Positive Company, B Corp : les candidats font-ils confiance aux labels d'entreprise ?

May 15, 2023

5 mins

Positive Company, B Corp : les candidats font-ils confiance aux labels d'entreprise ?
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Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

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Great Place to Work, B Corp, ChooseMyCompany… Les labels sont de plus en plus nombreux. Mais pour les employeurs, sont-ils un réel gage d’attractivité en pleine guerre des talents ? Et surtout, peut-on leur faire confiance ? Enquête.

Fraîchement sorti de son école de commerce, Augustin, 24 ans, recherchait un poste de commercial. Courtisé par trois entreprises, il a fini par dire oui au cabinet de conseil EPSA. Ce qui a pesé dans la balance ? L’excellent feeling ressenti pendant l’entretien, mais aussi les retours négatifs de ses proches sur l’autre entreprise shortlistée (qui lui offrait pourtant un poste alléchant). De son propre aveu, Augustin a également été sensible à la présence d’EPSA dans le top 10 du palmarès Great Place to Work. « Quand j’ai rejoint mon école de commerce, j’ai fait attention à ces accréditations. Puis, une fois arrivé dans l’école, nos professeurs nous ont appris ce qu’étaient ces labels… », témoigne-t-il. Convivialité, locaux, équipements, accueil des nouveaux collaborateurs… Augustin a vu dans le label l’assurance qu’il ne s’agissait pas que de paroles, paroles, et bien plus que des mots. « J’ai aimé me renseigner sur le site de Great Place to Work pour en savoir plus sur l’entreprise, cela m’a rassuré sur le fait que ce n’était pas bullshit », ajoute-t-il.

Les labels engagés, un effet booster pour la marque employeur

Comme Augustin, de nombreux candidats font davantage confiance aux labels qu’aux déclarations de bonne intention. Une attractivité qui se mesure particulièrement chez les jeunes, comme en témoigne cette étude réalisée auprès de 320 étudiants, et dont la conclusion est sans appel : oui, les labels ont un effet positif sur la marque employeur. Dans son enquête Great Insights menée en janvier 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 4442 actifs français, Great Place to Work affiche des chiffres intéressants :

  • 86 % des collaborateurs déclarent qu’entre 2 jobs identiques, ils rejoindront en priorité une great place to work
  • 100 candidatures en moyenne par poste ouvert dans une entreprise Best Workplace (vs. 31 dans une entreprise non labellisée)
  • 89 % de collaborateurs des Best Workplaces recommandent leur organisation vs. 53 % des Français
  • 92 % de collaborateurs des Best Workplaces déclarent vouloir rester dans leur organisation sur le long terme vs. 57 % des Français

C’est d’ailleurs en ce sens qu’EPSA a décidé de se faire labelliser Great Place to Work il y a 5 ans, afin de répondre à de forts besoins de recrutement, l’entreprise étant passée de 250 à 1500 salariés en peu de temps. « Avec 250 postes ouverts par an et une moyenne d’âge de 30 ans, nous devions muscler notre marque employeur, surtout pour attirer cette population très volatile », témoigne Cédric Laroyenne, directeur de l’engagement chez EPSA.

Une manière de se jauger face à la concurrence mais aussi de continuer à progresser en interne sur les thématiques liées à la QVT. Et le résultat a été concluant puisque l’entreprise a reçu plus de CV qu’à l’accoutumée, même si, de l’aveu de notre interlocuteur, tous n’étaient pas nécessairement très qualifiés. Mais Cédric Laroyenne l’assure : entre deux postes équivalents – notamment en termes de rémunération – le label peut vraiment faire la différence. « Nous avons eu le cas d’un travailleur handicapé qui a décidé de nous rejoindre car nous avons aussi le label Diversité », confie-t-il.

« Ce que nous mettons en avant sur notre vitrine doit totalement être en phase avec le discours opérationnel des managers. » 

Un alignement entre les promesses et le terrain

En 2023, les salariés – et particulièrement les jeunes – sont plus exigeants que jamais : « Ils se demandent avant tout ce que l’entreprise va leur apporter, plus que l’inverse », suggère Luc Bretones, fondateur de NextGen et expert des nouvelles gouvernances. Un changement de paradigme qui explique pourquoi les organisations doivent sortir le grand jeu… en bonne intelligence. « Le label pour le label, ça ne suffit évidemment pas. Ce que nous mettons en avant sur notre vitrine doit totalement être en phase avec le discours opérationnel des managers », pointe Cédric Laroyenne.

