Vous glandez (parfois) au boulot ? Voici comment passer pour un salarié modèle

27 janv. 2023

9min

Vous glandez (parfois) au boulot ? Voici comment passer pour un salarié modèle
auteur.e
Gabrielle Predko

Journaliste - Welcome to the Jungle

Au travail, on charbonne bien sûr et… on glande aussi. D’après une étude de la société Olfeo, les salariés passeraient même 1h15 par jour à surfer sur le net (oui, ce terme s’emploie toujours). Un mal pour un bien, car on a tous besoin de souffler dans la journée, productivité et bien-être obligent. Alors pour le faire sans se faire griller (voire remercier), voici quelques conseils pour paresser tout en se faisant passer pour un employé modèle.

Avant toute chose, nous vous invitons à déculpabiliser (un peu). D’abord, parce que notre concentration a ses limites. Au travail, elle ne dépasserait pas 50 minutes pour être exact. Sur une semaine de travail, nous ne sommes jamais 100% productifs, 100% du temps (d’où l’intérêt de la semaine de quatre jours !) Ensuite, parce que nous connaissons TOUS des moments moins productifs dans une journée. Tout simplement car nous ne sommes pas des machines. Glander de temps à autre au bureau est donc normal. Malgré tout, vous vous dites certainement que pour vivre tranquillement ces moments de décompression, mieux vaut se planquer ou avoir recours à des techniques de filou pour ne pas se faire prendre. Comme mettre un filtre de confidentialité sur son écran pour matter Netflix. Erreur ! D’abord car ce petit jeu peut se retourner contre vous. Mais aussi parce que l’on vous propose mieux : vous la couler douce tout en vous faisant passer pour le cador de la boîte. 10 techniques de sioux pour mieux glander, de manière durable, et surtout sans perdre un poil de professionnalisme et de légitimité. Et puisque je n’ai personnellement jamais, ô grand jamais glandé au travail, ces conseils sont inspirés des témoignages de lecteurs de Welcome to the Jungle et du précieux ouvrage Comment glander au boulot en passant pour un pro (Ed. Anthologie) de Alexandre Civico et Guy Solenn.

1. Ayez l’air overbooké… mais en parfaite maîtrise

Votre liberté de glander dépend grandement de vos talents de comédien. Vous avez passé votre matinée à alimenter votre playlist Spotify et à entretenir votre réseau Tinder ? Il est temps de rassurer votre hiérarchie quant à votre productivité. Pas le choix, vous allez devoir employer les grands moyens. “Actors Studio” comme on dit à Hollywood. Lorsque votre meilleur·e ami·e vous envoie un meme sur Instagram (et ne se foule visiblement pas plus que vous au travail), vous devrez donc adopter un air très sérieux. Sourcils froncés, prenez quelques instants pour lever les yeux de votre ordinateur et fixez le vide tel “Le Penseur” de Rodin avant de lui envoyer votre réponse : « Hihi, trop nous ça ! »

Tout aussi important que les expressions faciales : vos déplacements au sein des bureaux. Où que vous alliez, votre démarche doit toujours être rapide et assurée. Tout le monde doit croire que vous vous apprêtez à débarquer dans le bureau du boss pour lui proposer une nouvelle stratégie pour l’année, alors que vous vous dirigez vers les toilettes pour la cinquième fois de la journée histoire de scroller en paix. Les accessoires de type ordinateur, stylo, cahier ou dossiers sont largement recommandés pour crédibiliser vos déplacements. Surtout, ne calculez personne. Vous êtes pressé et bien trop concentré pour prêter attention à votre environnement.

2. Optimisez votre to-do list et votre calendrier

Votre to-do list est votre plus grande alliée pour votre mission glandage. Elle doit être longue, mais pas trop. Vous ne voudriez pas que vos collègues vous croient incapable de vous organiser ou que votre boss se dise qu’au vue de la quantité de travail que vous êtes capable d’abattre, il peut vous ajouter des tâches. Le tips malin pour vous donner un air important ? Abusez des termes pompeux. Oui, même dans votre to-do list. Exit les tristes « Meeting Anne-So », préférez : « Kick Off Meeting : Prospecting high value clients ». Ne vous privez pas en revanche d’y inscrire les points avec les personnes les plus importantes de l’entreprise pour envoyer un message fort à vos collègues. « Alors, c’est qui qui pèse ? » Ah, et on a presque failli oublier : tout doit évidemment être coché en fin de journée.

Ces mêmes conseils peuvent également être appliqués à votre Calendrier Google. Il doit étouffer sous les tâches. Pas une respiration. Pas un créneau disponible. Voici plusieurs options plus ou moins légales pour en combler les journées :

  • Planifier de fausses réunions avec vos amis qui, eux aussi, imitent Gaston Lagaffe.
  • Poser des plages de “veille” si vous avez un métier créatif. Personne ne sait en quoi cela consiste, ni combien de temps cela prend : c’est la magie de la veille, la base d’un bon emploi fictif. Et pour couronner le tout, on ne risque pas de vous dire quoi que ce soit si on vous grille sur Instagram. Vous vous inspirez, enfin !
  • Réserver des créneaux “Focus” ou “Deep work”. Honnêtement, personne ne vous posera de question, et cela valorisera votre travail imaginaire. Bonus si vous les posez en début ou en fin de journée pour empêcher vos collègues d’y caler des réunions.

