Salaire : que faire si on apprend qu’on est moins payé que ses collègues ?

14 déc. 2022

4min

Salaire : que faire si on apprend qu’on est moins payé que ses collègues ?
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À l’approche des entretiens annuels, vous vous lancez dans de grandes discussions avec vos collègues pour mettre au point votre stratégie de renégociation de salaire et réalisez que vous êtes complètement sous-payé en comparaison avec les membres de votre équipe ? Envahi·e d’un sentiment de rage, vous ne savez pas comment gérer ce sentiment d’injustice. Que faire ?

En entreprise, la non-transparence des salaires peut devenir un sujet lorsqu’il s’agit de renégocier sa rémunération. Savoir se situer par rapport à ses pairs (que cela soit en interne ou en comparaison avec les prix du marché) est primordial pour orienter notre demande. Mais comment savoir exactement combien gagnent les autres ? Et de potentiels écarts sont-ils forcément justifiés ? Comment les analyser ? Comment se comparer, par exemple, à des collaborateurs qui font le même job que nous mais ont plus d’ancienneté ?

Penser collaboration, pas menace

Apprendre qu’on ne perçoit pas le même salaire que les autres peut faire l’effet d’un coup de poing. Veillez cependant à rester calme. « Il faut éviter de donner l’impression que vous exigez quelque chose, ou que vous faites du chantage à l’employeur en mode “donnez-moi une augmentation, sinon…”, souligne Fotini Iconomopoulos, consultante en négociation à Toronto. En général, les gens ne réagissent pas positivement aux menaces. »

En d’autres termes, pensez avant tout collaboration et diplomatie. Demandez à votre responsable ou à votre direction comment œuvrer ensemble pour réduire cet écart de salaire. « Commencez par exemple en disant “Il a été porté à mon attention que je ne suis pas payé⋅e au même niveau que le reste des effectifs, quelle solution pouvons-nous trouver pour que je reçoive un salaire plus juste ?”, propose Fotini Iconomopoulos. Vous devez montrer que vous faites partie de la solution et que c’est un vrai dialogue. Vous remettez ainsi entre les mains de l’autre le fait de s’asseoir avec vous à la table des négociations et de faire preuve à son tour d’esprit de collaboration. »

Menez votre petite enquête

Avant tout entretien ou négociation, vous devez avoir en tête les prix du marché. Il vous faut en effet une référence sur laquelle vous appuyer. « Quel que soit votre interlocuteur, faites des recherches au préalable, insiste Fotini Iconomopoulos. Regardez ce qui se pratique sur le marché. » Il est en effet important que vous arriviez à l’entretien avec une bonne connaissance de votre secteur. « Si ça se trouve, tout le monde est mal payé dans votre boîte, mais ce n’est certainement pas une raison pour accepter la situation. » Pour ce faire, certains sites comme WAAGE ou encore i-Hunt peuvent vous aider à vous situer.

En interne ensuite, vous pouvez sonder vos collègues qui font le même job que vous (si votre entreprise n’a pas de grille à disposition). Attention en revanche à ne pas la jouer trop indiscret et contentez-vous d’en discuter avec subtilité avec ceux dont vous êtes le plus proche. Si vous sentez que le sujet est tabou, alors n’hésitez pas à demander une fourchette.

Enfin, toutes ces informations réunies doivent être analysées. Vous aurez peut-être découvert que votre collègue a un salaire supérieur au votre, mais demandez-vous : depuis combien de temps est-il en poste dans cette entreprise ? Combien d’années d’expérience a-t-il à son compteur ? A-t-il des missions que vous n’auriez pas ? Idem par rapport au prix du marché : connaître une moyenne est intéressant, mais le mieux est de trouver les données en fonction du nombre d’années d’expérience.

Toutes ces données que vous collectez sont donc à prendre avec des pincettes pour être certain de bien les utiliser et qu’elles vous servent. Et encore une fois, cette enquête doit être un travail préliminaire pour vous permettre de demander la juste gratification mais ne doit pas être un argument en soit (malheureusement, l’argument « Martine est plus payé que moi est rarement bien reçu »).

Si en revanche votre entreprise a une grille de salaire bien établie et que celle-ci n’est pas respectée, vous pouvez confronter votre employeur à cette incohérence. Dans tous les cas, préférez aborder le sujet avec votre manager ou votre RH sous forme de question dans un premier temps : “J’ai observé un écart de salaire avec ceux habituellement pratiqués pour les profils similaires aux miens, comment l’expliquez-vous ?

Montrez ce que vous apportez à l’entreprise

Comme dans toute négociation salariale, montrez clairement en quoi votre présence est précieuse pour l’entreprise et expliquez pourquoi vous méritez une augmentation. Fontini Iconomopoulos recommande d’établir une liste exhaustive de toutes les choses que vous avez accomplies et de valoriser ce que vous apportez à votre entreprise. « Je veux notamment que les femmes soient aussi précises que possibles, en présentant absolument tout ce qu’elles font. Et faites le lien entre vos contributions et l’argent qui rentre dans les caisses de votre boîte : un projet récent qui s’est avéré rentable, une initiative de votre part qui a contribué à la réussite d’un⋅e collègue, le fait d’avoir décroché de nouveaux clients. Tout est bon à prendre. »

Pensez à évoquer des compliments que vous avez reçus de la part de votre boss, de collègues ou de clients. Fontini Iconomopoulos encourage tout le monde à se créer ce qu’elle appelle un « dossier feel good », dans lequel vous rassemblez les retours positifs que vous avez reçus, les résultats de votre évaluation continue ou tout compliment qu’on vous a fait pour votre travail. « Chaque fois qu’on vous dit merci, qu’on applaudit votre travail ou qu’on vous fait un compliment, hop, dans votre dossier spécial. Et quand viendra l’heure de ce fameux entretien, vous aurez de la matière pour montrer tout ce que vous avez accompli jusqu’ici. »

Prenez en compte la politique d’entreprise

Avant de vous lancer dans des négociations, prenez le temps d’observer la position de votre boîte sur le sujet. Réduire l’écart des salaires au sein d’une entreprise ne se fait pas du jour au lendemain, et dépend surtout des finances de cette dernière. La direction peut être de bonne volonté, mais il vous faudra peut-être de la patience. Demandez si elle prévoit de pouvoir améliorer les choses dans un avenir plus ou moins proche et, si une augmentation en numéraire n’est pas possible pour l’heure, réfléchissez à ce que l’entreprise peut vous proposer d’autre. Vous pouvez négocier des aménagements horaires, des jours de congé, ou tout autre avantage qui pourrait combler le fossé à vos yeux.

« S’il y a une réelle volonté de transparence, on doit vous expliquer l’écart de salaire et proposer une solution, estime Fotini Iconomopoulos. Si le dialogue est ouvert, si on est prêt à jouer cartes sur table, alors vous trouverez une solution. À l’inverse, si vos interlocuteurs restent évasifs, c’est très mauvais signe. Voyez dans ce cas si c’est une entreprise dans laquelle vous avez envie de vous investir sur le long terme. »

Traduction de Sophie Lecoq
Photo de Thomas Decamps

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