« L’acte de discriminer pour le recruteur est trop facile »

Publié dans 3615 Experts

14 nov. 2022

auteur.e
Marie Dasylva

Coache de survie au taf

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C’est à Marie Dasylva de se prêter au jeu du questions-réponses sur sa thématique phare : celle des discriminations au travail.

Je suis en surpoids. Me conseillez vous de mettre ma photo sur mon CV ? J’ai peur d’être discriminée.

Alors moi, je suis de manière stratégique contre les photos sur les CV. Pourquoi ? Parce que l’acte de discriminer pour le recruteur est trop facile.

Et j’ai envie qu’on leur rende la tâche difficile. Et rendre la tâche difficile en termes de discrimination, c’est ne pas mettre sa photo sur son CV, arriver et saisir sa chance de se présenter, faire savoir ce que l’on vaut.

Je conseillerais la même chose à des personnes évidemment en surpoids, à des personnes noires, à des personnes d’origine maghrébine. On n’a pas besoin de savoir à quoi vous ressemblez pour savoir ce que vous pouvez faire pour l’entreprise en question.

Je suis blanc, hétéro, bref, pas du tout minorisé. Je voudrais savoir comment réagir aux remarques racistes qui touchent mes collègues. C’est arrivé hier et je me suis senti bête de ne rien faire.

Alors là, tu poses la question pour moi de ce que c’est d’être un allié. Mais moi, j’irais plus loin. On n’a pas besoin d’alliés, on a besoin de complices. Et un complice, ça se reconnaît à ses actions.

Je pense que la première chose, c’est peut être de recadrer la personne qui a émis cette remarque raciste en lui disant « C’est pas drôle » ou « Ça n’a pas sa place ». Tu peux aussi aller voir la personne victime de cette remarque raciste en lui disant « J’ai vu, j’ai entendu et si tu as besoin que je témoigne, je suis là ».

Être complice, c’est aussi s’engager. C’est aussi quelque part, se mettre un petit peu en danger et accepter les conséquences de ce qui peut se passer. C’est ça être complice.

J’ai l’impression d’être la caution diversité de la boîte. Parfois on me le fait comprendre, je doute et je ne me sens pas légitime.

Il y a une partie de moi qui a envie de répondre « Et alors ? », à cette question. C’est-à-dire, et alors si tu es la caution diversité ? On peut t’avoir engagé pour les mauvaises raisons, mais cela ne veut pas dire que tu n’as pas de compétences, cela ne veut pas dire que tu n’as pas de talent et cela ne veut pas dire que tu n’as pas ta place au final.

Et j’ai envie de dire si on te fait comprendre que tu es juste une caution, tu peux challenger ça. En disant : « Mais si je suis juste la caution, comment se fait-il qu’on me confie tel ou tel dossier ? Si j’étais juste la caution, si j’étais juste là pour faire joli, je serais au placard, ce qui n’est pas le cas. »

La communication autour de ton travail, la communication autour de la réussite de tes objectifs, c’est quelque chose de crucial, parce que ça va te protéger aussi de toutes ces attaques qui n’ont pas lieu d’être.

Je suis malvoyant et c’est l’enfer au travail parce que personne ne s’adapte à mon handicap. Comment faire savoir que je suis là ?

Tu es dans une position où tu souffres du validisme de tes collègues. Tes employeurs sont dans l’obligation de te fournir les moyens d’atteindre tes objectifs. Et à partir du moment où on n’adapte pas ton poste de travail, on t’entrave dans la réalisation de ces objectifs.

Tu peux distribuer les bons comme les mauvais points, c’est-à-dire que si tu te retrouves dans cette fameuse réunion où on projette des slides qui te sont inaccessibles. Premièrement, le notifier et voir si cette personne a compris pour la prochaine fois. Si la prochaine fois, par exemple la personne réadapte ses slides et que tu as accès à ces informations, tu peux le dire aussi. Ce n’est pas du tout pour la flatter, c’est pour que tous les autres autour de la table retiennent ça.

Tu vas jouer en fait sur leur ego, tu vas jouer sur leur syndrome du bon élève.
Et ça, il ne faut pas hésiter à le faire à chaque instant. Pour que tous les autres puissent se dire: « Bon, bah moi aussi je dois faire ça pour la prochaine réunion. »

Article édité par Laura Cabrelli, photo par Thomas Decamps.

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