En effet, l’alignement entre le discours et la méthode est central. Directrice de la communication chez Great Place to Work, Sarah Ferry nous le confirme : en observant le classement, les entreprises en haut du palmarès ne sont pas nécessairement celles qui prônent les valeurs les plus altruistes ou qui sont très centrées sur la RSE, mais celles « où ce qui est annoncé est perçu et vécu tel quel ». Pour s’en assurer, le label recueille l’avis des salariés via un sondage composé de 60 questions. L’idée étant que les réponses soient les plus homogènes possibles, que l’on soit homme, femme, manager, employé, etc.

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Labels d’entreprise : de l’attraction à la rétention des talents

Parce qu’ils sont le fruit de plusieurs années de travail, les labels peuvent aussi servir à la rétention des talents, encore plus qu’à leur attraction. C’est en tout cas le témoignage de Charlotte Abdelnour, Sustainable Operations Senior Manager chez OCTO Technology. Après avoir été labellisée Great Place to Work, l’entreprise a décroché le macaron B Corp, qui s’intéresse avant tout à la manière dont le business de l’entreprise est opéré. « Le dossier à fournir était très exigeant et cela nous a pris un an car il ne s’agissait pas que de déclaratif. Cela touchait à notre empreinte carbone, notre gouvernance, notre business model, etc. », affirme notre interlocutrice.

Elle nous confie aussi que le label est certes présent en vitrine du site de l’entreprise et dans les signatures, mais qu’il s’agit avant tout d’un objet de fierté collective pour les salariés en place. « Bien sûr, nous avons des candidats et des candidates qui montrent un intérêt fort pour le label B Corp. En revanche, l’idée n’est pas de communiquer dessus tout azimut mais de le présenter avant tout comme un marqueur de tout ce qui a été fait jusqu’ici par la communauté d’Octos », poursuit-elle.

Trop de label tue le label ?

Alors qu’il existe désormais de nombreux labels dans le paysage des entreprises (outre Great Place to Work et B-Corp, on retrouve aussi ChooseMyCompagny, Lucie, Diversité, Positive Workplace, le Must Employer…), on peut s’interroger sur leur multiplication : n’y a-t-il pas là un business juteux ? Et surtout, les labels vont-ils continuer à avoir autant d’impact à mesure que les entreprises qui les décrochent sont plus nombreuses ? Bref, comment s’assurer qu’il ne s’agit pas là d’un énième bullshit ?

Déjà, on ne peut pas nier que les labels représentent un réel marché puisqu’ils sont payants, et décernés par des organismes privés (sauf exception pour le label Diversité derrière lequel on retrouve l’AFNOR). Chaque label a ses propres critères, et repose donc sur une part de subjectivité. Alors, les critiques sont vite arrivées. « Sur Twitter, il nous est arrivé que l’on nous traite de pigeon parce que nous avions soit disant payé notre label. Mais les gens qui nous connaissent vraiment savent qu’on ne se lancerait jamais dans quelque chose de bullshit. Se faire labelliser, c’est très chronophage, ce qui prouve l’engagement de l’entreprise en la matière. Et puis, ces labels nous permettent aussi d’accéder à des groupes de travail. Ce n’est pas juste pour faire joli », soutient Charlotte Abdelnour.

À ce titre, Sarah Ferry nous indique que sur 450 entreprises auditées, seulement 200 sont labellisées, et 100 présentes au palmarès. Les entreprises qui ne décrochent pas le label peuvent ensuite être accompagnées dans leur plan RH. Elle ajoute qu’un comité éthique veille au bon fonctionnement de l’organisme. Quant à l’aspect financier ? « Nous ne sommes pas une association, nous avons besoin de nous rémunérer pour notre travail, mais nous le faisons en toute bonne foi », ajoute-t-elle.

De son côté, Cédric Laroyenne nous explique que la labellisation n’est pas que décorative : elle permet de flécher les investissements (l’entreprise a par exemple troqué sa salle de sieste contre un lieu dédié aux expositions culturelles). « Même si nous avons trois labels, l’idée n’est pas de les empiler mais de trouver ceux qui nous feront le plus progresser, et seront en même temps les plus parlants à l’externe », affirme-t-il. D’ailleurs après plusieurs années de présence dans le top 10 de Great Place to Work, EPSA s’interroge sur la pertinence de maintenir sa labellisation. D’autant que si de plus en plus d’entreprises sont labellisées, l’attractivité en termes de marque employeur demeurera-t-elle ?

Pour Sarah Ferry, la réponse est simple : il n’y aura jamais plus de 100 entreprises au palmarès, et se hisser au sommet risque donc d’être de plus en plus compliqué. De son côté, B Corp va encore réhausser ses exigences. Dans tous les cas, l’attrait pour les labels est – de l’avis de la représentante de Great Place to Work – un beau signal de l’intérêt porté par les entreprises sur le sujet !


Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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