BADASS : comment votre fierté bloque votre carrière

Publié dans BADASS

24 mars 2022

6min

BADASS : comment votre fierté bloque votre carrière
auteur.e
Lucile QuilletExpert du Lab

Journaliste, conférencière et autrice spécialiste de la vie professionnelle des femmes

BADASS - Vous vous sentez illégitimes, désemparées, impostrices ou juste « pas assez » au travail ? Mesdames, vous êtes (tristement) loin d’être seules. Dans cette série, notre experte du Lab et autrice du livre de coaching Libre de prendre le pouvoir sur ma carrière Lucile Quillet décortique pour vous comment sortir de la posture de la “bonne élève” qui arrange tout le monde (sauf elle), et enfin rayonner, asseoir votre valeur et obtenir ce que vous méritez vraiment.

Je vois votre ride du lion d’ici. Vous trouvez ça paradoxal : à la fois, j’encourage les femmes à vaincre leur syndrome de l’imposteur, de la bonne élève, à bomber le torse, avoir confiance (au moins autant qu’un mec très moyen qui se pense légitime). Et là, vous lisez en titre noir sur blanc que la fierté, au travail, pourrait ne pas être toujours une bonne chose ? De quoi plonger directement la tête dans l’écran (d’ordi, de tablette, de téléphone, vous êtes celle qui sait le mieux).

Faudrait-il donc mettre sa fierté au placard et s’aplatir face aux circonstances comme un phoque glissant sur la banquise ? Accepter tout, des missions en dessous de notre grade jusqu’aux petites remarques sexistes glissées par un N+1 beauf ? Faire tout ce qu’il en coûte - même la course à quatre pattes sur la moquette de l’open space avec Benoît et Véronique lors du réveillon de la boîte - pour vous mettre vos collègues dans la poche ? Rassurez-vous, il ne s’agit pas de ça, mais plutôt de faire le pari d’avoir plus confiance en soi et de s’ouvrir encore plus de portes au lieu d’attendre sagement devant l’entrée avec sa fierté… Décrispez cette ride, je vais vous expliquer.

La fierté : filtre protecteur ou excuse bidon ?

Elle nous permet de rester vertical, de poser nos limites pour nous (jusqu’où l’on ne s’abaissera pas) et vis-à-vis des autres (jusqu’où ils ne peuvent interférer). C’est elle qui nous alerte et nous fait réagir de façon épidermique, et à juste titre, face au sexisme et aux humiliations par exemple. C’est elle qui est un gage d’assurance et nous retient d’être trop dépendante des autres. En somme, la fierté agit comme ce filtre de protection pour signifier au monde que vous pouvez exister par vous-même et que vous vous respectez trop pour accepter n’importe quoi.

C’est génial, évidemment, jusqu’au jour où cette fierté devient oppressante pour vous-même. Toutes ces fois où vous vous dites « je ne veux pas postuler à cette bourse car je risque de ne pas l’obtenir », « je ne veux pas demander de l’aide à Patricia, ça voudrait dire que je ne suis pas au niveau », ou « je ne vais pas être la première personne à enclencher la conversation en afterwork, ça fait trop “en demande” ». La fierté devient alors cette posture valorisante qui justifie l’inertie et donne le change face à vos peurs profondes : la peur de l’échec, du rejet, de la honte, du jugement des autres. Dans ces cas-là, la fierté ne vous protège pas de l’extérieur : elle fait alliance avec votre perfectionnisme et vos craintes pour vous paralyser, limiter vos options et vous tenir à distance de vos propres ambitions. Parce qu’elle abhorre le risque, elle vous fait choisir le statu quo, quitte à vous ralentir considérablement et ce, que l’on soit en recherche d’emploi, salarié, entrepreneur, freelance.

C’est pour cela qu’il faut parfois savoir la ranger dans sa poche (près du cœur) pour s’exposer, prendre le vent en pleinne figure et voir où ça nous mène. À certains moments, on tombera la tête dans le sable (pas grave, on se relève) et à d’autres, on décollera en mode windsurf au Sahara.

Quand et comment mettre sa fierté de côté ?

Voici sept occasions de vous relever huit fois :

1. Demandez de l’aide

N’ayez plus peur d’être en position de demande : en cherchant des conseils auprès des autres, vous vous ouvrez le champ des possibles. Non seulement vous prouvez que vous êtes humble et pro-active, mais vous tenez là un magnifique prétexte pour tisser de nouveaux liens et élargir votre réseau. C’est le moment de proposer un café au N+3 inatteignable pour comprendre les clés de sa réussite et demander de l’aide (sans s’écraser pour autant) au-delà de votre service. Rappelez-vous : les gens adorent parler d’eux et se sentir valorisés.

Dites-vous : vous n’êtes pas “en demande”, vous avez juste soif d’apprendre.

2. L’authenticité prévaut sur le ridicule

Ça fait des semaines que vous avez l’idée du siècle sur le bout des lèvres prête à jaillir en réunion, mais que vous vous réfrénez par peur d’un epic fail. Vous imaginez toujours ce scénario cauchemardesque où votre proposition fait un flan et tous vos collègues se mettraient à rire gras et aux éclats en vous pointant du doigt. Visualisez aussi l’option happy end : ils sont impressionnés.

