Course au CDI : comment survivre à la compétition entre stagiaires ?

17 oct. 2022 - mis à jour le 17 oct. 2022

5min

Course au CDI : comment survivre à la compétition entre stagiaires ?
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Tel un monde de requins, l'univers de l'entreprise est (parfois) impitoyable. Lors d’un stage, vous aurez peut-être l’opportunité de vivre cette première expérience avec un co-stagiaire, un égal avec lequel vous pouvez former un binôme, un duo plus soudé encore que Nadal et Federer. Il arrive que vous soyez plus nombreux voire tout un gang ! À l'issue de ce stage, les places seront chères et il n'en restera peut-être qu'un. Le seul à obtenir le CDI. Alors, comment se placer au-dessus de la mêlée… tout en restant fair-play ? Quels sont les coups bas à proscrire et les pièges à éviter ?

D’après Ashley Merryman, coauteur de Top Dog : the Science of Winning and Losing, la compétition n’est pas nécessairement un gros mot. Au contraire, une saine concurrence vous inciterait à vous dépasser et donner le meilleur de vous-même : « Qu’il s’agisse de musiciens professionnels ou d’étudiants, des études ont montré que la concurrence alimente la créativité et améliore même la qualité du travail produit. Plus que cela, les compétences qui font de vous un grand compétiteur - comme la volonté de repousser les limites, de faire confiance à son instinct, de résoudre des problèmes - sont aussi les compétences nécessaires à l’innovation. »

Pour autant, l’auteur reconnaît que sa théorie ne s’applique pas à tous : si certains sont stimulés par le stress et des enjeux élevés, d’autres ont besoin de calme et de temps pour fonctionner de manière optimale. Ainsi, et toujours selon l’auteur, un individu sur deux saurait tirer les bénéfices d’un environnement de travail compétitif, quand un quart n’y sera jamais épanoui. Et vous, dans quel camp êtes-vous ?

Que vous soyez dans l’un ou l’autre, ne vous blâmez pas. Car si la façon dont nous réagissons à la compétition est en partie conditionnée par l’éducation et les expériences vécues pendant l’enfance, sachez qu’elle a aussi une dimension génétique. Des chercheurs de l’Université Eötvös Loránd de Budapest ont identifié une variante « guerrier » ou « inquiet » d’un gène, qui joue sur nos performances dans des situations stressantes. Et comme vous le savez sans doute, il est difficile de lutter contre l’éducation et la génétique.

Comment tirer le meilleur d’un environnement de travail compétitif ?

Être un compétiteur-né ne présage pas, pour autant, de votre réussite. La compétition (saine), cela s’apprend ! Quelques conseils pour donner le meilleur de vous-même dans un environnement compétitif, tout en restant fair-play.

Conseil #01 - Concentrez-vous sur vous

Sophie a des capacités d’analyse légendaires, John se souvient de tous les détails et Alix n’a pas son pareil pour nouer des relations avec ses supérieurs ? La réalité est que peu importe où vous travaillez, vous rencontrerez toujours des personnes plus performantes, sur certains aspects. Alors plutôt que de vous concentrer sur les qualités de vos collègues, efforcez-vous de comprendre où sont vos propres talents, et d’identifier les opportunités qui vous aideront à les mettre en valeur.

Conseil #02 - Misez sur la concurrence coopérative

La « coopétition » pour les intimes, suppose qu’en travaillant ensemble, les membres d’une équipe peuvent se pousser à être plus efficaces et produire un travail de meilleure qualité. Pourquoi ? Tout simplement parce que - vous l’avez compris - chacun à ses propres talents et ses domaines d’appétence. Discutez avec les autres stagiaires de la façon dont vous pouvez répartir les tâches et les responsabilités, dans la mesure du possible. Si vous êtes suffisamment bons et complémentaires, il y a fort à parier que votre boss s’en rendra compte et cherchera à vous garder, tous les deux / trois / quatre. Ou au moins, à offrir une porte de sortie intéressante à ceux qui devront partir.

Conseil #03 - Rivalisez avec vous-même

Si la compétition vous rebute ou vous paralyse, cherchez à obtenir des feedbacks sur votre propre travail et vos propres progrès (plutôt que ceux des autres). Ensuite seulement, fixez régulièrement des objectifs de plus en plus ambitieux. C’est une manière, détournée, de nourrir votre côté compétitif tout en vous concentrant sur l’amélioration de soi, la productivité et la croissance professionnelle. Autre bénéfice de cette approche ? Si rivaliser avec les autres à une fin (un jour, vous serez peut-être, enfin le ou la meilleur.e), rivaliser avec soi-même vous permettra de progresser sainement, tout au long de votre carrière.

