7 motifs de licenciement bien craignos

31 janv. 2023 - mis à jour le 04 déc. 2023

5min

7 motifs de licenciement bien craignos
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

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Ils ont fait l’erreur de venir au travail en tongs, de refuser des shots lors de l’apéro de fin d’année ou d’abuser des frites à la cantine… et ont été mis à la porte. Zoom sur 7 motifs de licenciement, légitimes ou non, mais tous inattendus.

Licencier n’est pas un acte anodin. En France, la loi exige qu’un licenciement soit fondé sur une cause « réelle et sérieuse », quel que soit le motif. Les faits reprochés au salarié doivent donc être précis et vérifiablesVoici la photo de mon jeune stagiaire, en claquettes à fourrure lors d’un rendez-vous client »), et suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail (les claquettes, ça se discute… les claquettes à fourrure, non). Et certaines entreprises sont très créatives quand il s’agit d’interpréter ces termes. Voici 7 motifs de licenciement… dont nous vous déconseillons de vous inspirer !

Motif 1 - Licenciée pour ses rondeurs et sa « laideur »

Amateurs de burgers et autres délices de la gastronomie américaine, tremblez ! Car oui, il est possible d’être licencié pour ces charmantes poignées d’amour qui ondulent gracieusement à chacun de vos pas.

En 2010, une ex-salariée de Prada âgée de 38 ans, Rina Bovrisse, est convoquée par son DRH qui l’invite à changer de coupe de cheveux, perdre du poids et s’entretenir physiquement afin de correspondre à l’image de marque de l’entreprise. Une invitation à laquelle elle ne répond pas. Plus tard, elle est licenciée. Un vrai chou à la crème (supplément chantilly), ce Monsieur.

Mais rassurez-vous, cette malheureuse affaire s’est déroulée au Japon, et serait inimaginable en France. Notre droit du travail est très protecteur à l’égard des discriminations fondées sur l’apparence physique. Nos amis nippons, en revanche, s’appuient sur la « loi Métabo », qui vise à lutter contre l’obésité et permet aux entreprises de mesurer le tour de taille de leurs employés de plus de 40 ans lors de leur visite médicale annuelle. Plus de 85 centimètres pour les hommes et 90 centimètres pour les femmes… et c’est bye-bye. Vous reprendrez un peu de salade d’algues, plutôt ?

Motif 2 - Licencié pour flatulences fétides

À tous ceux qui se soulagent sans penser aux narines délicates de leur entourage, méfiance. En 2022, la cour d’appel de Paris a statué sur le fait que péter sur son lieu de travail pouvait constituer un motif légitime de licenciement.

L’histoire remonte à 2016, quand le directeur commercial d’une enseigne de matériaux est licencié pour un comportement professionnel « incompatible avec l’exercice de ses fonctions », ainsi qu’un « manque total de bienséance, de tenue en société et surtout d’hygiène » vis-à-vis de sa hiérarchie, de ses collègues et de ses clients. Les juges ont considéré que ses propos déplacés et son comportement irrespectueux, notamment lié à ces flatulences répétitives, constituaient une faute grave justifiant un licenciement. Voilà le type de collègue qu’on ne regrettera pas dans l’open space (et encore moins dans l’ascenseur).

Motif 3 - Licencié pour sobriété excessive et manque de fun

Votre nouveau collaborateur ne comprend pas les références à la série Kaamelott et trouve les films des Tuche « juste passables » ? Espérons au moins qu’il ait une bonne descente pour compenser, sans quoi vous serez contraint de le laisser sur la touche… Non ?

C’est en tout cas ce qui est arrivé à un collaborateur d’un cabinet de conseil et de formation parisien – que l’on nommera Robert – qui refusait d’adopter la culture « fun et pro » prônée par l’entreprise, et de s’alcooliser lors des événements. Robert serait-il un rabat-joie ? À vous de juger : la fameuse culture « fun et pro » du cabinet serait caractérisée par « des pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée telles que des simulacres d’actes sexuels, l’obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, l’usage de sobriquets pour désigner les personnes et l’affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées ». Heureusement, les juges ont visiblement le même sens de l’humour que Robert, et ont fini par qualifier ce licenciement d’abusif. Ouf ! Alors soyez tolérant, tout le monde n’est pas obligé d’aimer les pintes de blonde et Kaamelott (hum, Le Dîner de cons, par contre… c’est un classique quand même !).

