Breadcrumbing, situationship... Et si on adaptait le lexique du dating au taf ?

Feb 13, 2024

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Breadcrumbing, situationship... Et si on adaptait le lexique du dating au taf ?
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Romane Ganneval

Journaliste - Welcome to the Jungle

Avec l’explosion du nombre des sites de rencontre en ligne et des applications de dating, de nouveaux comportements amoureux ont fait leur apparition, affublés de nouveaux termes. Fait étonnant, ce vocabulaire s’adapte parfaitement aux nouvelles réalités du monde du travail. Voici nos plus belles trouvailles.

- Beige Flag

Lorsqu’on s’engage dans un rendez-vous amoureux, il nous arrive de tester la personne lors d’une première rencontre. Il n’a jamais eu de relation longue ? Red flag. Il ne dit pas de choses trop négatives à l’égard de son ex ? Green flag. Si on compte tous les points en fonction de ce qu’on recherche au moment T, qu’en est-il des beige flag ? Pour celles et ceux qui ignorent de quoi il s’agit, fiez-vous à la palette de couleur dont nous disposons et entre-nous, le beige, c’est ce qui n’a pas d’intérêt, voire suscite l’ennui. Du genre : « Moi ce que j’aime dans la vie, c’est les burgers et rire. Mon film préféré : Pulp Fiction. » Rien de toxique en soi, mais qui ne donne pas forcément envie d’en savoir plus. Si on se projette un peu, on imagine déjà les soirées pizza-canap à parler de l’interdiction des trottinettes électriques… L’enfer. Côté pro, c’est un peu ce qu’il se passe lorsqu’on égraine les offres d’emploi et qu’on lit sur une annonce que l’équipe a une bonne ambiance et qu’en rejoignant l’entreprise, on aura des tickets-restaurant et un remboursement de frais de transport à hauteur de 50%. Prime au photo de groupe avec des pulls avec le logo de l’entreprise. Bref, tout ça est un peu trop bateau pour nous.

- Benching

Tiré du vocabulaire sportif, le benching soit en anglais « mettre sur la touche », signifie dans le lexique du dating que la personne avec qui vous flirtez vous considère comme un second couteaux et vous garde juste le temps de trouver quelqu’un d’autre (forcément mieux). Si nous appliquons cette analogie au monde du travail, disons que ça peut être tout ce qu’on qualifie de job alimentaire : il nous permet de continuer à payer notre loyer et à assurer nos dépenses quotidiennes, mais on ne l’a pas vraiment choisi pour ses missions, ni dans une optique de progression de carrière. C’est confortable, mais suffisamment pénible pour avoir envie de courir vers d’autres horizons à la moindre occasion.

- Breadcrumbing

Vous avez faim et voilà qu’on vous appâte avec des petites miettes de pain, juste ce qu’il faut pour saliver encore plus. Si votre crush du moment s’amuse à souffler le chaud et le froid en même temps (par exemple : il aime toutes vos publications sur Instagram, mais ne répond pas au téléphone) et que vous ne savez plus sur quel pied danser, il y a de fortes chances que vous soyez victime de breadcrumbing. Suis-je en couple ? M’aime-t-il ? Suis-je un bouche trou ? Rien n’est moins sûr. Au travail, c’est un peu le type de relation que vous pourriez avoir avec votre n+2 ou n+3 qui s’intéresse à ce que vous faites seulement quand il a besoin de vous. Mais ne vous laissez pas berner, bientôt, il préférera votre voisin d’open space. Comme dirait Franck Ribéry : « La routourne va vite tourner. »

- Chem sex

Contraction de chemical et de sex, cette pratique (prononcée
« kemsex ») dont on a beaucoup entendu parlé avec l’affaire Palmade, consiste à consommer des substances psychoactives pour augmenter le plaisir et la performance pendant les rapports sexuels. Vous vous demandez où est le rapport avec le travail ? Si dans notre imaginaire collectif, la consommation de drogues dans un but performatif au travail est le lot de quelques hurluberlus de la finance, de publicitaires en plein egotrip ou de présentateurs télé botoxés, d’après le baromètre sur la consommation de substances psychoactives en milieu professionnel, la consommation de drogues comme béquille pour gérer son stress ou améliorer sa résistance au travail est bien plus fréquente qu’on ne le pense et touche des secteurs aussi variés que l’agriculture, l’immobilier, la restauration, la construction que les arts et le spectacle.

