle que «la présence de chacun n’est pas obligatoire, celle du manager non plus, chacun est libre d’animer, prendre la parole ou juste venir écouter. » Chaque rendez-vous dure une une vingtaine de minutes pour que cela ne devienne pas une charge supplémentaire et que le format soit le plus digeste possible. Ces rituels regroupent une quinzaine de personnes maximum de façon à ce que chacun puisse s’exprimer. Structurer ses rituels demande donc du temps, une bonne organisation et beaucoup d’attention aux petits détails !

Pour mettre en place ces nouveaux rituels, Cédric Bruguière recommande de faire attention à trois éléments.

  • Cadrer le rythme de ces moments en fonction des besoins de vos équipes, pour ne pas les surcharger. Il alerte sur le sujet de la « “réunionite aigüe” que nous avons pu observer au début de la crise, qui peut nuire à la productivité et à l’engagement des collaborateurs. ». Pour prévenir cela, les feedbacks sont très utiles pour ensuite adapter le nombre de rituels en fonction des besoins.
  • Choisir le type de rituels en fonction des objectifs de l’équipe est essentiel. Il conseille d’engager ces équipes dans la création de ces derniers pour que chacun puisse exposer ses enjeux, comme le fait d’instaurer des rituels informels, non-obligatoires, de ne pas avoir l’air de surveiller ses équipes tout en veillant au bien-être de chacun.

  • S’assurer que tout le monde soit formés et à l’aise aux différents outils. « Tout le monde n’est pas forcément familier avec les nouveaux logiciels comme Slack, Teams, Zoom. C’est essentiel que chacun soit au même niveau de formation pour être capable d’aller chercher la bonne information au bon endroit, et ne pas se sentir en marge. »

Il peut être difficile de garder une proximité, d’être agile dans les échanges quand son manager ou son collègue se situe à plusieurs kilomètres - voire à l’autre bout de la France - et non plus au bout de l’open space. Chez Klaxoon, les managers ont travaillé sur leur capacité à « s’interpeller à distance. ». L’objectif est que chacun puisse demander un conseil ou un feedback rapidement, réagir à une actualité ou dénouer un point de blocage. L’idée est de pouvoir travailler de façon aussi agile et efficiente qu’en présentiel. Pour recréer cet open space virtuel, Lauriane Carayon explique ce qu’elle a mis en place « Sur certains créneaux, je suis reste connectée en vidéo et chacun est libre de me rejoindre s’il a une question ou un sujet urgent, aussi notre outil Klaxoon permet d’échanger rapidement avec son manager ou de poser des interrogations simples sans solliciter une réunion. » Agilité, organisation et réactivité sont de rigueur pour que cet espace puisse exister efficacement.

Adapter son mode de management

À distance, les managers doivent redoubler d’attention et d’accompagnement envers leurs équipes, plus que jamais il faut qu’ils se positionnent comme facilitateur et se mettre au service de son équipe, et non l’inverse. Les signaux faibles sont difficilement perceptibles à distance, sans le langage corporel ou les échanges informels à la machine à café. D’ailleurs, ce positionnement n’est pas exclusif au confinement : Cédric Bruguière rappelle un point important concernant leur rôle « aujourd’hui, on attend d’eux d’être dans l’échange plus constructif, plus collaboratif, plus inclusif et être moins dans le contrôle. ». En présentiel, mais encore plus à distance où l’incompréhension et la pression peuvent se faire plus vite sentir, cette qualité est très attendue chez un responsable d’équipe, pour faire en sorte que chacun se sente à l’aise dans son rôle et évite d’être pressurisé. Selon Cédric Bruguière, l’enjeu en tant que responsable d’équipe est de s’assurer du bien-être de chacun, tout en suivant l’avancement des tâches. Ce sont les collaborateurs qui sont dans la production, mettre tout en oeuvre pour que chacun arrive à ses objectifs, permet de créer une émulation positive, de tirer une satisfaction des résultats et de garder les équipes motivées.

Lauriane Carayon s’accorde sur la notion de “manager facilitateur”, l’idée est de mettre l’intelligence collective en mouvement, et d’avoir une personne comme médiateur pour rendre le travail fluide. Pour cela, les managers de chez Klaxoon ne sont que très peu opérationnels « cela nous permet de dédier plus de 95% de notre temps à nos équipes, c’est très important pour que chacun puisse pleinement prendre son rôle. » Ainsi les responsables d’équipes sont toujours disponibles pour aider ou prendre le relais lors d’une situation difficile, avec un client par exemple. Aussi, la mission du management demandant beaucoup d’agilité et de prise de recul, Klaxoon attribue ce poste à des personnes expérimentées ou passe du temps à former les plus jeunes qui souhaiteraient évoluer vers ce rôle. Dans tous les cas, le management n’est pas la seule évolution possible pour les collaborateurs. Durant le confinement, Lauriane Carayon ajoute avoir « augmenté l’attention porté à chacun, pour pouvoir déceler les signaux faibles, avec de l’écoute activité et une réorganisation des équipes en nombre réduit ».

