Entre ghosting et trop de réactivité : comment répondre aux messages pro ?

07 déc. 2021

5min

Entre ghosting et trop de réactivité : comment répondre aux messages pro ?
auteur.e
Caroline Roux

Journaliste freelance

Lundi matin. Vous émergez péniblement, tasse de café en main, vous vous installez devant votre écran et….vous frôlez la syncope : 32 mails non lus, 10 messages Slack et 2 rappels de réunions ! Pris d’angoisse à la vue de toutes ces demandes qui s’accumulent, vous ne savez pas pour quelle stratégie opter : y répondre une par une dans un rythme frénétique, ou opter pour la technique de l’autruche et ghoster sans pitié ? Votre cœur balance, et c’est bien normal car ces différentes attitudes peuvent grandement affecter les relations que nous entretenons avec nos collègues, et même égratigner notre image professionnelle.

À l’heure de la normalisation du télétravail, quelle stratégie adopter afin de gérer au mieux les multiples sollicitations qui deviennent de plus en plus envahissantes ? Pour vous aider à trouver un juste équilibre et faire toute la lumière sur ces nouveaux codes, nous nous sommes entretenus avec Malene Rydahl, autrice franco-danoise de Je te réponds… Moi non plus. L’art de répondre et de comprendre les non-réponses à l’ère digitale (Flammarion) qui propose une analyse des différents mécanismes qui entrent en jeu et nous donne les clés pour trouver le bon positionnement.

La communication numérique, un enjeu de taille

Dans son ouvrage, Malene Rydahl s’est appuyée sur un sondage international qui dresse un constat : deux tiers des français se sentent humiliés face à une non-réponse. Et à l’ère digitale, cette frustration intervient de plus en plus rapidement : « Dans un délais très serré de trois heures pour les messages instantanés, et au bout d’une journée pour les mails », précise notre experte. Plus que jamais, les échanges numériques produisent des malentendus et apparaissent comme des sources de frustration. Les outils digitaux, censés nous faciliter la vie (et encore plus depuis la pandémie) finissent par nous contraindre. Alors, quelles sont nos options pour gérer ces sollicitations ?

Le sérial-répondeur : attention à l’overdose de mails !

D’abord, il y a ceux qui répondent du tac au tac et restent toujours à l’affût de leur boite mail, prêt à dégainer un retour. Si ce geste confère une image fiable et rassurante, il peut parfois se révéler insidieux. « Faire preuve d’une grande réactivité comporte des risques. Il y a tout d’abord celui d’une réponse trop rapide qui perd en qualité. On répond sans avoir pris le recul nécessaire et on fait les choses de manière mécanique au risque de passer à côté de l’essentiel. S’ensuit un déséquilibre du système : plus on répond vite, par le biais de retours partiels, plus on augmente la quantité nécessaire des mails reçus et échangés », met en garde Malene Rydahl.

D’autre part, ce comportement peut vite devenir une source de stress pour soi, mais aussi pour les autres. « On estime souvent que, si on se donne les moyens de répondre rapidement, les autres doivent en faire de même. On considère que notre mode de fonctionnement est, en fait, un système de référence », explique notre experte.

Le ghosting, une technique lourde de conséquence

Si vous appartenez à la catégorie des “nonchalants”, attention, ce système n’est pas sans conséquence. Même si la majorité des non-réponses sont dûes à un manque de temps, elles sont parfois ressenties comme de véritables affronts. Selon l’étude menée par Malene Rydahl, 80% des sondés qualifient une personne qui ne répond pas d’égoïste, prétentieuse, peu fiable voire mal élevée. « Cette attitude renvoie une image très négative, le jugement est sévère et risque de vous faire du tort au sein de votre entreprise et auprès de vos relations. Ici, on touche à la réputation de la personne », abonde l’autrice. Personne n’a envie de se voir reprocher un manque de sérieux ou pire, de conscience professionnelle. De plus, l’indulgence de l’interlocuteur diminue au fur et à mesure que les délais grandissent. « Plus il y a d’attente, plus le coût de la réponse, et surtout du non, augmente. Car dans le cas d’un refus : un non immédiat va libérer directement la personne à qui il est adressé, tandis qu’un non, qui intervient une semaine après, prend une toute autre ampleur, et impacte plus grandement le processus de travail », explique notre experte.