- Cricketing

Au début d’une relation, tout est malheureusement une histoire de rapport de forces. Souvent, il y a une personne proactive qui propose des rendez-vous, envoie des messages, et une autre qui est plus dans une posture passive et de réponse. Pour rééquilibrer la balance, la première peut pratiquer ce qu’on appelle le cricketing, soit le fait de laisser en vu un message pendant plusieurs heures ou plusieurs jours, sans y répondre. Ce n’est pas très glorieux, mais qui a dit que l’humain était bon ? Au travail, c’est un peu ce qu’il se passe avec « la technique de l’autruche » (même s’il est faux que les autruches mettent leur tête dans le sable), lorsque votre manager vous donne une liste de missions et que vous faites comme si ça n’existait pas. Vous avez bien noté les contraintes de ce projet, mais est-ce que vous avez envie de vous y coller ? Le mystère plane toujours, même si vous savez que vous finirez par vous y atteler.

- Cuffing

S’il est plutôt agréable de papillonner aux beaux jours, c’est autre chose quand les rayons de soleil disparaissent sous une épaisse couche de nuages à la fin de l’automne. Chaque année, vous vous posez la même question : comment affronter les sombres, pluvieuses et froides soirées des mois à venir ? En trouvant un partenaire prêt à se blottir contre vous jusqu’au retour du printemps pardi ! Mettre les menottes à quelqu’un durant la saison froide, c’est justement le principe du cuffing. Bon, ce qu’on ne dit pas, c’est qu’à mesure que les jours raccourcissent, vous baissez vos standards. Il a des goûts cinématographiques discutables ? Pas grave, il cuisine bien. Vous n’aimez pas la déco de son appartement ? Il a une cheminée en état de marche. Dans la vie, tout est une question de point de vue et de temporalité. Côté boulot, imaginez que vous êtes professeur de surf et que vous avez oublié de réserver votre billet d’avion pour passer l’hiver aux Antilles. Pas de panique, en transposant le cuffing au travail vous acceptez un job pépère à l’accueil d’une agence pour l’hiver. Si on omet le fait que ce job soit inintéressant au possible, il a l’avantage de ne pas être stressant, d’avoir un environnement calme et vous permet de partager des pauses-déjeuner avec des collègues sympas. Bien sûr, il ne faudra pas que votre manager soit trop surpris quand vous poserez votre démission le 20 mars au matin.

- Flexting

Contraction du mot flex que l’on peut traduire par le fait de « se la péter » et de « texting » soit l’art d’envoyer des textos, le flexting consiste à mettre ses qualités physiques et intellectuelles en avant, qu’elles soient réelles ou… complètement imaginaires. Lorsqu’on est en recherche d’emploi, c’est un peu ce qui nous arrive quand on se laisse appâter par les engagements écologiques d’une entreprise alors qu’il s’agit d’une opération de greenwashing rondement menée, ou qu’on nous présente des photos mid journey de locaux qui n’ont jamais existés. Et la désillusion ne s’arrête pas là… Au premier entretien, vous découvrez que votre futur manager avec qui vous pensiez bientôt flirter n’a pas les dents aussi blanches que sur ses photos professionnelles et surtout, qu’il met encore du gel dans ses cheveux. Next !