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Motif 4 - Licencié pour mauvais caractère

Est-ce que cela signifie que vous aurez bientôt l’occasion de vous débarrasser de Bernard, grand maître de la remarque acerbe, grincheux de père en fils depuis huit générations ? Non. Malheureusement pour vous, râler est son droit. En effet, la Cour de cassation a estimé qu’un mode d’expression désagréable – mais non excessif, injurieux ou diffamatoire – ne pouvait être un motif de licenciement valable.

Pourtant, une entreprise française a bien cherché à licencier l’un de ses cadres car son expression habituelle pouvait être ressentie comme « trop directe, bourrue, ironique, critique, prétentieuse ». Des e-mails contenant des expressions comme « Je ne sais pas comment vous pouvez écrire de telles calembredaines » ou « Ce travail n’est ni fait ni à faire » ont été considérés comme restant dans la limite de l’exercice de sa liberté d’expression. On dirait bien que vous allez devoir supporter les plaintes intempestives de Bernard, et continuer de sourire à chaque fois qu’il ouvrira son tupperware de harengs aux œufs durs, sauce roquefort, dans le bureau, en vous regardant droit dans les yeux.

Motif 5 - Licencié pour port de bermuda

Grande nouvelle : même si les pantalons courts et autres claquettes à fourrure (les fameuses) ont connu leur période de gloire, vos collaborateurs ne peuvent pas toujours s’habiller comme ils le souhaitent. Un employeur peut imposer certaines règles vestimentaires, à condition qu’elles soient dûment justifiées par des questions de sécurité, d’hygiène ou de contact avec la clientèle.

La célèbre affaire dite du « bermuda » a ainsi validé le licenciement d’un collaborateur qui portait un pantalon court, sous une blouse de travail, sous prétexte qu’il était en contact régulier avec des clients. Et cette affaire n’est pas la première à appuyer cette obligation de décence. En 1986, un employeur a pu licencier une salariée qui se plaisait à porter des chemisiers transparents montrant ses seins nus, sa tenue suggestive pouvant susciter un trouble dans l’entreprise. En revanche, en 1996, le tribunal de Nîmes a invalidé le licenciement d’un salarié qui portait la barbe, alors qu’il n’était pas en contact avec la clientèle. Et maintenant, quid de « la chemise en haut et du caleçon en bas » osés par certains télétravailleurs ? L’avenir nous le dira certainement.

Motif 6 - Licencié pour avoir fait marcher ses collaborateurs sur des tessons de bouteilles

Oui, vous avez bien lu. Et celui-ci, on vous le donne en mille : le licenciement a bien été validé… malgré une contestation du collaborateur sur la « cause réelle et sérieuse » et la notion de faute grave (« Bah quoi ? »).

L’histoire s’est déroulée en 2014, quand un cadre d’une compagnie aérienne a eu la (brillante) idée d’organiser un séminaire afin de souder les membres de son équipe. Pour clore la journée organisée par un prestataire, une ultime épreuve attend ses collaborateurs : casser des bouteilles à coups de marteau, puis faire quelques pas sur les tessons dispersés au sol. Lorsque l’un d’entre eux refuse, le cadre le contraint à s’expliquer publiquement, jusqu’à ce qu’il soit obligé de reconnaître qu’il était porteur d’une maladie contagieuse. La prochaine fois, nul doute que cette équipe votera pour un programme de yoga et de sylvothérapie.

Motif 7 - Licenciée pour n’avoir pas assez souri

Certaines expériences professionnelles font l’effet de montagnes russes. Et ce n’est pas Samia, une étudiante belge de 19 ans, qui dira le contraire. Au printemps 2023, enthousiaste à l’idée d’avoir trouvé un job au sein du parc d’attractions Walibi, elle se fait renvoyer… après seulement cinq jours ! La raison ? « Je souriais trop peu », raconte-t-elle dans cet article de Sudinfo. Choquée, la jeune femme, qui s’était toujours montrée ponctuelle et consciencieuse, a tenté de convaincre – en vain. Du côté de Walibi, on nie néanmoins toute incitation au départ. « Elle a travaillé pour nous dans trois départements différents. Elle était assez timide et silencieuse envers les visiteurs et après une conversation, elle a décidé de résilier le contrat elle-même », a argumenté Guillaume Morghen, le porte-parole de l’entreprise. Qui dit vrai ? À vous de trancher.

Alors, voilà qui donne envie de lâcher votre rôle de boss pour travailler au Conseil de Prud’hommes et voir ces étonnantes affaires jugées en direct, n’est-ce pas ?

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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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