Pourquoi et comment remplacer l’incontournable : « Tu fais quoi dans la vie ? »

17 févr. 2022

5min

Pourquoi et comment remplacer l’incontournable : « Tu fais quoi dans la vie ? »
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Tout le monde n’est pas à l’aise avec le small talk ou les conversations impromptues. Bien souvent, le « Et du coup, qu’est-ce que tu fais dans la vie » est la manière la plus simple de combler un silence embarrassant ou de démarrer un échange. Mais pourquoi ce n’est pas forcément une bonne idée ? Et quelles alternatives pouvez-vous expérimenter ? Nous avons recueilli quelques idées.

Pourquoi devrait-on réellement songer à dire autre chose ?

Un emploi n’est pas une identité. S’interroger sur le travail de l’autre, c’est considérer (implicitement) que c’est une manière de classer et hiérarchiser les individus dans la société. Et cela peut rendre certaines personnes (très) mal à l’aise : parce que votre job l’intimide (« OK, le mec est trader alors que moi je suis chef de projet, il va me trouver nul(le) »), parce qu’il ne comprend pas ce que vous faites (« Tu es data ana-quoi ? ») ou encore parce que vos deux jobs sont si différents qu’aucun ne trouve comment rebondir. Par ailleurs, cette question suppose que l’autre ait effectivement un emploi, à une époque où tout le monde n’a pas cette chance. Au mieux, elle conduit à un small talk sans réelle saveur. Au pire, elle peut mettre votre interlocuteur en difficulté.

Mais surtout, cette question n’aide pas à créer des connexions profondes. La science le montre : l’être humain préfère les liens “multiplex”, à savoir les relations avec plusieurs éléments de connexion. Dans une conversation, si vous découvrez que votre interlocuteur et vous partagez un intérêt pour les romans de science-fiction et voyagez toujours en camping sauvage, vous avez plus de chances de créer des liens. Et si les éléments qui vous rapprochent sont significatifs - vous avez combattu la même maladie, vous avez tous les deux grandi dans des quartiers difficiles - il est encore plus probable de créer une relation durable et profonde.

Et pour créer ces connexions, il faut trouver des liens multiplex. Et donc, poser les bonnes questions. Car non, personne ne vous répondra instinctivement « Moi ? Je suis comptable. Mais avant tout j’adore la littérature anglaise du 19ème et j’ai toujours rêvé de devenir champion de street fight ». Non seulement, parce que c’est bizarre. Mais aussi, parce qu’on sait tous que les comptables ne font pas de street fight (rapport aux lunettes et à leur condition fragile #2nd degré).

La clé, selon Chris Colin et Rob Baedeker, auteurs de What to Talk About: On a Plane, at a Cocktail Party, in a Tiny Elevator with Your Boss’s Boss, est de poser une question ouverte. Leurs conseils ? « Visez des questions qui invitent les gens à raconter des histoires, plutôt que de donner des réponses fades en un mot. »

« Qu’est-ce que tu fais le week-end, en général ? »

Quand on débute dans le small talk, la question « Quelles sont tes passions ? » est un grand classique. Tirée tout droit de la rubrique éponyme dans un CV, elle reste très réductrice. Car dans le monde des “hobbies”, certaines ont la cote, et d’autres non. Et beaucoup ne considèrent pas leurs centres d’intérêt comme des passions “valables”.

La question « Qu’est-ce que tu fais le week-end, en général ? » est plus ouverte. Elle laisse un vaste champ de possibilités à votre interlocuteur. Il pourra vous avouer qu’il aime simplement se reposer en scrollant son fil Tik Tok à l’infini, qu’il en profite pour passer du temps avec ses amis ou emmener ses enfants au foot, ou qu’il fait de la céramique japonaise pour décompresser.

« Quelle est la chose la plus inattendue qui te soit arrivée récemment ? »

Les anecdotes sont un excellent moyen de démarrer une conversation sur un ton léger. À privilégier quand vous rencontrez des amis d’amis, plutôt qu’avec votre nouveau boss. Ici, laissez à l’autre le temps de réfléchir et, si vous voyez qu’il n’est pas inspiré, n’hésitez pas à donner le change en racontant l’une de vos propres histoires.