- Ghosting

Voilà un mot qu’on ne présente plus. Mais pour celles et ceux qui seraient passés entre les gouttes de ce phénomène (à moins d’être dans un couple exclusif depuis plus de dix ans, j’ai du mal à croire que ça existe encore…), sachez que cela consiste à ne plus avoir de nouvelles de son crush du jour au lendemain, sans savoir ce qui n’a pas fonctionné entre vous. Dans le monde professionnel, c’est exactement ce qu’il se passe lorsqu’on est en processus de recrutement et qu’on atteint la phase finale des entretiens… Avant que les communications soient totalement rompues. Comme pour les relations amoureuses, c’est à se demander où est passé le courage de nos jours ! Vous avez été ghosté par un partenaire ou un recruteur ? N’oubliez pas que vous méritez mieux. Alors, gardez la tête haute et si nécessaire, bloquez voire supprimez les numéros de téléphone pour éviter d’envoyer un message que vous pourriez regretter.

- Gophering

En tête des tendances amoureuses de 2023, le gophering correspond à l’acte de « faire des plans pour rencontrer quelqu’un qui vous intéresse et finir par l’annuler à la dernière minute ». On navigue pas loin du ghosting, à un détail près : les deux personnes n’ont jamais eu l’occasion de discuter autour d’un verre ou d’un café. Selon Alix Fox, spécialiste des relations et consultante pour la série Sex Education, ça serait une manière de booster son ego, « sachant que la personne en face, s’empressera de dire oui à n’importe quelle proposition de date ». Au travail, c’est typiquement ce qui nous arrive lorsqu’on fait du networking sur LinkedIn alors qu’on est en poste et qu’on cale un rendez-vous par message privé avec un potentiel partenaire, investisseur ou patron. Enfant malade, réunion qui s’éternise, charrette… tout est ensuite bon pour annuler cette entrevue à la dernière minute.

- Rossing

Vous l’avez peut-être oublié, mais dans la saison 3 de Friends, Ross se dispute avec Rachel qui ne supporte plus sa jalousie et décide de faire un break. À peine le mot a-t-il été prononcé que Ross se jette dans les bras de Chloé, une employée d’une imprimerie en bas de chez lui. Si le lendemain matin, le couple finit par se rabibocher, Rachel apprend la petite escapade de son partenaire par le charmant Gunther. Le terme rossing soit le fait de profiter d’une situation amoureuse floue ou ambiguë pour justifier un manque d’exclusivité est né. Encore une fois, le rapport avec le travail peut sembler lointain et pourtant, c’est un peu ce qu’il se passe quand on est freelance ou pigiste et qu’on entretient un rapport privilégié avec un client. Oui, vous vous pliez en quatre pour lui, mais tant que vous n’avez pas signé de contrat de travail vous pourrez toujours flirter avec la concurrence. Le rossing fonctionne aussi lorsqu’on est en CDI et qu’un manager prend son temps pour nous donner la promotion qu’on mérite : « Comment ça tu as encore trouvé une excuse pour retarder mon évolution de carrière ? Pas de problème, je vais aller voir ailleurs et tu verras bien ce que je vaux. » Ou encore lorsqu’on est en processus de recrutement avancé avec une boîte, mais qu’on ne se prive pas de passer des entretiens ailleurs car après tout « tant qu’on a pas signé de contrat… »

- Situationship

Si sur le papier, la situationship n’a rien de toxique puisqu’il s’agit « d’explorer une relation sans pression et surtout sans mettre le mot de couple, tout en se voyant régulièrement ». Dans les faits, c’est souvent un peu moins réjouissant : il est assez fréquent qu’un membre de ce duo pense être dans une relation exclusive sans oser demander à l’autre de clarifier ce qu’il en est et que le second soit plus en recherche de légèreté. Bref, tout cela manque de communication et de transparence ! Au bureau, c’est un peu ce qu’il se passe quand on prend en charge un nouveau périmètre sans que notre fiche de poste n’ait été changée. Avec ce changement, la logique voudrait que vous passiez manager ? Erreur, vous êtes bloqué au statu quo ! Mais peut-être que si vous faites l’affaire pendant un long moment et que vous dépassez vos objectifs, vous pourrez envisager de passer… au niveau supérieur ?

Article édité par Gabrielle Predko - Photo Thomas Decamps pour WTTJ

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