Tatouages et piercings : peut-on les assumer en entretien d'embauche ?

11 juil. 2023

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Tatouages et piercings : peut-on les assumer en entretien d'embauche ?
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Porter un jean troué lors d’un entretien d’embauche ? Cela ne vous viendrait pas à l’esprit. Mais que faire de ses tatouages ou de ses piercings ? Naturellement, c’est plus compliqué à cacher (à moins qu’ils soient placés dans des zones où les vêtements peuvent les dissimuler ou que vous ayez des compétences en maquillage). Alors que de plus en plus de Français succombent au charme des aiguilles et que les tatouages et piercings sont de plus en plus acceptés, a-t-on intérêt à montrer patte blanche au recruteur en montrant nos modifications corporelles ou est-il préférable de les cacher ?

Avant bras décorés de motifs géométriques, bouquets de fleurs colorés sur les épaules, piercing dans le nez, écarteurs sur les lobes d’oreilles… Qu’il s’agisse d’une démarche artistique ou d’affirmation de soi, vous avez toujours voulu et aimé transformer votre corps ? Vous n’êtes pas seuls puisqu’en France une personne sur cinq est désormais tatouée et 12% de la population porte au moins un piercing, un chiffre qui a doublé en dix ans. Un vrai phénomène de mode puisque d’une vingtaine de salons dans l’Hexagone dans les années 80, on en dénombre plus de 5 000 aujourd’hui ! Mais s’il est bien plus accepté de modifier son enveloppe corporelle dans la vie de tous les jours, comment les tatouages et piercings sont-ils perçus dans un contexte professionnel et plus particulièrement lors d’un entretien d’embauche ?

Vers de plus en plus de tolérance de la part des recruteurs

De nos jours, toutes les catégories socioprofessionnelles se tatouent comme le montre une étude Ifop pour La Croix publiée en 2018. Les ouvriers sont les plus représentés avec 38% de tatoués, mais n’allez pas croire que les cadres et les professions libérales sont en reste puisqu’ils sont 19% à avoir sauté le pas. Depuis janvier 2018, même la police nationale autorise le port des tatouages, ce qui était jusqu’à présent interdit par le règlement.

Face à la démocratisation de cette pratique, Sandrine Blommaert, directrice des ressources humaines chez Dimood, estime qu’arborer un tatouage ou un piercing lors d’un entretien ne peut plus être un frein à l’embauche sauf cas exceptionnels où le règlement l’interdit : « Les tatouages comme les piercings sont une tendance de plus en plus forte et ce serait franchement mal venu de la part d’une entreprise de discréditer un candidat pour cette raison. D’autant plus dans un contexte de tension sur le marché de l’emploi. S’arrêter à des subtilités comme le tatouage ou le piercing peut même s’avérer contre-productif. » Un avis partagé par Juliette Naji-Dumas, directrice d’Humando, agence de recrutement inclusive, pour qui la tolérance de l’entreprise vis-à-vis du tatouage révèle une part de sa culture d’entreprise, de sa philosophie : « Si un recruteur s’arrête sur le tatouage ou un piercing, cela veut dire qu’il ne va pas au-delà des apparences et donc que son rapport au monde est restreint. »

Cette tolérance nouvelle envers les modifications corporelles semble également faire écho à une prise de conscience plus large sur la nécessité d’aller vers un monde du travail plus inclusif et d’une vraie réflexion sur les questions de diversité en entreprise. En effet, selon Julien, manager dans la tech et tatoué d’une grosse pièce sur l’avant-bras, « le niveau d’échange et de compréhension autour des tatouages est plus simple aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années. C’est l’acceptation de la différence en général qui a évolué : des femmes, de la communauté transgenre et des homosexuels. Une bonne chose car, en définitive, ce qui est important c’est notre performance au travail. »

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Attention au poids des apparences

