L'évaluation, le remède tout trouvé à la réunionite

18 mai 2022

4min

L'évaluation, le remède tout trouvé à la réunionite
auteur.e.s
Louis VareilleExpert du Lab

Auteur, consultant et conférencier spécialiste des réunions

Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Victimes consentantes ou non de la réunionite, les Français auraient tendance à multiplier les réunions (inutiles). Et si pour garantir leur efficacité ainsi que le contentement des participants, le secret était - tout simplement - de les évaluer, pour pouvoir ensuite les améliorer ? Notre expert du Lab et réuniologue, Louis Vareille, nous éclaire sur le sujet.

Évaluer ses réunions : pour quoi faire ?

« Miroir, ô mon miroir, dis-moi que j’organise les réunions les plus efficaces », demanderait aujourd’hui Blanche-Neige. Et elle n’est pas la seule à devoir composer avec des grincheux, des timides et des dormeurs, n’est-ce pas ? Évaluer vos réunions, c’est évidemment la meilleure manière de les perfectionner. « L’évaluation est indispensable pour maintenir le collectif dans une spirale de progrès continu », confirme Louis Vareille. Mais au-delà des évidents bénéfices du feedback, évaluer vos réunions offrirait des bienfaits insoupçonnés…

En effet, prendre l’habitude d’évaluer vos réunions permettrait d’éviter le Meeting Recovery Syndrome (comprenez, le “syndrome de récupération d’après-réunion”). Vous n’en avez sans doute jamais entendu parler, mais vous l’avez très certainement déjà ressenti. « À la fin d’une réunion, on a besoin de verbaliser ce que l’on a vécu, avec plus ou moins d’intimité et de profondeur. Cette purge est nécessaire », explique Louis Vareille. Sans quoi, les participants peuvent tomber dans le fameux MRS, qui se traduit par un sentiment très désagréable de frustration, avec pour conséquence de devoir passer du temps à la machine à café pour se plaindre de la mauvaise réunion que l’on vient de quitter. Notre expert nous propose un parallèle avec une séance de cinéma : « Quand on sort de la salle, on interroge naturellement son partenaire : “Qu’as-tu pensé du film ?”. Au fond, avant de s’intéresser à la réponse, on souhaite surtout que l’autre nous retourne la question. On a besoin de partager un peu de son ressenti. » Et vous, votre dernière réunion était-elle meilleure que le dernier James Bond ?

Mais alors, pourquoi avons-nous autant de difficultés à évaluer nos propres réunions ? La réponse de Louis Vareille est sans appel : évaluer une réunion, c’est un peu accepter d’évaluer l’autre, c’est aussi accepter implicitement d’être évalué soi-même, lors de sa prochaine intervention. Vous le voyez venir ce petit problème d’ego ? Pourtant, notre expert est formel : « L’évaluation entre dans le domaine du feedback, mais alors que le feedback s’adresse à l’individu, l’évaluation d’une réunion s’intéresse à la dynamique collective… pour laquelle tout le monde a une part de responsabilité. » Oui, surtout vous, qui êtes venu les mains dans les poches, puis n’avez rien écouté car vous étiez à deux doigts de battre votre record à Candy Crush.

Plutôt évaluation à chaud ou à froid ?

Vous êtes maintenant convaincu de la nécessité d’évaluer vos réunions ? Parfait. Louis Vareille propose trois méthodes : à chaud, à tiède ou à froid. Ouvrez la fenêtre, et commençons par la première.

L’évaluation à chaud : le tour de table de fin de réunion

Pour Louis Vareille, mener cette évaluation immédiatement est la meilleure manière de prendre conscience de ce qui a été accompli et d’identifier les voies de progrès. Le tour de table vous assure que tout le monde donne son avis et offre l’occasion de décider de choses concrètes. « L’un de mes clients m’a sollicité pour améliorer un comité de pilotage régulier. En fin de séance, j’ai demandé aux 12 participants de prendre deux post-it, et de répondre à deux questions simples : “Qu’a-t-on bien fait aujourd’hui ?” et “Que pourrait-on mieux faire la prochaine fois ?” La moitié a révélé - à la surprise de l’organisateur - que le comité ne s’attaquait pas aux vraies problématiques », partage Louis Vareille. Depuis, le comité a été redéfini, et l’ordre du jour revu de manière à traiter des “vrais” sujets.

L’évaluation à tiède : le questionnaire rapide, post-réunion

Notre expert recommande de s’inspirer de la méthode « ROTI » utilisée dans les méthodes agiles. Celle-ci permet de noter une réunion sur la perception que chacun a de l’usage de son temps. L’application roti.express facilite sa mise en place. « Un autre client a automatisé l’usage de cette application. À la fin de chaque réunion, les participants reçoivent une notification leur permettant d’évaluer leur expérience en quelques clics. Derrière, les retours sont analysés et nous permettent de détecter les zones d’amélioration. Et le DG suit les résultats de très près », explique-t-il. En fonction du niveau de maturité de l’organisation et de sa culture du feedback, les entreprises obtiennent entre 10 et 80 % de réponses. En voilà, une belle fourchette !

L’évaluation à froid : le formulaire complet

Un usage à réserver aux séminaires et aux réunions les plus structurantes, mais qui a fait ses preuves. Il s’agit ici d’envoyer un questionnaire plus élaboré, entre 1 et 3 jours après l’événement. « Par ailleurs, cela permet de remettre en mémoire l’expérience, et d’ancrer ce qui a été traité. Mais c’est aussi un bon moyen de permettre aux plus introvertis de prendre le temps de la réflexion », explique Louis Vareille. Une méthode qui présente, cependant, le risque de voir apparaître des biais alors que certains peuvent être influencés par des échanges avec leurs collègues.

Les petits secrets d’une évaluation réussie

À l’image de toutes les nouvelles méthodes et approches de travail, celle-ci à ses « petits trucs », pour éviter les impairs et les maladresses. Louis Vareille nous partage trois précieux secrets pour mettre en place la culture de l’évaluation dans votre entreprise :

  • Annoncez la couleur ! : « L’évaluation doit être prévue dans l’ordre du jour, et rappelée en début de la réunion afin que les collaborateurs s’y préparent », recommande Louis Vareille. Il ne s’agit pas de prendre vos collègues par surprise, et de les bousculer inutilement. Cela permet de s’assurer que du temps est sanctuarisé en fin de réunion.
  • Adaptez vos questions : celles-ci doivent être ajustées au niveau de liberté dans le collectif, à la proximité entre les participants, à la dynamique de la réunion. Du simple « Alors, on se dit deux mots sur cette réunion ? », ou bien « Si vous deviez qualifier cette réunion en un mot, quel serait-il ? », au plus classique « Qu’est-ce qui s’est bien passé ? Que pourrait-on mieux faire la prochaine fois ? ».
  • Consacrez 10 % du temps de la réunion à l’évaluation : ce temps est indispensable pour récapituler les décisions et faire ce tour de table d’évaluation, même rapide. « Si un vrai problème apparaît, on peut simplement le capter et le traiter plus tard, hors réunion. Ou alors, consacrer un moment, lors de la réunion suivante, pour le traiter », conseille Louis Vareille.

La pandémie a changé nos manières de travailler, seul et ensemble. Les réunions deviennent un moment clé pour entretenir le lien et la dynamique du collectif. « C’est donc le moment ou jamais de créer de la sécurité psychologique et de demander aux collaborateurs de partager leurs ressentis », rappelle Louis Vareille. Alors, prêt(e) à sortir le buzzer lors de votre prochaine réunion ?

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Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps

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