3. Surestimez le temps que vous prend chaque tâche grâce au théorème du glandu

À trop vous tourner les pouces, vous pourriez rencontrer un problème de taille : votre boss, toujours aux aguets, risque de se demander pourquoi aucune de vos tâches n’avance. Malheureusement, l’excuse de « Je n’ai pas eu le temps, je suis sous l’eau » ne devrait pas le convaincre très longtemps. Rappelez-vous : le glandage ne doit en rien nuire à votre crédibilité. Ainsi, le timing est central dans votre noble mission. Tel Passe-Partout, vous devez être le maître du temps. Ici, la technique consiste à surévaluer le temps que vous prend chaque tâche. Encore une fois, l’équilibre est clé. Dire que remplir un tableau vous prendra deux heures alors que cela ne vous prend que 30 minutes vous fera passer pour une grosse quiche incompétente en Excel. On vous propose donc plutôt d’appliquer le théorème du glandu : temps que prend la tâche + ( 0,4 x temps que prend la tâche) = timing annoncé à votre boss. En dessous, vous risquez réellement d’être pris par le temps, et au dessus, de passer pour un branquignol.

4. Soyez maître de vos horaires

Vous vous dites peut-être que vous devez être à cheval sur les horaires de bureau pour avoir l’air d’un employé modèle. Pourtant, être imprévisible sur les horaires vous donnera l’air adulte et responsable. C’est le message que vous devez envoyer à vos collègues : personne ne doit vous fixer un emploi du temps. Et puis quoi encore, une pause Nesquik à 16h30 ? Non ! Vous devez incarner la “cadre energy. Pour cela, respectez les horaires classiques la majorité du temps, mais autorisez-vous à arriver légèrement en avance ou en retard de temps en temps. Le tout sans aucune justification. C’est comme ça. Vous êtes bien dans vos baskets et n’avez rien à vous reprocher. Un tips machiavélique glissé par Guy Solenn dans son livre Comment glander au boulot en passant pour un pro : restez un peu plus tard le vendredi soir alors que votre boss doit partir tôt en week-end, cela le « gênera terriblement ».

Ne tombez pas dans le piège en accumulant des heures supplémentaires tous les soirs, c’est inutile : personne n’est là pour le voir (et le monde de l’entreprise valorise plutôt les oiseaux du matin) et vous passez en prime pour un salarié qui se laisse complètement déborder. Si à l’inverse vous partez en avance - et vous avez bien raison -, n’oubliez pas de prévenir votre boss que vous avez tout bouclé et avez hâte d’en débriefer avec lui. Oui, il faut aussi être un brin lèche-botte.

5. Ne manquez jamais une occasion de vous valoriser

Pour ne pas passer pour un gros fainéant complètement perdu dans son travail, votre langage doit s’apparenter à celui d’un CEO de start-up. Ainsi, à chaque prise de parole, ne manquez jamais une opportunité de vous faire mousser. Vos phrases doivent toujours être corporate as fuck, truffées de “buzz words”. Vous pouvez également abuser des tournures positives qui vous présentent comme un héros sans pour autant laisser entrevoir un iota d’émotion. Pour ce faire, utilisez le “je” quand vous avez effectivement accompli quelque chose : « Le timing était challengeant et j’ai dû travailler le prospect au corps, mais j’ai fini par décrocher un deal hyper smart ». Le “nous” est réservé pour les moments où votre équipe a tout fait (sans vous) : « On a planché sans relâche sur le rapport Kiserari1, les insights seront HY-PER précieux ». Et enfin, toute mauvaise nouvelle se colporte à l’aide du “Il(s)” : « Ils ont décidé de vous envoyer en séminaire en Biélorussie et moi à Barcelone… »

6. Créez-vous une identité béton

Vous n’êtes peut-être pas la personne la plus productive, mais si vous êtes attachant, il se pourrait bien qu’on vous fiche la paix. Qui viendrait chercher des poux à quelqu’un que tout le monde connaît et adore ? Pour gagner l’affection de vos collègues, vous devez ainsi bosser sur votre capital sympathie. Le moyen le plus efficace d’y arriver étant de vous créer une identité forte.

Vous allez donc construire votre histoire autour d’un élément qui vous rend unique et très facilement cernable auprès de vos collègues : un style vestimentaire original, la pratique d’un sport pour lequel vous êtes connu, pourquoi pas même, un surnom rigolo ? On s’entend, mieux vaut éviter de baser votre réputation sur des spécificités bancales. En effet, votre addiction à la marijuana ne devrait pas vous aider à passer pour un jeune cadre dynamique et compétent… En revanche, les sports en nature semblent très à la mode en entreprise en ce moment ! Si vous avez une passion pour la plongée ou le ski sur peau de phoque, c’est le moment de baser toute votre réputation là-dessus. Si vous n’avez aucun talent (ce sont des choses qui arrivent), vous pouvez vous contenter de porter le même chapeau tous les jours !