Dites-vous : même si la mèche ne prend pas, vous serez dans tous les cas enfin reconnue pour ce que vous êtes : quelqu’un qui fait preuve d’initiatives.

3. Demandez plus même après un refus

Vous avez demandé une augmentation et on vous a dit non. Un deuxième refus serait trop difficile à vivre alors vous ne bougez plus, comme un gecko fixé sur le mur d’une terrasse un soir d’été.

Au lieu d’en faire une question d’honneur personnel, prenez la négociation pour ce qu’elle est réellement : un jeu où le premier qui lâche a perdu. Il vous faut plusieurs « non » pour obtenir un « oui ». Et si, à force, vous vous prenez toujours des portes dans la figure, vous gagnerez un temps précieux : il ne vous faudra pas quinze ans mais cinq pour comprendre que cette entreprise ne vous mérite pas.

Dites-vous : vous ne manquez pas de fierté, vous êtes tenace et vous savez ce que vous valez.

4. Ne pensez pas “concurrence” mais “synergie”

Vous êtes freelance ou entrepreneure et vous vous sentez en concurrence avec les personnes de votre secteur. Trop fière, vous préférez accepter des missions/contrats payé(e)s trois cailloux plutôt que d’adresser un mot à vos rivaux·ales : pas de pitié, chacun défend son territoire.

Là où vous voyez de la rivalité, d’autres - moins fiers - voient des points communs : la solitude, les mêmes problématiques face au client, le temps dépensé gratuitement sur les réseaux pour faire de la promotion… Et en ligne de mire : de l’entraide (et qui sait, peut-être même de la sororité), un gain de temps et des alliés précieux.

Dites-vous : vous n’avez pas besoin des autres, mais vous voulez travailler en bonne intelligence.

5. Parlez en premier

En afterwork, en séminaire, en forum ou en salon, vous préférez touiller les chips dans le creux de votre main plutôt que d’aller aborder des inconnus. On oublie qu’il y a toujours deux faces à une même pièce. Pile : vous êtes dépendante des autres et en demande. Face : vous êtes ouverte et audacieuse, et en plus vous facilitez la tâche aux autres, vous vous positionnez comme quelqu’un qui peut mener le jeu.

Pour ne pas paraître trop needy, on entre en matière en étant curieuse sur le parcours des autres, tout en sachant tourner les talons si les questions sont toujours à sens unique pour aller voguer vers des gens qui savent jouer à la réciprocité.

Dites-vous : vous n’êtes pas désespérée, vous n’êtes juste pas là pour faire de la figuration.

6. Adoptez le mental “rien à perdre”

Vous n’osez pas candidater à cette bourse, ni à cette offre d’emploi, ni à cette levée de fonds parce que vous êtes trop perfectionniste. L’idée de ne plus être cette bonne élève parfaite mais une femme active qui a connu des gadins vous tétanise alors vous préférez ne rien tenter pour que votre histoire professionnelle reste immaculée. Aussi car vous craignez que les gens en face vous jugent « gonflée » de vous croire si incroyable.

Rassurez-vous : déjà, les gens ont la mémoire courte. Ensuite, mieux vaut adopter le mental « rien à perdre » et tenter le plus de choses possibles. Souvent, la pire conséquence que l’on imagine n’a aucun impact sur notre carrière. Vous osez démarcher le client de vos rêves… et il ne vous répond pas. So what ? Idem : ne pas obtenir cette bourse/ce job/cet argent ne vous enlève rien, là où votre fierté vous fait payer un coût psychologique lourd pour rien.

Dites-vous : qui ne tente, rien n’a rien (on va finir par y croire, oui).

7. Tombez sept fois, relevez-vous huit

Ceux qui réussissent ne sont pas toujours les plus talentueux, mais les plus persévérants. Souvenez-vous des mots de Lady Gaga, son Oscar à la main : « Il ne s’agit pas du nombre de fois où vous êtes rejeté, où vous êtes abattu, mais du nombre de fois où vous vous relevez, vous faites preuve de courage et vous continuez ».

Ramez, recommencez, retentez. Le jour où vous obtiendrez ce que vous voulez, votre storytelling n’en sera que plus savoureux.

Dites-vous : ça ne veut pas dire que vous n’avez pas de fierté, mais que vous croyez en vous.

Pour moi qui suis quelqu’un d’assez fière, mes premières années de freelancing m’ont causé des nœuds au cerveau. Je ne voulais pas paraître en demande, je m’estimais en concurrence avec la terre entière, je n’osais pas m’exprimer sur les réseaux car j’avais peur de me ridiculiser. Le problème avec la fierté, c’est qu’elle nous fait passer beaucoup de temps dans notre tête, à calculer plus qu’à faire. Un jour, j’ai réalisé qu’en fait, personne ne me regardait. J’ai sauté une barrière mentale, puis une autre. Tout va plus vite. Tout est plus fun aussi. Alors que la fierté nous rattache au domaine du contrôle, sauter sans filet dans une forme d’expérimentation hasardeuse (sans risque capital non plus) apporte du plaisir, de l’excitation, et des rencontres enrichissantes. Et, qui l’eût cru : vous finissez par devenir fière d’avoir mis votre excès de fierté en veilleuse.

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