Afin de retrouver tonicité et fluidité dans vos échanges, sans pour autant vous noyer dans un océan de mails, voici nos conseils élaborés avec Malene Rydalh pour trouver le juste milieu.

Six conseils pour trouver l’équilibre

1. Tenez informé votre interlocuteur

Avant toute chose, n’oubliez pas qu’il n’y a rien de plus agaçant que de se sentir ignoré. Si vous êtes dans le rush, et pas à même de répondre à un message dans l’immédiat, il faut informer votre interlocuteur. Malene Rydahl suggère : « Prenez acte du mail, puis donnez des délais, et tenez vos deadlines ». Vous pouvez écrire, par exemple, « j’ai bien pris connaissance de votre demande de ce matin, je vous ferai un retour d’ici la fin de la semaine ». Cela aura le mérite d’apaiser votre destinataire, de le rassurer sur vos intentions, et de vous libérer de la pression.

2. Triez, sans négligez

Il est primordial d’établir son échelle de priorités. « Toutes les sollicitations ne sont pas à prendre au même degré de sérieux. Il faut être en accord avec soi-même, sur ce qui appelle obligatoirement une réponse ou non », expose notre experte. Par exemple, si vous êtes en copie d’un mail qui a trait à l’activité commerciale alors que vous faites partie de l’équipe de développeurs, prenez-en connaissance quand vous aurez un moment, mais ne stoppez pas votre activité pour cela.

« Il faut également définir quel type de retour produire en fonction des situations », commente Malene. Un message Whatsapp reçu sur votre groupe de créatifs ne requiert pas la même réponse qu’un mail formel d’une quinzaine de lignes au sujet d’un projet d’ampleur. Dans le premier cas, une réponse rapide et décontractée peut aisément faire l’affaire (vous pourrez même vous permettre quelques excentricités), tandis que dans le second cas, il vous faudra élever votre niveau de langage et ne pas lésiner sur la précision et le soin apporté à votre réponse.

3. Définissez vos limites

Pour éviter toute dérive et certains abus (autrement dit, des collègues qui vous bombardent de messages et n’acceptent pas d’être mis en stand by quelques heures), il faut poser un cadre. Selon Malene Rydalh, « à vouloir être trop bon élève, à vouloir fournir une réponse immédiate, vous risquez de mal habituer vos interlocuteurs, qui n’auront de cesse de vous solliciter ». Définissez auprès de votre entourage professionnel les limites à ne pas franchir, par exemple : « Je ne réponds pas le week-end ni le soir après 19h, et je ne suis pas joignable pendant mes congés. »

4. Communiquez sur votre méthode

N’hésitez pas à échanger sur votre propre façon de fonctionner, vous éviterez toute forme de malentendus. « Comprendre son propre système, c’est une forme de connaissance de soi, déclare Malene Rydahl. Une fois que l’on s’est familiarisé avec cela, il est important de communiquer sur ses préférences : formats, applications, canaux. » Vous appréciez les appels qui permettent un échange plus dynamique que les messages ? Décrochez votre téléphone et demandez à votre contact s’il est d’accord de communiquer par ce biais. Vous êtes plus à l’aise avec les mails structurés ? Faites-en part à vos collègues.

5. Privilégiez la clarté

Malene Rydahl définit 4 types de réponses dans son ouvrage. Parmi elles, certaines sont à privilégier : « Optez pour les réponses claires, qui ne laissent pas de place au doute : le oui, clair et définitif, ou le non, libérateur, qui permet une économie de temps, recommande-t-elle. En revanche, bannissez le “oui, mais”, qui sonne comme un refus non assumé. »

6. Faites preuve de compréhension et d’empathie

Nous nous retrouvons tous à un moment d’un côté ou de l’autre de la barrière. Il est donc primordial de se mettre à la place de son interlocuteur. Pour cela, « essayez de saisir les enjeux de votre contact. Pourquoi fait-il appel à vous, en particulier, et dans des délais serrés », explicite l’autrice. Les rôles seront peut-être inversés le lendemain. Soyez compréhensif et renseignez-vous sur les besoins de votre collègue.

Enfin, ne vous culpabilisez pas ! Il faut se détacher progressivement de l’injonction à la réponse frénétique et faire valoir votre droit à la déconnexion. Lors de vos congés, une petite digital detox fait souvent le plus grand bien.

Article édité par Gabrielle Predko, photo Thomas Decamps pour WTTJ

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