« Le jour où je me suis rendu ivre à un entretien d'embauche »

11 mai 2022

6min

« Le jour où je me suis rendu ivre à un entretien d'embauche »
auteur.e
Gabrielle Predko

Journaliste - Welcome to the Jungle

L’entretien, c’est clairement LE moment de notre vie où on doit veiller à se montrer sous son meilleur jour. Pour obtenir le poste dans le meilleur des cas, ou laisser une image positive de nous à l’entreprise dans l’autre. Bref, ce n’est donc pas le moment de se laisser aller ou de déconner. Mais il arrive que, pour se déstresser, par inadvertance ou à cause d’un mauvais concours de circonstances, certains candidats s’ajoutent une difficulté en s’y présentant dans un état second, laissant leur destin professionnel entre les mains de l’alcool ou autres substances plus ou moins licites. Et comme nous sommes de petits curieux, nous vous avons demandé sur Instagram comment s’étaient passés ces entretiens… épiques ! Hips.

« J’ai poussé la chansonnette pendant l’entretien » Édouard, 27 ans, diplômé en droit de l’environnement, en recherche d’emploi

À l’époque, j’avais 19-20 ans, je cherchais un job étudiant et j’avais décidé de me rendre dans un salon de l’emploi. Au programme, des job datings, des échanges de CV, des entretiens improvisés, le tout dans une pièce bondée d’étudiants à l’affût d’un contrat et de banques en quête de chair fraîche. Je dois admettre que tout ce spectacle me stressait pas mal, alors pour me détendre avant de m’y rendre, j’ai bu un verre de vin. Un deuxième. Puis un troisième. L’effet escompté n’a pas tardé à se faire sentir. Je suis arrivé un peu pompette, 1h avant la fermeture du salon, mais peu importe, je me sentais invincible et, comme par hasard, beaucoup moins timide qu’à mon habitude. Je me suis dirigé vers le stand d’une mutuelle étudiante. Il faut dire qu’il ne me restait plus beaucoup de choix puisque la plupart des recruteurs avaient déjà plié bagages. Dans la queue, j’ai réalisé que j’étais le dernier à passer, alors lorsque mon tour est arrivé, j’ai lancé : « Oh, on dirait que je suis le dernier… », pour briser la glace. Bon, le recruteur m’a fait comprendre que j’allais d’autant plus devoir le captiver.

Je ne me souviens plus vraiment de ce que j’ai bien pu lui raconter ensuite, mais j’ai atteint mon apogée quand je lui ai expliqué qu’ayant fait beaucoup de théâtre, je savais très bien pousser ma voix et que cela pourrait être utile pour parler aux clients au téléphone. Et comme si ce n’était pas assez, j’ai chanté “Aaaaaah” en appuyant les doigts sur ma gorge telle Céline Dion en studio d’enregistrement pour prouver mon point. Il a ri. J’ai eu honte immédiatement et pour couronner le tout, j’ai fini l’entretien par le banal « Et voilà ! Si ça vous a plu, appelez-moi. » Ils ne m’ont jamais rappelé. Et moi, je n’ai plus jamais commis la même erreur. D’ailleurs, aujourd’hui, je suis beaucoup moins stressé. Et si c’est le cas, je ne prends plus un petit shot avant l’entretien.

« J’ai vomi dès les premières secondes », Clothilde, 32 ans, assistante commerciale.

J’avais 19 ans au moment des faits. J’avais décidé de travailler une saison à Calvi, en Corse pour profiter du soleil et me faire un peu de sous. Je venais de finir mon premier contrat de l’été dans un bar alors pour fêter cela, j’étais sortie avec mes amis pour mon dernier jour. Problème, j’avais un entretien le lendemain à 9h dans le bar chic du camping où je logeais. Et si on avait commencé sagement avec quelques petits verres dans un bar, on a tous fini ivres sur le port avec des mojitos. Je ne sais plus vraiment à quelle heure je suis rentrée, mais je peux vous dire qu’il était tard, que j’ai eu énormément de difficulté à fermer la moustiquaire de la tente igloo dans laquelle je dormais, que j’ai eu encore plus de mal à la rouvrir en plein milieu de la nuit pour vomir, et que j’ai bien galéré le lendemain à la nettoyer… Bref.

L’heure du rendez-vous a sonné et impossible pour moi d’annuler, j’étais venue en Corse exprès pour cela, il fallait absolument que je décroche ce job. Alors je me suis rendue à l’entretien sans prendre la peine de changer de vêtements. Quand j’ai ouvert la porte du bar, les effluves de bière et de vice ont ravivé des souvenirs de la veille. À peine avais-je salué la gérante que je me retrouvais déjà à vomir dans son lavabo. Par chance, elle et son mari avec qui elle travaillait ont pris soin de moi et m’ont servi du gros sel dilué dans un verre d’eau (certainement une technique secrète de barman anti gueule de bois). Une fois en meilleur état, nous sommes passés à l’entretien et tout s’est bien passé. J’ai même été prise. Il faut dire que le couple de gérants m’avaient déjà vue les semaines précédentes sur le camping et avaient bien compris que c’était anecdotique. D’ailleurs, j’y ai même bossé quatre autres saisons et cette histoire m’a valu le nom de “Miss Printemps”.