« Quelle est la chose la plus insolite que tu as apprise cette semaine ? »

Saviez-vous que les cacahuètes poussent sous terre, comme les carottes ? Que vous soyez féru de faits divers, que vous scrolliez des forums obscurs ou que vous passiez trop de temps à discuter avec votre concierge, vous avez sans doute des informations innatendues et légères à partager… et vos interlocuteurs aussi.

Au-delà de l’anecdote, pensez à rebondir en demandant comment la personne a appris cette information (c’est sans doute tout aussi inattendu). L’histoire derrière l’information est parfois plus intéressante que l’information elle-même.

« Où rêverais-tu de voyager ? »

Ici, vous sortez du quotidien et invitez l’autre à rêver. Cette question est très souple, car elle permet à votre interlocuteur d’être concis ou très loquace, en fonction de ses envies.

Et surtout, c’est un sujet très sûr… À l’inverse de la politique, ou des convictions de chacun sur le vaccin contre le COVID-19. Oui, il faudrait vraiment le vouloir pour se fâcher au sujet d’une destination. Par ailleurs, c’est très facile pour vous de rebondir avec des questions connexes : pourquoi ce pays, est-ce qu’il l’a déjà visité, comment il aime voyager…

« Quelle est la chose la plus sympa que l’on ait dite à ton sujet ? »

Ce n’est un secret pour personne : les gens adorent parler d’eux. Trêve de fausse modestie, vous aussi. En posant ce type de question, vous offrez un cadeau très précieux à l’ego de votre interlocuteur.

Mais surtout, c’est une manière très intéressante d’en savoir plus sur l’autre. Tout le monde vante sa finesse d’analyse (c’est d’ailleurs pour cela que l’on vous avait parlé de lui) ? Peut-être qu’il préfère que l’on loue sa créativité, et que cette question sera l’occasion de vous raconter qu’il prend des cours d’improvisation théâtrale depuis quelques mois !

« À quoi ressemble ta journée parfaite ? »

Une question qui permet de projeter votre interlocuteur sur des sujets agréables, et qui lui permet d’en dire beaucoup sur lui : ses plats préférés, son rapport à sa famille et ses amis, son rapport au travail, ses passe-temps et centres d’intérêt… Avec cette question, impossible de se tromper.

« Si tu pouvais dîner avec n’importe qui à travers le monde, qui choisirais-tu ? »

Barack Obama ? Orelsan ? Nabilla ? À l’image de la question précédente, elle en dit plus qu’elle ne laisse supposer. Elle est également moins intrusive et permet à votre interlocuteur de se livrer, différemment.

« Quel livre as-tu lu et aimé récemment ? »

Existe également en version « Quel est ton livre préféré ? ». Une question facile et sans risque, qui ne prête pas aux désaccords et conflits. Et surtout, qui en dit beaucoup sur quelqu’un. Ne dit-on pas que la bibliothèque d’une personne est le miroir de son âme ? Non. Mais on pourrait.

« Quel est ton émoji préféré ? »

OK, celle-ci risque de désarçonner votre interlocuteur. À privilégier dans votre cercle privé, avec un coup dans le nez, au risque de passer pour un excentrique. Et attention à bien connaître toutes les subtilités du monde des emojis : si on vous répond « l’aubergine », ce n’est sans doute pas une invitation à partager vos recettes préférées.

Vous l’aurez compris, les questions à poser pour sortir du « Et quoi, tu fais quoi dans la vie ? » sont infinies ! Des plus personnelles aux plus insolites, elles invitent à une conversation authentique. Et si votre interlocuteur ne mord pas à l’hameçon ? Pas de problème, retournez en terrain connu : « Ah, tu n’as pas de livre préféré ? Excuse-moi, je suis prof de littérature donc j’aime bien poser ce type de question. D’ailleurs, tu fais quoi dans la vie, toi ? »

Article édité par Manuel Avenel
Photo par Thomas Decamps

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