Même si vous suivez ces conseils et cherchez à rester fair-play, l’équilibre entre une concurrence saine et une concurrence malsaine est fragile. Et si votre comportement pèse évidemment dans la balance, la coloration donnée à l’esprit de compétition dans une entreprise n’est pas entièrement de votre ressort. Dans leurs études, les chercheurs Anna Steinhage, Dan Cable et Duncan Wardley ont révélé qu’elle dépend principalement de la manière dont est présentée la compétition par les managers : lorsqu’elle est liée à des éléments positifs - gagner une prime, être promu, être félicité publiquement - elle crée de l’enthousiasme et engage les individus à emprunter des voies créatives, fair-play et collaboratives. À l’inverse, lorsque la compétition est associée à des conséquences négatives - licenciement, perte de revenus, humiliation publique - elle conduit à de l’anxiété et de la peur et encourage les comportements contraires à l’éthique.

Alors que faire, quand vous tombez sur un environnement de compétition malsaine (et les collègues qui vont avec) ?

Comment gérer une compétition malsaine entre stagiaires ?

Pas de chance, votre stage se révèle plus proche du Loup de Wall Street que des Bisounours ? Certains environnements de travail sont, en effet, plus compétitifs que d’autres. Les cabinets d’avocat, de conseil, de finance, sont notamment réputés pour créer une forte compétition entre les stagiaires et les jeunes recrues. Des univers difficiles, dans lesquels les « hypercompétiteurs » sont légion, et tous les coups sont permis. Comment survivre à la compétition sans tomber dans le piège des coups bas, vous aussi ?

Conseil #04 - Produisez moins, mais mieux

Nous ne sommes pas égaux face à la gestion du stress ou d’une lourde charge de travail. Il est évidemment tentant d’accepter plus de missions, plus de tâches, plus de sujets que John - votre ennemi n°1 - mais ce serait contre-productif. Accepter une charge de travail trop importante ou des délais irréalistes ne font pas de vous un bon stagiaire. Il y a fort à parier que votre boss préfère quelqu’un qui connaît ses limites et produit un travail impeccable plutôt qu’une personne qui ne sait pas dire « non » et accumule les erreurs.

Conseil #05 - Protégez-vous des coups bas des autres

Les amateurs de Koh Lanta le savent déjà : le vainqueur n’est pas forcément le plus fort. C’est bien souvent le plus rusé, et le plus habile à nouer des relations. Et malheureusement, une compétition malsaine peut faire ressortir le pire chez certaines personnes. Alors, protégez votre ordinateur, votre téléphone et vos documents pour vous assurer que personne ne puisse compromettre votre travail ou le fasse passer pour le sien. Plutôt que de vous laisser avoir et répliquer, encourageant ainsi cette compétition malsaine, vous montrez ici que vous n’êtes pas une cible facile.

Conseil #06 - Tenez votre manager au courant de votre travail et de vos résultats

Et en particulier lorsque vous travaillez en binôme avec un stagiaire « problématique ». Non seulement, prenez l’habitude de documenter vos contributions (et en détails, s’il vous plaît), mais conservez aussi une copie de tout ce que vous faites. En parallèle, informez régulièrement votre manager de vos avancées. Si John tentait de vous poignarder dans le dos pour se sortir de ses propres boulettes, ou simplement se mettre en avant, vous aurez des preuves à afficher pour vous défendre. « Tel est pris qui croyait prendre », aurait dit La Fontaine.

Conseil #07 - N’offrez aucune information sensible à vos compétiteurs

Vous avez des problèmes avec votre petit(e) ami(e) ? Vous avez quelques lacunes en comptabilité ? Vous n’avez pas pu terminer un dossier à temps la semaine dernière ? Souvenez-vous que « tout ce que vous dites pourrait être retenu (ou exploité) contre vous ». Dans un environnement hyper compétitif et à l’éthique de travail douteuse, ne dites rien sur votre vie personnelle, sur vos doutes, et limitez-vous à des discussions professionnelles. Comptez plutôt sur vos amis (les vrais) pour discuter de vos déboires, après le boulot.

Conseil #08 - Cherchez, par tous les moyens, à vous déstresser

Yoga, méditation, sports de combat, alimentation saine… trouvez ce qui vous aide à limiter le stress et l’inconfort. Car être constamment sur la défensive peut nuire à votre santé physique et émotionnelle… et compromettre vos performances. Vous la voyez venir, la spirale infernale ?

Vous l’aurez compris, certains univers et certains métiers sont plus propices à la compétition. Alors avant de choisir votre prochain stage, interrogez-vous : comment réagissez-vous face à la compétition de manière générale ? Est-ce qu’elle vous stimule ou vous paralyse ? Et surtout, comment l’entreprise qui vous fait de l’œil encourage et alimente cette compétition : de façon positive ou négative ? N’hésitez pas à tâter le terrain dès votre premier entretien. Une fois aligné(e) avec votre futur environnement de travail, il ne vous reste plus qu’à affûter vos talents, et c’est parti !

Article édité par Manuel Avenel, photo par Thomas Decamps pour WTTJ

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