« Mes décontractants musculaires m’ont ramolli le cerveau » Cécile, 26 ans, UI/UX designer

C’était fin 2019, j’avais 24 ans et une entreprise m’a contactée pour passer un entretien. Pas de bol, quelques jours avant, une mauvaise chute à cheval a eu raison de mon coccyx. Alors pour calmer la douleur, mon médecin m’avait prescrit 1 à 2 décontractants musculaires par jour. Le matin de l’entretien, j’en ai donc gobé un, mais qui a tardé à agir. Alors pour être tranquille et éviter d’être déconcentrée par la douleur, j’ai doublé la dose. Dans ma voiture, en route pour le rendez-vous, le médoc a commencé à faire effet… plus que je ne l’imaginais.

En arrivant dans le lobby de l’entreprise, je me suis rendu compte que j’étais aussi molle qu’un chamallow. On m’a fait attendre quelques minutes qui m’ont permis de réaliser que j’étais perdue et très lente. Pendant l’entretien, j’avais l’impression que ma bouche s’était complètement émancipée de mon cerveau. À chaque mot qu’il lui demandait de prononcer, elle le rembarrait, par flemme. Je mettais une éternité à répondre à chaque question. Et je sais pertinemment que le recruteur avait remarqué cette bizarrerie car mes amis, qui m’ont vue dans cet état par la suite, m’ont confirmé que j’étais complètement à l’ouest. Mais ça n’a pas l’air de l’avoir effrayé, il a dû bien accrocher avec ma personnalité. J’avais également mentionné le fait que j’étais diagnostiquée HPI (“haut potentiel intellectuel”, ndlr) car ça influence souvent mes relations professionnelles, peut-être a-t-il fait un rapprochement entre mon attitude atypique et cette confidence ? Quoi qu’il en soit, il m’a proposé le job quelques semaines plus tard mais j’ai fini par en accepter un autre !

« J’étais littéralement au fond du gouffre » Victoire, 32 ans, responsable recrutement

C’était en 2020, on sortait du covid et je vivais une période difficile. Je venais de me faire licencier par mon entreprise à cause de la crise sanitaire, et comme si ce n’était pas suffisant, j’ai perdu ma grand-mère. J’étais dans le bus pour rentrer chez moi quand j’ai appris cette triste nouvelle. En sortant du bus, j’ai fait ce que chaque personnage principal de film aurait fait dans cette situation : je suis allée au bar le plus proche et me suis collé une cuite monumentale.

Évidemment, j’avais un entretien le lendemain matin qui ne m’intéressait pas plus que cela mais sur lequel je misais quand même après mon licenciement. Je m’y suis rendue avec mes 2h de sommeil dans la tronche, mon jogging, mon sweat et mes baskets. Je n’ai même pas pris de douche. Bon, les mecs ont immédiatement remarqué que je n’étais pas dans mon état normal. Comment je le sais ? Ils m’ont demandé : « Vous allez bien Madame ? Vous voulez de l’eau peut-être ? Beaucoup d’eau ? » L’entretien s’est passé dans une espèce de black-out. J’avais la tête qui tournait, je parlais comme quelqu’un à l’agonie, je m’enfonçais dès que j’ouvrais la bouche… Honnêtement, c’était le gouffre abyssal. Dans les jours qui ont suivi l’entretien, j’ai présenté mes excuses par mail tout en leur donnant un peu plus de contexte sur mon état inhabituel pour sauver les meubles et ma “réputation professionnelle”. Je n’ai pas été retenue, mais en tant que recruteuse, j’ai bien appris une chose de cette histoire : toujours préciser aux candidats que s’ils rencontrent un problème, il vaut mieux le faire savoir à l’entreprise et déplacer la date de l’entretien !

« J’ai foutu la honte à mon amie qui m’avait cooptée » Inès, 32 ans, recruteuse

C’était le lendemain de ma soirée de Gala à l’occasion de la fin de mes études. J’avais largement abusé de l’open bar, étais rentrée chez moi à 8h du matin et devais être fraîche et pimpante pour 15h car une amie m’avait plus ou moins cooptée dans son cabinet d’expertise comptable. Toute la soirée, mes potes ont d’ailleurs fait leurs paris quant à ma capacité à me présenter ou non à l’entretien. Au réveil, j’avais les dents du fond qui baignaient. Pour vous décrire un peu mon état général : j’ai vomi au moins huit fois ce jour-là. Je n’étais même pas apte à conduire pour aller à l’entretien ! Un ami dévoué m’y a amenée alors que j’ai passé le trajet la tête sortie par la fenêtre comme un chien. Je me suis dit que j’avais une heure pour tout donner, que je n’avais rien à perdre. Alors j’ai tout donné. Mon amie qui m’avait recommandée était en furie et avait très peur que je lui foute la honte, mais finalement, les recruteuses n’y ont vu que du feu et lui ont dit : « Elle est super, on a adoré son profil, on la prend ! » Si elles savaient qu’à peine une minute après leur avoir serré la main, je vomissais sur le parking de l’entreprise… Mon pote m’a ensuite ramenée chez moi, la vitre ouverte, évidemment. Ni vu, ni connu !

Article édité par Sami Prieto
Photo par Thomas Decamps

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