Comment aborder (sereinement) un entretien d’embauche après un burn out ?

29 juin 2023

8min

Comment aborder (sereinement) un entretien d’embauche après un burn out ?
auteur.e
Cécile Pichon

Psychologue du travail, coach et consultante RH

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Qui dit burn-out dit souvent pause professionnelle et envie de changement. Fatigue chronique, soucis de santé, perte de motivation, mais aussi prise de conscience de nouveaux besoins, autant de facteurs qui accélèrent parfois l’envie de quitter son emploi. Mais quand la pause s’est prolongée suite à un épisode de surmenage, on peut redouter d’avoir alors à évoquer ce qui s’est passé lorsqu’on retourne sur le marché de l’emploi. Comment aborder sereinement les entretiens quand on redoute d’avoir à se justifier auprès des recruteurs ?

Parce que le burn-out peut être une véritable épreuve pour l’estime de soi, vous vous sentez peut-être fragile, encore fatigué, à fleur de peau… « Que vous est-il arrivé exactement ? Pourquoi avez-vous quitté votre précédent poste ? Comment vous projetez-vous dans la suite de votre carrière ? » Les questions que vous imaginez devoir affronter peuvent vous faire peur…

Si vous êtes mal à l’aise à l’idée d’évoquer ce qui vous est arrivé, c’est peut-être que vous trouvez que cet épisode de votre parcours n’était pas très flatteur. Mais il n’y a pas de honte à avoir vécu un burnout. Vous n’êtes pas coupable. Si le burn-out est selon l’OMS le résultat « d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès », cela ne veut pas dire que vous n’avez pas été à la hauteur. C’est parfois même le contraire.

Entre le rythme de travail intensif, la fatigue numérique, les cultures d’entreprise qui exigent jusqu’à l’impossible, la pression est parfois continue. On peut être nombreux à craquer, surtout si on est très engagé ! Face à une chaîne de difficultés et un stress qui devenait chronique, l’entreprise qui vous employait n’a pas non plus pris les mesures nécessaires… Alors, pour vous aider à parler de ce que vous avez traversé, sans vous dévaloriser ni casser du sucre sur le dos de votre ancien employeur, nous avons passé en revue les stratégies les plus courantes.

1. Cachons ce burn-out que nous ne saurions voir… La stratégie du silence

Toute vérité est-elle bonne à dire quand on souhaite faire bonne impression ? Pas toujours facile de parler de notre surmenage passé en entretien d’embauche. On peut redouter de donner une impression de vulnérabilité, de se voir catalogué comme personne fragile, surgengagée, ou bien de se voir évincé.

Quand cela paraît trop inconcevable d’évoquer le sujet avec un futur employeur, on peut envisager de faire l’impasse. Et après tout, pourquoi pas. Nous ne sommes jamais tenus de raconter notre vie en entretien. Les questions relatives à notre état de santé (physique ou mentale) sont aussi interdites que celles qui relèvent de notre orientation sexuelle, de nos opinions politiques et de notre situation familiale !

Avantages de cette stratégie :

Pas d’évocation du burn-out, pas de questions gênantes. Il suffit de trouver quelques réponses évasives aux fameuses questions « Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter votre dernier job ? » et « Qu’est-ce que vous avez fait depuis votre dernier poste ? » et ni vu ni connu, vous esquissez le sujet. Un peu de préparation donc, mais pourquoi pas. Pas vu, pas pris !

Inconvénient de la stratégie du silence :

À moins d’être un comédien né, l’inconfort de devoir cacher son burn-out peut vous stresser un peu, au risque de vous faire perdre des points durant l’entretien. De plus, si vous êtes trop évasif sur votre histoire ou que vous bottez en touche, le recruteur peut en déduire que vous ne dites pas toute la vérité, et cela peut briser la confiance nécessaire à un recrutement.

Il se pourrait néanmoins que le recruteur n’y voit que du feu et vous embauche. Le souci sera alors de continuer à cacher ce que vous avez traversé une fois salarié. Un secret souvent lourd à porter. Et pas idéal si l’on se projette dans l’entreprise à long terme, notamment pour nouer des relations authentiques et transparentes avec ses collègues !

Cette stratégie peut être assez tentante dans les environnements hyper exigeants qui recherchent des profils top performer, certes. Ce qui est un peu dommage dans le choix du silence, c’est que cela laisse à penser que ce qui vous est arrivé n’est pas OK. Attention à ce que cela ne cache pas une difficulté que vous avez du mal à dépasser, un besoin de faire la paix avec vous-même, de vous pardonner d’avoir craqué… On le répète, mais le burn-out est toujours plurifactoriel, les entreprises en portent en grande partie la responsabilité.

