Du feeling au projet : comment pitcher une intuition à ses collègues ?

20 avr. 2022

5min

Du feeling au projet : comment pitcher une intuition à ses collègues ?
auteur.e
Frédérique Josse

Journaliste Freelance

Tel le génie sortant de sa lampe, votre intuition est apparue soudainement pour s’implanter dans votre cortex cérébral. Vous en êtes persuadé, vous tenez LA bonne idée. Mais comment bien la présenter à votre équipe ? On vous partage nos meilleurs conseils pour transformer une idée en projet professionnel.

Elle surgit souvent dans des moments improbables : jogging, douche, vaisselle… D’un coup, c’est l’illumination. Un “aha moment”, comme le disent si bien les Anglais qui ont le sens de la formule. Vous êtes convaincu que cette intuition géniale pourra résoudre un problème de bureau ou donner naissance au plus beau projet de votre boîte. Le problème, c’est qu’il faut maintenant trouver les arguments pour convaincre vos collègues et votre boss que ce feeling, limpide dans votre for intérieur, mais si difficile à verbaliser, mérite d’être entendu et validé. On fait le point en 13 leçons.

1. Façonnez votre intuition

Un “Eurêka!” seul chez soi, c’est bien. Mais un pitch à la Steve Jobs, c’est mieux. Surtout si on souhaite que cette idée de génie sorte de notre cerveau avec une forme présentable. « Car ne nous leurrons pas, s’amuse Thomas Roche, professeur à l’École de l’art oratoire, le pitch n’est que l’huile essentielle de la prise de parole ». Sans sa base, - un objectif, une problématique, une cause -, peu de chance que vos collègues ou votre boss vous écoutent pérorer, ne serait-ce que quelques minutes…. Pour éviter l’effet ballon qui se dégonfle en direct, prenez le temps de travailler votre intuition comme vous bichonnez votre gigot de sept heures. Réfléchissez au plan de votre discours : Pourquoi ? Comment ? Pour qui ? Quel constat ? Quel(s) besoin(s) ? Quelle(s) solution(s) ? Vous avez quatre heures… Pour un pitch final qui doit tenir en 2 à 3 minutes !

2. Partez d’un point de douleur

Pour embarquer son auditoire, il faut lui raconter une histoire. Mais pas n’importe laquelle. Une histoire qui a un impact. Pour cela, « partir d’un point de douleur, un problème, un chiffre qui fait mal, une vérité qui dérange sont autant d’excellents brise-glaces pour engager mentalement votre auditoire », liste Eric Bouancheaux Zuckermandl, stratégiste en information et communication et auteur de “L’art de parler, convaincre, toucher”. Reste à faire émerger la solution à ce problème.

3. Relax, take it easy !

Convaincre ses pairs peut, avec le stress et l’adrénaline, s’apparenter à un combat (contre soi-même, surtout). Mais détendez-vous. Vous ne montez pas sur un ring de boxe ! Vous n’êtes pas non plus à l’un de ces dîners de famille qui finit inévitablement en joute verbale avec le fameux grand-oncle qui s’amuse de vous voir en rogne. Convaincre, cela veut dire vaincre avec, épaule contre épaule. Conclusion : bannissez l’agressivité, le haussement de ton et évitez à tout prix de cliver…

4. Maîtrisez votre cible

Iriez-vous défendre le nucléaire face à un parterre de sympathisants écolos ? Que nenni. Pour convaincre votre auditoire, il faut se mettre à sa place, insiste Fanny Dufour, fondatrice et co-dirigeante des Nouvelles Oratrices. « Partez de son système de valeurs pour l’emmener dans votre réflexion, même si vous ne le partagez pas et utilisez votre empathie pour vous mettre dans leur peau. »

5. Soignez votre entrée….

« I have a dream », « Je vous ai compris », « Ich bin ein Berliner. » Vous avez peut-être oublié les illustres auteurs de ces formules mémorables… Mais vous les avez pourtant en tête ! L’entrée dans l’arène est fondamentale. Comme à un rendez-vous amoureux, on vous jugera dans les 30 premières secondes… alors « cherchez une punchline qui surprendra et légitimera votre parole d’orateur », insiste Eric Bouancheaux Zuckermandl.

6. … Et votre sortie de scène.

En dessert, vous préférez un carré de chocolat lambda ou une mousse onctueuse ? Même combat pour la conclusion : mettez-y les formes, car c’est ce avec quoi vos interlocuteurs vont repartir. Évitez à tout prix les : « et voilà », « c’est tout ». Fanny Dufour suggère deux solutions pour finir en beauté :

1. Terminer avec un call-to-action, ce fameux appel à l’action, si possible pour organiser une promesse de rendez-vous afin de faire émerger votre idée de génie.