Cette période a été aussi synonyme de pression pour beaucoup de managers. Lauriane Carayon explique que porter plus d’attention envers eux est essentiel, pour vérifier qu’ils ne soient pas trop pressurisées. Pour cela « on a fait des points réguliers dès que besoin, pour s’ajuster en continue, on a fait attention aussi à l’alignement de nos messages, pour s’assurer un bon partage d’information. » La clé a aussi été l’entraide « on a tous mis beaucoup d’investissement pour que tout continue à fonctionner, forcément quand on a de bons feedbacks clients, quand on peut mesurer la réussite, il faut partager ces résultats, cela porte vraiment les managers et les équipes. »

Bien qu’un bon nombre reste à distance, le retour au bureau se fait progressivement dans les entreprises depuis début juin. Pour s’adapter au mieux à ce nouveau défi managérial, Cédric Bruguière conseille avant tout de refaire un point avec chaque personne sur la situation : « Chacun a vécu la période de confinement selon des conditions particulières, il en va de même pour le déconfinement, cela continue d’impacter sur le travail et l’important est de trouver la manière de s’organiser pour que les activités puissent se poursuivre. ». Cédric Bruguière souligne également l’importance de veiller aux salariés pour qui le travail à distance serait moins évident : stagiaires, alternants, juniors ou bien certains collaborateurs plus fragiles. « Il faut se poser les bonnes questions : comment intégrer chaque personne dans la culture managériale, comment former à distance, instaurer des moments d’échange et que mettre en place pour que ce soit confortable ? » Pour favoriser une transition en douceur, il conseille aussi de conserver les rituels mis en place pendant le confinement et d’ajuster au jour-le-jour pour ne pas perturber les équipes.

Prendre le pouls et s’adapter

La culture du feedback est présente dès le recrutement chez Klaxoon « on provoque régulièrement des feedbacks, à plusieurs moments, différents selon les situations, pour que ça devienne naturel. C’est une bonne habitude à avoir, pour se remettre en question et aller plus loin, plus vite, de façon plus efficace.» explique Lauriane Carayon. C’est donc un bon moyen de se challenger, mais aussi de pouvoir faire remonter toutes les choses positives, nécessaires à garder un bon esprit d’équipe et une bonne dynamique, selon Lauriane Carayon. Célébrer les succès permet de mettre en avant les réussites collectives et individuelles. Pour aller chercher ces fameux retours, Lauriane Carayon expose les techniques agiles utilisées « On va travailler par exemple avec un système de rétrospective où l’équipe détecte ensemble les points qui fonctionnent ou non, ce qu’il faut poursuivre ou arrêter. Ensuite la répartition des tâches peut se faire efficacement, selon les expertises de chacun, pour aller droit au but. » Selon elle, il s’agit vraiment du meilleur moyen de prendre du recul, de créer une vraie dynamique d’équipe et de pouvoir avancer rapidement et efficacement.

Cédric Bruguière rappelle que « Cette notion de feedback va dans les deux sens, de manager à managé et vice versa, pour être constructive. Avec une dynamique de points réguliers, on instaure une vraie relation fluide de manager à managé. Ça permet de ne pas avoir de tabous et une marge de progression bien plus rapide. » Avec la distance, on peut souvent croire qu’un commentaire est plus compliqué à donner et à recevoir. Cédric Bruguière rappelle qu’en France, nous sommes dans une culture ayant plutôt tendance à soulever les points négatifs plutôt que positifs. Instaurer la pratique du feedback très tôt dans l’entreprise est essentiel pour inverser cette tendance et selon lui, cela passe en premier lieu par les managers « il faut sortir du jugement et aller vers quelque chose de plus constructif pour faire progresser les personnes. ». En présentiel, déceler des émotions est simple, avec le langage corporel notamment. Forcément la distance enlève tous ces éléments, il est donc important d’amener de l’émotion verbale explique Cédric Bruguière. L’art du feedback se construit « Il faut préparer, trouver le bon timing pour faire ce retour, qui diffère selon si c’est une réussite, une remarque, un recadrage ou dans une optique de développement. » Un commentaire pouvant parfois être pris de la mauvaise façon, choisir ses mots et ses tournures de phrases est essentiel. Aussi, la distance permet de prendre du recul sur les échanges écrits, de digérer un retour, d’en discuter autour de soi et surtout de prendre le temps d’y répondre de manière constructive, explique Cédric Bruguière.

La culture managériale à distance est un réel chantier. La recette est propre à chaque entreprise. Pour la composer, il faut donc aller chercher ce qui a été fait, ce qui a fonctionné pendant la période de télétravail forcé. Certains mots clés universels sont à retenir : confiance, adaptabilité et communication. L’important est d’inclure les collaborateurs dans la construction de cette culture, tout en pensant un rôle managérial plus facilitateur que directif. Penser à son esprit d’équipe, à garder une bonne dynamique et une écoute active sont également des points essentiels à prendre en compte. Bref, une large construction qui, rappelons-le, se fait au jour le jour, avec les retours précieux de chacun, dans un seul et même objectif : assurer un lendemain toujours meilleur !