2. Je dis, mais pas tout… La stratégie qui s’adapte

Une autre approche consiste à maîtriser prudemment la communication autour de votre burn-out. Au-delà de la pause, et sans trop entrer dans les détails, vous pouvez évoquer votre essoufflement, parler des raisons qui vous ont poussé à quitter votre dernier emploi : ce qui vous a pesé, ce ne vous convenait pas, mais aussi ce que vous cherchez, désormais, fort de cette expérience. Montrer avant tout que cette expérience vous a fait grandir et que dorénavant, vous savez exactement à quoi vous voulez postuler.

C’est la stratégie qu’à choisi Élodie, consultante au sein d’une agence de Marketing Digital, quand elle a cherché un nouvel emploi après un burn-out : « J’ai mis du temps à me sentir d’attaque pour chercher un autre boulot. Je n’ai pas raconté que la médecine du travail m’avait arrêté car cela n’allait pas du tout ; ce que j’ai raconté, c’est pourquoi j’ai dû quitter ma précédente boîte ; il y avait de gros problèmes de management, on était sous-staffés, les projets s’enchaînaient, on faisait tous des horaires complètement dingues. »

Les avantages de cette stratégie :

Cette stratégie vous permet d’éviter la dissimulation. Même si vous omettez quelques détails, tout ce que vous dites est véridique et permet au passage au recruteur de comprendre vos décisions de vies et vos motivations. Ce qui ne convenait pas dans votre précédent poste peut être expliqué sous la forme de ce que vous cherchez désormais. Un signe que vous avez pris du recul et tiré des conclusions intéressantes de votre histoire.

L’autre avantage de cette approche est que votre discours est ajustable. Vous pouvez, chemin faisant, en dire un petit peu plus si vous sentez que votre interlocuteur est capable de recevoir votre histoire, et ajouter au passage des éléments. « En réalité, j’ai été arrêté », cela ne rentrera jamais en contradiction avec ce qui a été dit précédemment…

Inconvénient : le discours contrôlé :

Pour éviter que le stress ne vous fasse perdre vos moyens, n’hésitez pas à préparer à l’avance les réponses aux questions qui pourraient vous stresser.

« Il faut se dire que le recruteur est capable de lire entre les lignes », explique Élodie. En effet, les RH en face de vous savent souvent comment ça se passe dans les startups, les grosses boîtes de conseil, les cabinets d’avocat, ils ne sont pas naïfs ! Leur cacher la vérité est inutile, comme l’a observé Will, salarié dans le secteur de l’innovation : « Quand je racontais en entretien que j’avais été le seul salarié d’une startup en croissance et en mal de financement, mes interlocuteurs comprenaient tout de suite ce que cela avait dû être. Même pas besoin de prononcer le mot “burn-out”. Dans mon secteur, les gens savent comment ça se passe ». Et ils pourraient très bien comprendre au passage que vous vous êtes extirpé - la tête haute- d’un environnement bien épuisant !

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3. La vérité, toute la vérité, rien que la vérité… La stratégie de l’authenticité

« Je ne sais pas mentir, ça va se voir tout de suite, si j’ai l’air d’avoir des choses à cacher… »Certains d’entre nous ont besoin de jouer cartes sur table, sans faux-semblant. Et on les comprend ! Un burn-out peut venir nous transformer fondamentalement. Raconter sereinement ce que vous avez traversé peut même être aussi une force, une manière de montrer votre maturité, votre capacité à surmonter les difficultés… Bref, un argument pour convaincre les recruteurs de vous embaucher !

Les avantages de cette stratégie :

Cette stratégie, basée sur l’authenticité, construit la confiance et montre votre capacité à vous connaître et à prendre du recul par rapport à votre histoire. Une stratégie qui risque de plaire aux personnalités entières et qui n’aiment pas cloisonner… Et qui peut tout à fait faire mouche, notamment si l’entreprise que vous visez est authentiquement attentive aux questions de bien-être et de santé mentale. Elle vous permet aussi d’axer opportunément une partie de l’entretien sur les valeurs, l’aspect humain du travail auquel vous postulez suite à ce qui vous est arrivé.

Vous avez vécu un burn-out, vous êtes désormais sensibilisé et vous pouvez devenir pour les entreprises et les salariés un véritable relais de la prévention sur les sujets de santé ! « Si l’on vise une entreprise qui fait du conseil en ressources humaines, de l’accompagnement, ou s’occupe de santé mentale au travail, je me dis que cela peut vraiment être compris », observe Élodie.