Mais si les recruteurs doivent d’abord évaluer les compétences et l’expérience professionnelle passée d’un candidat et que les tatouages et piercings ne véhiculent plus systématiquement une image subversive, la façon dont vous présentez à eux pour la première fois reste fondamentale parce qu’elle dit quelque chose de vous. Pour éviter les malentendus dans le cas où vous hésitez à montrer vos tatouages et piercings, Juliette Naji-Dumas conseille donc de se poser quelques questions en amont : « Quel message souhaitez-vous faire passer au recruteur ? Est-ce que montrer vos tatouages et vos piercings ne va pas brouiller les pistes et empêcher le recruteur de se concentrer sur l’essentiel, vos compétences ? »

Une vision partagée par Choura Sayed, consultante qualité de vie : « Exhiber ses tatouages demeure un risque car comme tout le monde, les recruteurs sont enfermés dans des biais cognitifs. Même s’ils se sont démocratisés, la question du tatouage et du piercing est le reflet d’une ambivalence de notre société où l’on montre une image de nous un peu plus débridée. Et comme ils peuvent avoir un impact plus ou moins négatif selon le domaine d’activité où vous postulez, il faut toujours réfléchir au fait d’être aligné avec la culture de l’entreprise dans laquelle vous postulez. Encore aujourd’hui, dans certains secteurs comme la banque, entre deux candidats aux compétences identiques, celui qui n’aura pas de modification corporelle aura tendance à être privilégié. » N’oubliez pas : comme potentiel futur salarié, vous êtes un ambassadeur de l’image de l’entreprise.

Le cas inverse existe aussi : dans certains secteurs artistiques ou la cuisine par exemple, le port de tatouages ou de piercings est généralement favorablement perçu par les recruteurs. « Dans une certaine restauration branchée, les serveurs sont généralement tous tatoués. Ces signes extérieurs participent à une forme de reproduction sociale », raconte Juliette Naji-Dumas, qui conseille donc aux candidats de bien choisir leur tenue pour l’entretien d’embauche en optant pour la solution qui aura l’impact le plus favorable par rapport à l’objectif visé.

Style neutre ou affirmé, les questions à se poser avant de se rendre à un entretien :

  • Mes tatouages, piercings sont-ils visibles ?
  • Dans le secteur et/ou le type de poste que je convoite, est-il plus ou moins toléré d’arborer des modifications corporelles ?
  • Les messages de mes tatouages ont-ils un caractère érotique, religieux… et pourraient possiblement heurter le recruteur ?
  • Quelle est la culture de l’entreprise ?

Et d’un point de vue légal ?

« Enfin, d’un point de vue légal, l’entreprise ne peut officiellement refuser d’embaucher une personne pour ses tatouages ou ses piercings », rappelle la directrice d’agence de recrutement inclusive. L’article L1132-1 du Code du travail est formel : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (…) en raison de son origine, de son apparence physique… » Et si l’employeur souhaite édicter une interdiction, il faut que celle-ci reste proportionnée à la situation comme c’est le cas chez Air France qui exige une tenue soignée à ses hôtesses de l’air et stewards, mais demande juste de cacher leurs tatouages visibles.

Vous l’aurez compris, lors d’un entretien vous avez toujours intérêt à vous montrer tel que vous êtes… sans oublier le poste que vous visez ! Si votre rêve est de devenir Miss France et que vos tatouages sont visibles, courrez vous faire détatouer. Idem si vous postulez pour un job dans un parc d’attractions pour être en costume d’époque : le piercing au nez peut faire désordre ! Enfin, on observe une grande disparité en fonction des âges - les jeunes sont beaucoup plus tatoués que leurs aînés - ce qui signifie que si votre recruteur est bien plus âgé que vous, il n’aura peut-être pas la même vision esthétique de votre petite rose tatouée sur l’avant bras… De manière générale, nombreux sont les recruteurs à se méfier de la perception du tatouage ou du piercing lorsqu’un poste est en contact direct avec une clientèle. Les temps changent c’est vrai, mais restez vigilants !

Article édité par Romane Ganneval ; Photo de Thomas Decamps

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