Vous saurez que votre mission est réussie quand vos collègues se réfèreront à cet élément lorsqu’ils parleront de vous : « Ah mais oui, Timéo c’est le mec qui fait du stand-up ! Chic type ! » Ainsi, personne ne parle du fait que vous ne foutez rien et on préfère vous couvrir de louanges.

7. Choisissez bien l’emplacement de votre bureau

Pour se la couler douce, votre instinct vous dira certainement de vous trouver un coin isolé dans l’open space. C’est effectivement une bonne idée… si vous voulez vous faire virer ! Évitez à tout prix cette erreur de débutant. Vous devez avoir VOTRE place attitrée. Le premier but, c’est d’être assez visible dans l’open space pour qu’on y remarque votre présence au quotidienCindy est vraiment toujours au bureau dis-donc ! »). Le deuxième, c’est d’être irremplaçable (« Ah non tu ne peux pas t’asseoir ici, c’est la place de Cindy »). Pour marquer votre territoire, il va falloir amener un max d’objets personnels sur votre bureau : des dossiers, une veste que vous laissez sur votre chaise, une plante dont vous ne cesserez de revendiquer la paternité/maternité… Toute cette mascarade vous servira à montrer que vous êtes intouchable, que vous faites pleinement partie de l’entreprise, alors même que vous ne contribuez en rien à son succès.

Quant à la place que vous décidez d’investir, nous vous conseillons d’en choisir une qui permette à tout employé ou manager passant dans votre open space de voir votre visage… mais pas votre écran. Si la place est légèrement inaccessible, c’est encore mieux car cela empêche vos collègues de venir vous emmerd… solliciter. On se tourne donc vers les bouts de rangé, ou on place la plante à un endroit stratégique qui bloque le passage.

8. L’art d’ouvrir et de fermer sa bouche aux bons moments en réunion

Idéalement, vous aimeriez vous pointer au travail en mode gobelin, vous installer dans un coin du bureau, vous cacher sous votre capuche et vaquer à vos occupations sans que personne ne vous embête. Mais la réalité du monde du travail est toute autre. Si vous passez un peu trop de temps à… ne rien faire, vous ne devez pas être grillé par vos collègues. Ainsi, en réunion, votre présence et votre participation active sont essentielles. Puisque le temps passé en meeting est incompressible (même plutôt extensible), vous pouvez bien évidemment multitasker pour prendre de l’avance sur votre journée de travail. Mais attention, gardez toujours une oreille attentive à la discussion, voire prenez deux minutes de temps en temps pour écouter les échanges en cours et, prenez l’initiative de rebondir dessus pour montrer votre grande proactivité. Achtung : vous ne pouvez pas intervenir pour raconter une grosse bêtise ! Préférez de rares interventions mais aussi pertinentes et précises que celles de Maître Yoda. Puis retournez à vos occupations. Si vous craignez de mal vous y prendre, vous pouvez aussi prendre la parole en premier (ce qui montre votre esprit de leadership bien sûr), puis ne plus rien suivre de la réunion.

9. Le télétravail, un sujet sensible

À ce stade de l’article, vous vous dites certainement que la meilleure technique pour glander en toute discrétion est de pratiquer le télétravail. Le risque ? Que vos patrons doutent sans cesse de votre productivité. Alors même si cela vous paraît contre-intuitif, nous pouvons vous assurer qu’il vaut mieux clampiner devant son nez. Car qui oserait une telle provocation ?! On limite donc le télétravail à deux jours par semaine au maximum.

Loin de vos collègues et de votre N+1, vous aurez certainement envie de compenser votre absence et de masquer votre fainéantise par un abus de messages sur votre messagerie instantanée. À nouveau : achtung à la logorrhée ! Cela pourrait paraître suspect. Tout comme en réunion, contentez-vous d’envoyer quelques messages pertinents. Et ne répondez pas non plus dans la seconde à vos collègues. Vous êtes “busy”, hyper “focus”, rappelez-vous.

10. Optez pour un statut protégé (genre patron)

Dernier recours (mais non des moindres), vous pouvez aussi vous diriger vers des postes qui vous protègent du licenciement. Pourquoi ne pas devenir membre du CSE de votre entreprise par exemple ? Enfin, il semblerait que les patrons n’aient jamais à se justifier de ce qu’ils font ou non, tout en bénéficiant d’une grande crédibilité. Alors vous n’avez plus qu’à monter votre entreprise, vous saigner au boulot pendant quelques années, et vous tourner les pouces tranquillement une fois la stabilité financière atteinte. Fastoche.

Trève de plaisanterie ! Si votre boulot ne vous motive absolument plus et que la tentation à la distraction devient plus forte que l’envie de bosser, c’est qu’il est peut-être temps d’en changer ou de voir avec votre manager comment vous pourriez vous réinvestir. Dans tous les cas, ces conseils vous serviront toujours à devenir… irremplaçable.

Article édité par Aurélie Cerrfond. Photographie par Thomas Decamps

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