2. Synthétiser votre propos pour rappeler les enjeux clés et fédérer autour de votre idée.

7. Tout écrire ou pas, telle est la question.

Nous avons tous des cerveaux et des mémoires différents. Il n’y a donc pas une seule manière de convaincre. Vous êtes spontané ? Écrivez les messages clés et laissez-vous porter lors du discours. Vous détestez parler devant plusieurs personnes ? Il est possible que vous ayez besoin de tout écrire pour vous imprégner de votre récit, même si à l’instant T, vous vous en détacherez. Attention, dans ce cas précis, à bien vous entraîner… Vous avez une mémoire visuelle ? Faites une carte mentale.

8. Apportez des preuves…

Le philosophe grec Socrate voulait « faire accoucher des âmes ». Vous n’êtes peut-être pas aussi ambitieux, mais vous aurez besoin de recourir aux mêmes procédés rhétoriques. Notamment au principe de l’argument, dont il existe trois grands types. Le logique (qui fait appel à la raison de l’interlocuteur), l’expérience (basée sur un fait rapporté) et l’autorité qui s’appuie sur une personne célèbre ou reconnue (un journal, un scientifique…). Ces arguments légitiment votre discours, car ils rationalisent votre intuition.

9. … et des émotions

Nos ancêtres philosophes grecs utilisaient le mot “pathos”, aujourd’hui connoté négativement. « Pourtant, insiste Thomas Roche, les émotions sont loin d’être accessoires lorsqu’on veut convaincre. Elles permettent aussi de raconter son histoire avec plus d’authenticité et de montrer que l’on est porté par son sujet ou son projet. »

10. Mais n’abusez pas de la punchline et du storytelling

Oui, on se souviendra de vous si vous la jouez Florence Foresti. Mais votre pitch de boulot n’est pas une scène comique ni un exercice d’égo-trip. Dosez bien votre énergie… au risque que vos collègues ne se rappellent que de l’esbroufe. Quant au storytelling, c’est en effet un outil puissant pour humaniser le discours, capter l’attention et faire travailler l’imagination, mais inutile de l’utiliser si ce n’est pas sincère. Le discours sonnera faux. Racontez uniquement ce qui sert votre message.

11. Restez vous-même

Vous virez écrevisse quand il faut prendre la parole en réunion ? « Et alors !, s’exclame Fanny Dufour. Les bonnes idées n’appartiennent pas qu’aux extravertis… Restez vous-même. Ne cherchez pas à impressionner avec des formules toutes faites qui ne vous ressemblent pas. Apprenez par cœur l’introduction et la conclusion, ce sont souvent les moments les plus difficiles. » Autre astuce : pitchez d’abord à un collègue dont vous êtes proche et restez près de lui lors du moment fatidique. Il sera votre souffleur si vous avez un moment de flottement…

12. Laissez la place à l’impro

« Néanmoins, dans la conjoncture de cette infrastructure, il nous est possible d’entrevoir des causes… » Avouez, vous avez décroché après “néanmoins”. Si vous avez déjà assisté à un spectacle de stand-up, vous savez qu’il est impossible de prendre plaisir à écouter quelqu’un réciter son discours. Pour Thomas Roche, « il faut essayer, le plus possible, de ne pas s’enfermer dans son texte, au risque qu’il paraisse morne, terne et mécanique. N’ayez pas peur des blancs ! La parole est un matériau vivant, non ? »

13. Soignez votre posture et votre voix

Une bonne communication ne se limite pas au propos. « Dès 1967, le psychologue américain Albert Mehrabian prouvait qu’elle dépendait également du degré de sympathie que l’on déclenchait chez l’autre », indique Eric Bouancheaux Zuckermandl. 7 % de la communication serait verbale, quand 38 % dépendrait de la voix et… 55 % de l’aspect visuel (expressions du visage et langage corporel) ! Il est donc important de soigner aussi ces deux aspects souvent négligés. « Privilégiez un ton médium, voir bas, parlez doucement. Marquez des pauses “dramatiques” avant ou après des pensées fortes pour laisser votre auditoire méditer », recommande ce spécialiste de la communication, passé par la publicité et les institutions européennes. Regardez les gens sans les fixer comme si vous vouliez en faire votre goûter : on appelle cela la règle du 70% oculaire. Enfin, ne croisez pas les bras et ne mettez pas la main dans votre poche, mais privilégiez les gestes ouverts et les coudes relevés. Si vous souhaitez vous entraîner, imitez Mister et Miss Météo, c’est exactement la bonne posture !

Article édité par Gabrielle Predko
Photo par Thomas Decamps

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