MISE AU POINT : le sexisme des grands cabinets d’avocats en photos

17 nov. 2021

3min

MISE AU POINT : le sexisme des grands cabinets d’avocats en photos
auteur.e
Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Après 20 ans de carrière au service de la loi américaine, Robin L. Dahlberg a décidé de changer de voie pour devenir photographe, son rêve d’enfant. Pour ce faire, elle a repris ses études, dans la cadre d’un master à la Hartford Art School. Comme projet de fin d’études, elle a décidé d’illustrer les dérives du harcèlement et du sexisme qui règnent au sein de la grande majorité des cabinets d’avocats américains. En sortira un livre-photo : “Billable Hours in 6-minute Increments”. Le projet présente une description malheureusement encore actuelle de la vie des femmes en entreprise : la mise en scène de cette culture corporate, qui ne laisse aucune chance aux femmes d’atteindre des postes à responsabilité et de s’épanouir dans une carrière professionnelle.

Vous avez repris une formation de photographie à l’université, après vingt ans en tant qu’avocate. Quel a été le déclic de ce changement de voie ? Et pourquoi avoir choisi ce sujet précis pour votre projet de fin d’études ?

Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été passionnée par deux choses : la photographie et la justice. Après avoir pratiqué la loi en tant qu’avocate des droits civils pour l’American Civil Liberties Union (ACLU) pendant 20 ans, j’étais prête pour un nouveau challenge : repartir à l’école pour étudier la photographie m’a alors semblé évident. J’ai commencé à travailler sur le projet Billable Hours pendant que j’étais étudiante à la Hartford Art School. Afin d’être diplômés, nous devions chacun·e publier un livre de photos. En tant qu’ex-avocate, mon directeur de thèse m’a suggéré de partir sur un projet qui concerne le milieu des avocat·e·s. Au début, je n’aimais pas du tout l’idée : je ne trouvais aucun intérêt visuel à la pratique de la loi. Mais en commençant à travailler sur ce projet, c’est à dire la place de la femme dans cet environnement professionel, j’ai finalement vite réalisé que j’avais beaucoup de choses à dire !

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Quelle a été votre expérience en tant que femme dans le milieu judiciaire aux Etats-Unis ?

J’ai été diplômée de mon école de droit au moment où, pour la première fois, de nombreuses femmes ont enfin pu obtenir ce diplôme ! Lors de mon premier emploi en tant qu’Associée Junior dans un énorme cabinet d’avocats à New York, j’ai pu constater que les biais des genres, le harcèlement sexuel et les discriminations étaient prédominents. Mes collègues avocats ne savaient pas s’ils devaient traiter leurs associées féminines comme des assistantes, des soeurs ou des objets sexuels. Je suis restée dans ce cabinet assez longtemps pour rembourser mon prêt étudiant, avant de poursuivre ma carrière à la ACLU. Là-bas, j’ai été confrontée au sexisme de la part des juges masculins, de fonctionnaires masculins du gouvernement que j’ai poursuivi, ou encore de leurs avocats masculins. Ils pensaient à tort qu’ils pouvaient utiliser des blagues sexistes et des insinuations pour m’intimider. Au début, je l’ai peut-être été, mais j’ai appris à gérer ce type de comportement en le détournant avec humour, et en y étant mieux préparée… mais je n’avais pas le moral ! Aujourd’hui, même si la situation a évolué, les préjugés sexistes existent toujours dans les entreprises ! Les femmes ont moins d’opportunités de carrière que les hommes, elles gagnent moins que leurs homologues masculins et sont encore harcelées sexuellement et abusées par des hommes (il n’y a qu’à voir le mouvement #MeToo…).

Pour décrire en images ce grave phénomène de société, vous avez choisi l’humour… Pourquoi ?

J’ai choisi d’utiliser l’humour parce que si je ne le faisais pas, je serais tombée dans la facilité, à savoir crier ma frustration et ma colère face à la lenteur des changements sociétaux. Je suis consciente que pousser un coup de gueule a tendance à effrayer les gens, et ce n’est pas mon but, alors j’ai préféré utiliser l’humour pour rallier le maximum de personnes à ma cause. Espérons donc que mon livre, Billable Hours, suscitera la conversation et le débat.

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Savez-vous comment votre série photos a été accueillie ? Avez-vous eu des témoignages de femmes après sa publication ?

Oui, et j’ai été agréablement surprise ! Toute personne ayant passé un certain temps dans le monde de l’entreprise semble se reconnaître facilement dans ce que mon livre raconte. De nombreuses femmes se sont ainsi senties presque “obligées” de me partager leurs propres histoires. Des récits qui impliquent d’ailleurs la plupart du temps des avances sexuelles non désirées. Et malheureusement, ces femmes se sentent encore responsables des avancées à effectuer, et honteuses de raconter ce qu’elles ont vécu. Mon livre est une pierre à l’édifice, mais il reste encore du chemin à parcourir !

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Article édité par Clémence Lesacq - Toutes photos : Robin L. Dahlberg

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