Montrer que vous savez ce qu’est le burn-out, ce qui y conduit peut même être valorisé pour certains emplois, certains métiers. Cela a été le cas pour Will quand il a pris un poste de management après son burn-out : « Lorsque j’ai passé des entretiens pour être manager, j’ai senti que les recruteurs étaient rassurés que je sache ce qu’est le surmenage. Ils ont dû se dire que je ferai attention avec mes équipes. J’étais devenu plus vigilant pour moi et pour mes collaborateurs, cela m’a aidé dans ma progression, et surtout dans la recherche de performance au travail sur la durée, ce qui intéresse évidemment mon employeur ».

Inconvénients : ça passe ou ça casse

Être très authentique peut vous permettre de créer un lien fort avec le recruteur, surtout s’il est réceptif à ce que vous lui racontez. Cette stratégie nécessite, il est vrai, de très bonnes capacités à vous exprimer et raconter pour pouvoir être en vérité tout en évitant un discours trop négatif qui pourrait vous nuire. La plainte et la rancœur en entretien sont à proscrire, aussi injuste qu’ait pu être votre situation. Si ça passe, c’est tout gagné ! Et si cela ne passe pas, on peut s’interroger sur ce que cela veut bien laisser paraître de la culture d’entreprise…

Une entreprise qui vous écarte pour un surmenage passé saurait-elle être vigilante à votre santé si vous la rejoignez ? Évoquer, même partiellement, ce que vous avez traversé durant un entretien peut être aussi une manière de le vérifier, comme l’a fait Will : « J’ai essayé de sentir les personnes en face de moi : je ne voulais pas retomber dans le même genre de culture que dans mon job précédent. C’était important pour moi de voir s’il y avait de la réceptivité ou de la compréhension tacite sur le fait que j’avais explosé en vol. Si je sentais qu’ils étaient réceptifs, j’expliquais un peu plus. Sinon je fermais la conversation. Mais dans ma tête, je savais que je ne voulais pas bosser pour eux, car je ne voulais pas me retrouver dans le même genre de situation. » Si le processus de recrutement s’arrête, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Car si vous voulez trouver un emploi, ce n’est peut-être pas non plus à n’importe quel prix !

Vous l’aurez compris, la meilleure approche pour aborder votre burn-out en entretien reste celle qui sonne juste à vos yeux. Et encore une fois, la préparation sera clé :

  • Prenez le temps de relire ce qui vous est arrivé, les conséquences pour vous, mais aussi les conclusions que vous en tirez pour votre vie professionnelle.
  • N’hésitez pas à préparer ce que vous voulez dire, et à bien choisir les mots, quitte à vous ajuster au fur et à mesure : “surmenage”, “excès de pression”, “rythme un peu fou”, “épuisement”, “meilleur équilibre de vie”, “risque pour ma santé”, “projets en accord avec mes valeurs, mes objectifs de vie”… Autant de mots qui donnent du sens à votre vécu.
  • Durant l’entretien, mettez le focus sur l’avenir, ce vers quoi vous vous projetez, dans cette entreprise, vos envies, ce que vous pourriez apporter, pour montrer que le passé a été dépassé.
  • Restez vigilant à ne pas critiquer trop directement votre ancien employeur, votre ancien manager, cela pourrait vous desservir.
  • Ne vous étendez pas : un entretien est un court moment pour vous présenter et vous jauger avec le recruteur, votre burn-out n’est sûrement pas le seul élément intéressant de votre parcours, alors allez à l’essentiel.
  • Restez vous-même, avec votre personnalité discrète, ou au contraire passionnée, diplomate ou plus directe, c’est aussi l’authenticité qui créera la confiance !
  • Si vous trouvez que parler de ce qui s’est passé est trop difficile, douloureux, inquiétant, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un psychologue pour cette étape. C’est souvent quand on vit son burn-out comme un échec personnel, qu’il est difficile d’en parler de manière positive… Ne restez pas seul face à cela.

Tant de personnes sont passées par l’épreuve du burn-out que l’on peut espérer une diminution progressive des préjugés que cela a pu susciter. Malgré l’épisode d’épuisement professionnel, vous pouvez montrer que vous avez rebondi et que vous êtes désormais à l’aise avec votre histoire, même si vous choisissez de ne pas tout raconter ! Car après tout, quel que soit le niveau de détail que vous donnez sur ce que vous avez traversé, ce qui rassure le futur employeur, c’est votre capacité à prendre vos responsabilités tout en ayant une bonne lecture des événements et des implications complexes qui y sont liées.

Les prénoms ont été changés

Article édité par Gabrielle Tremblay ; Photo de Thomas Decamps

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