Et si le bonheur des start-up était dans le pré ?

09 janv. 2018

6min

Et si le bonheur des start-up était dans le pré ?
auteur.e
Clémentine Marot

Chef de projet marketing freelance dans les secteurs mode et art de vivre

Si Paris ou les grandes villes s’imposent comme des destinations incontournables pour beaucoup d’entrepreneurs en herbe, de plus en plus font le choix de poser leurs valises en zone rurale attirés par une meilleure qualité de vie, des loyers plus abordables et des régions souffrant de désertification qui leur tendent les bras. Comme de nombreux aspects de notre quotidien, l’écosysteme start-up se met peu à peu au vert : avant de sauter dans le TER, Welcome to the Jungle vous propose un éclairage sur cette tendance, ses avantages et les problématiques qu’elle soulève encore.

La « Silicon Prairie» , une dynamique née aux Etats-Unis

Ce mouvement est né dans les années 2000 aux Etats-Unis lorsque quelques entrepreneurs décident d’investir le MidWest américain délaissant la mythique, mais coûteuse, Silicon Valley. Peu à peu, de Kansas City à Des Moines en passant par Omaha, ces pionniers se fédèrent autour d’une communauté baptisée « Silicon Prairie ». Chaque année, un rendez-vous du même nom rassemble tous les acteurs du pays qui ont fait le choix de s’éloigner des grands hubs, créant une vraie dynamique et rendant à nouveau attractives des zones désertées.

Faire des économies et profiter d’un meilleur cadre de vie

En France, cette tendance au vert commence à faire des émules, le marché parisien étant saturé et difficile d’accès pour des entreprises encore balbutiantes. S’installer à la campagne, c’est le pari qu’ont fait Arthur, Clément et Edouard dès la fin de leurs études en 2014, alors qu’ils cherchaient un lieu pour établir leur toute jeune start-up, Comme des Papas, qui propose des petits pots pour bébé avec des ingrédients bios, frais et de saison.

Le Food Val de Loire, un tout nouvel incubateur spécialisé dans l’agro alimentaire leur propose alors de venir s’installer en région Centre, à Contres, petit village de 3600 habitants à côté de Blois : « Notre contrainte était de trouver un lieu pour nos bureaux mais aussi des locaux de production pour concevoir nos petits pots. À Paris, trouver 300m2 pour de la production agro-alimentaire c’est compliqué avec des loyers qui ne sont clairement pas abordables surtout lorsqu’on est une boîte qui se lance. » explique Arthur, responsable de la communication chez Comme des Papas.

Si les loyers et le coût de la vie sont des facteurs primordiaux dans ce choix de décentralisation, d’autres entreprises décident également de quitter Paris pour une meilleure qualité de vie. C’est le cas de Laura et Pierre Dellinger, qui après une dizaine d’années à évoluer dans l’écosysteme bouillonnant des start-up parisiennes, ne rêvaient que d’une chose : quitter la capitale pour développer dans un cadre plus apaisant leur propre marque de bougies parfumées « made in France ». La Belle Mèche verra la jour en 2013 à Saint-Julien, dans la Drôme, un village de 170 habitants. Une étape qui permettra au projet de prendre son envol via un site e-commerce, avant un nouveau déménagement à Lyon en 2016 pour implanter la première boutique en propre de la marque.

Des régions qui déroulent le tapis rouge aux start-up

Cet exode urbain déjà bien amorcé devrait continuer à faire des émules dans les années à venir, notamment grâce à la volonté des régions qui rivalisent d’inventivité pour attirer les jeunes pousses dans leurs prés. L’industrie numérique constitue en effet une opportunité en or pour redynamiser des zones rurales souvent désertées.

« Le temps que les locaux du Food Val de Loire se construisent, on nous avait prêté une boucherie traiteur à Châtillon-sur-Cher, une bourgade de 200 âmes. On était dans l’ancienne boucherie qui avait périclité du fait du manque d’activité, à travailler sur notre concept start-up, à trouver des financements. C’était un vrai décalage en sortant de trois années d’études, avec des séjours dans de grandes capitales étrangères, on s’est retrouvés en plein hiver sans chauffage dans cette boucherie avec les gens qui frappaient pour nous demander du jambon » raconte Arthur.

