5 conseils pour jongler efficacement entre les tâches en évitant la surchauffe

13 feb 2023

5 min

5 conseils pour jongler efficacement entre les tâches en évitant la surchauffe
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Pauline Allione

Journaliste independante.

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Au travail comme ailleurs, les tâches à exécuter se succèdent sans forcément se ressembler. Alors parfois, tout se mélange et on a l’impression de boire la tasse. Focus sur le « task switching » et les moyens de rester productif sans frôler le burn-out ni se sentir complètement largué au travail.

To-do list du jour : rattraper les fils de discussion non lus de sa messagerie instantanée, trier et répondre à ses mails, faire de la veille sur les réseaux, participer à deux, non trois réunions… Selon la DARES, « l’usage d’outils numériques permettant le travail mobile est fortement corrélé à une charge de travail et une charge mentale importantes ». Les outils numériques ont multiplié la nature des tâches elle-même au travail, qui se réalisent désormais sur différents supports, applications et logiciels entre lesquels il faut jongler. Appréhendée par le baromètre Digital Workplace 2018, la transformation digitale du travail laisse un sentiment mitigé, bien que positif, aux salariés : 68 % pensent que le digital permet d’acquérir de nouvelles compétences, tandis que 61 % estiment avoir une charge de travail plus importante avec le numérique.

Connaître son cerveau et ses capacités

Mais le cerveau est-il apte à bondir constamment d’une tâche à une autre ? Selon Albert Moukheiber, docteur en neurosciences cognitives et expert du Lab, cela ne fait aucun doute : « La fonction humaine nécessite de pouvoir passer d’une tâche à une autre, donc nous en sommes tout à fait capables. Le cerveau ne fait pas la différence entre ce qui relève du professionnel ou du personnel mais au travail, cela signifie qu’il faut se désengager d’une tâche, switcher et s’engager dans une nouvelle tâche. Cela a un coût cognitif, car si l’on parle de tâches d’une vingtaine de minutes, on perd à chaque fois un peu d’attention et d’efficacité. »

Il est ainsi conseillé de faire des pauses régulièrement lorsque l’on réalise une action performative ou productive. « La concentration est propre à chacun, certaines personnes peuvent rester attentives pendant toute la durée d’une réunion quand d’autres s’éparpillent au bout de 15 minutes. En général, il est préconisé de prendre 5 minutes au bout d’une heure afin de ne pas trop fatiguer le cerveau », suggère encore l’expert. La pause prend particulièrement sens lors d’un changement d’activité, qui engendre une perte d’efficacité et une fatigue psychique : elle permet de s’extraire de l’action précédente et de prendre un moment avant de mobiliser sa concentration de nouveau.

Quelques clés pour switcher efficacement

Les slasheurs, ces personnes qui jonglent entre différentes activités, peuvent être une source d’inspiration en ce qui concerne le « task switching ». Eux permutent non seulement entre les tâches, mais aussi les métiers. Marielle Barbe, qui est formatrice, conférencière et autrice de Profession slasheur (Marabout, 2017), nous livre ses secrets organisationnels pour éviter les coups de chauffe.

Garder une vue d’ensemble

Pour garder en tête son avancée et ses objectifs dans chaque tâche entreprise, Marielle Barbe conseille la to-do list, outil indispensable à sa méthodologie de slasheuse. « De la même façon qu’un avocat va gérer 20 dossiers différents et savoir où il en est dans chacun d’eux, je mets à jour des dossiers et des to-do lists. La liste de tâches à effectuer permet de savoir ce que l’on doit faire chaque jour, et les dossiers de savoir où l’on s’était arrêté pour chaque mission », détaille-t-elle. Lister, organiser et prendre des notes permet ainsi de savoir exactement où repartir au moment de switcher entre deux tâches : « À l’époque où je pensais que mon cerveau pouvait tout absorber, ça m’a joué des mauvais tours. Désormais, si je n’ai pas ma to-do list, je suis perdue. »

Créer des blocs temporels

Il est aussi possible d’appréhender sa journée de manière temporelle, pour réunir les tâches qui se ressemblent dans un même bloc de plusieurs heures. De cette façon, on ne réalise qu’un certain type d’action pendant une durée déterminée et la permutation entre les tâches n’est pas radicale. « Séquencer ses journées n’est pas toujours facile parce qu’il faut jongler avec les imprévus et les sollicitations de dernière minute, mais réunir des tâches liées entre elles peut être une façon de ne pas perdre le fil », conseille la slasheuse. Cela peut-être une matinée dédiée aux rendez-vous ou appels téléphoniques, une après-midi consacrée à des activités plus créatives, ou encore quelques heures dédiées à des missions de communication.