Pour les créateurs d’entreprise, difficile d’élire leur camp de base tant les collectivités se démènent pour se rendre attractives à grand renfort d’aides financières et autres infrastructures dédiées aux jeunes entreprises du numérique. Chaque année, le salon RuraliTIC, qui rassemble les territoires ruraux autour de thématiques liées au numérique, prend des allures de speed-dating pour les élus municipaux et régionaux qui tentent de séduire avec leurs villages tous plus connectés les uns que les autres. Un mouvement « Smart Villages » est d’ailleurs né à cette occasion, visant pour les communes à croiser les atouts de la petite échelle des territoires ruraux avec des services aux populations performants et modernes. Cette année, le prix du « Smart Village » a récompensé village d’Arvieu dans l’Aveyron pour son projet de zone d’activité numérique et sa politique d’accueil favorable aux entrepreneurs désireux de s’installer à la campagne.

S’éloigner des grandes villes pour se démarquer et profiter des atouts de chaque région

Cet engagement des régions constitue une vraie opportunité pour les start-up de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et de la possibilité de tirer leur épingle du jeu plus facilement qu’à Paris, comme l’explique Arthur :

« On a bénéficié d’un accueil particulièrement chaleureux de la région Centre, on a eu beaucoup de soutiens divers, stratégiques, financiers, des gens qui nous ont aidé à monter des dossiers. Il y a une vraie bonne volonté en région d’aider des boîtes qui se lancent avec beaucoup moins d’embouteillages sur le nombre de dossiers qu’à Paris où l’on serait certainement noyés. Nos dossiers ont bien plus de chance d’aboutir ici. »

Au-delà de l’attrait financier et des aides que proposent les collectivités, certaines start-up choisissent de s’installer en région pour bénéficier d’un environnement ou d’un savoir-faire en lien direct avec leur activité. Lorsque les créateurs de la start-up OneMuze entreprennent de créer un réseau social destiné à accroitre la visibilité des artisans d’art, leur choix se portent naturellement sur Baccarat, dans l’est de la France, ville connue mondialement pour son cristal. Un choix qui ajoute à la crédibilité de l’entreprise et peut même devenir un atout marketing comme le souligne Arthur : « Nous avons aussi choisi la région Centre parce que nous voulions travailler avec des producteurs locaux. C’est un vrai atout aussi en terme de communication, il y a une dimension terroir que l’on aurait plus de mal à véhiculer en travaillant avec des producteurs parisiens. »

Un mouvement qui prend de l’ampleur et rassemble

Tout comme aux Etats-Unis, le développement de cette tendance au vert s’accélère grâce à des actions et des communautés qui se fédèrent. Les labellisations « French Tech » de plusieurs métropoles (Lyon, Bordeaux, Lille, Nantes…) ont posé les premiers jalons de cette dynamique. L’initiative « La Start-up est dans le pré » née en 2012 à Lunel, propose quant à elle un concours qui réunit et fait travailler ensemble tous les acteurs qui ont intérêt au succès des entreprises sur un territoire « Parce que nos territoires sont aux métropoles ce que les start-up sont aux grands groupes : des ilots de liberté, de volonté, d’agilité et de créativité ! ». Depuis sa création, la Start-up est dans le pré a ainsi accompagné près de 500 porteurs de projets sur 14 territoires.

Il reste difficile de s’émanciper des grandes villes

Malgré cet engouement, la dynamique Silicon Prairie présente encore des challenges pour les jeunes entreprises. L’éloignement des grandes villes et particulièrement de Paris reste un frein au développement des porteurs de projet dans l’écosystème et la dynamique start-up.

« On pense maintenant à partir. La question se pose : est-ce que c’est le moment de se rapprocher de Paris ou est-ce que l’on reste fidèles à notre région ? En région, on bénéficie moins de l’atmosphère start-up qu’il peut y avoir à Paris. On fait moins de networking, on a moins d’opportunités sur les événements un peu exceptionnels, plus de mal à échanger avec les gens qui gravitent dans notre écosystème. Ça s’est ressenti notamment sur notre capacité à lever des fonds parce que ce n’est pas quelque chose qui est courant en région. Le côté « je monte ma boîte pour la valoriser », ce n’est pas dans les mécanismes des entreprises du coin. Finalement on a trouvé un fond d’investissement parisien. » explique Arthur.

Le recrutement pose aussi parfois problème pour les profils techniques comme les développeurs qui ne courent pas les champs : « On n’a pas encore trop recruté des postes trop techniques, mais là on recrute notre premier développeur et ça s’annonce plus compliqué. Il faudrait que l’on trouve quelqu’un qui a envie de se mettre au vert, mais c’est une niche. »

Enfin, l’enjeu majeur pour faciliter le développement des start-up en zones rurales reste le déploiement d’une connexion internet rapide et stable sur l’ensemble du territoire. Les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience de l’urgence de la situation et promettent une couverture haut débit partout en France dès 2022 et la mise en place de la fibre optique pour tous à l’horizon 2025.

Une perspective qui devrait séduire toujours plus d’entrepreneurs néo-ruraux !

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