Espacer les activités

À l’instar de la règle des “52/17”, qui préconise d’alterner entre des sessions de travail intense de 52 minutes et des pauses de 17 minutes pour plus d’efficacité, réaliser une activité entre deux tâches est un moyen de se désengager complètement de la première tâche pour mieux repartir. Selon le temps de concentration investi, la pause peut durer plus ou moins longtemps et permettre de se changer les idées. « On peut faire n’importe quoi du moment que l’action n’est pas dirigée vers la tâche, conseille le Dr Albert Moukheiber. On peut sortir, regarder une vidéo, répondre à un message… L’idée est de se désengager intentionnellement, par la pensée ».

Pour se faire, Marielle Barbe a trouvé son exutoire : la marche rapide. « Je sais que j’ai plein d’idées en marchant et c’est presque devenu un nouveau slash dans ma journée. Il faut que j’aille marcher au moins une demi heure par jour pour me détendre et avoir de nouvelles idées », évoque-t-elle. Passer un coup de fil, prendre un encas, faire de la méditation ou préparer un café sont autant d’actions simples qui permettent au cerveau de déconnecter… pour être prêt à passer à l’activité suivante.

Tester différentes méthodologies

La méthodologie étant propre à chacun, l’idéal reste de tester plusieurs modes opératoires afin de trouver celui qui nous conviendra le mieux. Ex-slasheuse, autrice de Comment trouver sa place quand on ne rentre dans aucune case (Eyrolles, 2021) et experte du Lab, Sonia Valente a ainsi expérimenté plusieurs organisations. Auparavant autrice et coach, elle a réuni ses activités sur des demi-journées, switché entre ses métiers toutes les deux heures, laissé ses clients prendre eux-mêmes leur créneau et de fait, façonner sa semaine… « Là ça n’a pas marché, parce qu’ils pouvaient choisir des créneaux en milieu d’après-midi et après ma journée était foutue, impossible de me lancer dans autre chose. Ce qui a le mieux fonctionné, c’était de consacrer deux ou trois jours à une activité avant de passer à l’autre », se souvient-elle.

Finalement, la jeune femme ne s’est jamais arrêtée sur une méthodologie fixe. « Au début, je cherchais à tout prix un rythme et que ça ne bouge plus, mais je me suis rendue compte que ça pouvait aller et venir. Mon modèle d’organisation fluctue vraiment en fonction des périodes, de ma motivation, de mon cycle menstruel, des sujets sur lesquels je dois écrire… J’adapte mon organisation selon ce que je trouve pertinent sur le moment pour rester productive », détaille l’autrice.

Relâcher la pression

Voir différentes tâches s’accumuler dans sa to-do list peut parfois donner le tournis ou un sentiment de panique face à l’urgence. Mais pour Marielle Barbe, mieux vaut se poser et souffler avant de prendre ses jambes à son cou. « Que l’on soit slasheur ou non, on peut connaître des temps calmes qui seront contrebalancés par des périodes plus intenses, explique-t-elle. Dans ces cas-là, il faut relâcher la pression, prioriser les tâches et ne pas oublier que la vie se charge aussi de faire le ménage. Une mission sera annulée, une autre sera décalée… et si on ne parvient pas à tout faire, on peut aussi demander de l’aide. »

Dans la crainte d’un débordement, un regard en arrière suffit parfois aussi à se rassurer : lors des dernières périodes d’intensité, est-on parvenu à rendre ses dossiers dans les temps ? A-t-on déjà fait faux bond à ses collègues ou son/sa manager ? A-t-on su trouver des solutions ? Les expériences passées sont un guide précieux concernant notre aptitude à gérer sur tous les fronts et nos besoins pour y parvenir.

Devenue indispensable à nos modes de travail, la multiplicité des tâches a le mérite de casser la monotonie. Mais pour appréhender ces moments de permutation au mieux et s’épargner la fatigue psychique et l’inefficacité que cela peut engendrer, quelques habitudes peuvent faire la différence. Prendre des pauses évidemment, s’aérer l’esprit entre deux tâches, organiser sa journée en fonction de la nature des activités et surtout, trouver son propre mode d’organisation. Qui n’a d’ailleurs pas vocation à rester fixe : tout comme changer la disposition de ses meubles peut être agréable, varier de méthodologie peut constituer un mode opératoire en soi.

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

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