Vous ne cochez pas toutes les cases d'une offre d'emploi ? Postulez quand même !

25 mai 2022

5min

Vous ne cochez pas toutes les cases d'une offre d'emploi ? Postulez quand même !
auteur.e
Daphnée Breytenbach

Journaliste freelance

Vous venez de tomber sur l’annonce idéale… Secteur, entreprise, missions : incroyable mais vrai, il pourrait bien s’agir du boulot de vos rêves. Le hic ? Le recruteur exige des critères auxquels vous ne correspondez pas. Que ce soit votre diplôme, votre expérience, vos compétences techniques ou encore votre connaissance des langues, vous ne vous reconnaissez pas sur tous les points. Pourtant, remplir toutes les cases d’une offre d’emploi n’est pas forcément un atout et peut même se transformer en inconvénient. Alors voilà pourquoi parfois, il ne faut pas hésiter à oser !

Le dilemme des entreprises

Avec une concurrence de plus en plus féroce sur le marché de l’emploi, la mondialisation, le taux élevé des départs à la retraite et la rareté des talents qualifiés, les entreprises ont tendance à rigidifier leur sélection, sans proposer le salaire qui va avec. Résultat : des candidats de plus en plus inquiets de ne pas pouvoir tenter leur chance et des recruteurs qui peinent à trouver la fameuse « perle rare ».

Hélène Ly, formatrice en recrutement IT, en fait l’amer constat : « Je caricature souvent les quêtes du Graal de ces entreprises qui veulent des profils en dessous des 45 ans, idéalement diplômés de grandes écoles, qui ne soient pas débutants, qui aient fait la même chose chez un concurrent, qui maîtrisent déjà tous les outils, qui ne comptent pas leurs heures, qui soient passionnés, curieux, ambitieux mais pas trop… Tout ça pour le même salaire, sans télétravail possible, avec pour seul objectif de contribuer à la croissance. Et après on s’étonne qu’il soit difficile de recruter… »

« Et pourtant, justement parce que les postes se font parfois plus nombreux que les postulants, ce que veulent surtout les recruteurs, ce sont des candidatures tout court ! Il faut changer de perspective. ” D’autant que d’après l’enquête Besoin en main d’œuvre 2022 publiée par Pôle Emploi, 58% des recrutements sont jugés difficiles par les entreprises (+13 points par rapport à 2021). Quant aux cadres, 76% des recruteurs ont du mal à en trouver qui combinent toutes les compétences recherchées, selon le baromètre publié par l’Apec en avril dernier. En réalité, la crise sanitaire a accentué le problème, les turn-over se faisant moins fréquents. L’occasion, donc, de tenter votre chance !

Le candidat idéal n’existe pas

« Quand quelqu’un coche toutes les cases, le premier réflexe, c’est de se dire que c’est trop beau pour être vrai, sourit Hélène Ly. En réalité, une offre d’emploi, c’est un peu la liste au père Noël. Le candidat idéal n’existe pas. D’ailleurs, quand on reçoit un CV qui semble trop parfait, notre premier réflexe est d’aller vérifier si la personne n’a pas enjolivé sa candidature. C’est tout de suite suspect ! » Selon la formatrice, à partir de 70% des compétences demandées, le profil est très intéressant. Si vous vous en approchez, il ne faut donc jamais hésiter à y aller.

Parce que contre toute attente, les risques pour les recruteurs d’embaucher une personne qui cocherait toutes les cases sont nombreux. « Un candidat trop qualifié peut facilement s’ennuyer, tourner en rond. Il pourrait donc rapidement aller voir ailleurs ou se démotiver parce que le challenge n’est pas à la hauteur », précise Hélène Ly. L’employeur se demande aussi parfois si ce candidat trop parfait n’est pas aux abois, s’il a échoué dans sa précédente fonction, s’il s’épanouira dans l’entreprise…

« Et puis se pose surtout la problématique de la négociation salariale : perfection rime forcément avec exigence et l’entreprise se doute que face à une personne qui coche toutes les cases, il faudra mettre la main au portefeuille. Ça peut être un point très négatif, parce qu’elle n’a pas forcément l’envie ni même la possibilité de payer ce talent, note Hélène Ly. Quant au candidat lui-même, il est toujours plus intéressant pour lui d’aller chercher le défi, d’essayer d’obtenir plus et de monter en compétences, sinon sa progression risquerait de se voir ralentie. »

Cerner les compétences du poste

Avant de déterminer si candidater à un poste qui vous a tapé dans l’œil vaut ou non la peine, vous devez examiner attentivement les compétences énoncées. Pour ce faire, il faut décrypter correctement l’annonce. Vous souhaitez devenir community manager, mais vous ne connaissez rien aux réseaux sociaux ? Ne perdez pas votre temps ! En revanche, certaines compétences sont plus secondaires. Dans ce cas, ne pas les maîtriser n’est pas toujours un frein. C’est le cas des langues étrangères, souvent l’anglais en l’occurrence. S’il est absolument indispensable à certains postes, en réalité, dans de nombreuses entreprises, vous ne l’utiliserez jamais.

« Le problème, c’est que les employeurs ne hiérarchisent pas assez les compétences-clés », regrette Hélène Ly. « Du coup, c’est au candidat lui-même de faire ce travail. Bien sûr, il faut qu’il maîtrise parfaitement au moins l’un des critères recherchés. Mais il faut faire attention aux mots : les annonces parlent parfois « d’expertise », là où une simple connaissance du sujet est déjà suffisante. Il faut bien analyser le champ lexical utilisé et mettre en avant ce que j’appelle les compétences transverses. À titre personnel, lorsque je cherche à embaucher un recruteur et qu’un profil junior sans expérience se présente, je vais être attentive à ses autres caractéristiques, à ses expériences personnelles. S’il a été coach pour une équipe sportive par exemple, ça veut dire qu’il sait déceler un potentiel, cerner les personnalités… Ce genre de qualités peut pallier de nombreuses lacunes », illustre-t-elle.

Mettre en avant ses soft skills

Les savoir-faire peuvent s’acquérir. Les savoir-être, eux, sont personnels et donc beaucoup plus difficiles à intégrer. Et ces qualités-là peuvent faire une réelle différence entre votre candidature et celle d’un autre qui cocherait techniquement plus de cases… « Dans votre CV, il faut mettre en avant le plus possible vos soft skills. Curiosité, capacité à aller chercher l’information, créativité, esprit d’équipe… Ce sont des atouts qui séduisent les entreprises et qui peuvent véritablement vous aider à sortir du lot », assure Hélène Ly.

« Une autre astuce, c’est de préciser que vous êtes conscient de certains manques, mais que vous avez déjà entrepris des actions pour y remédier. Vous êtes en train de lire sur le sujet, vous vous êtes inscrits sur Open Classroom, vous suivez des formations sur LinkedIn Learning, vous participez à des webinaires… Voilà la preuve que vous savez vous débrouiller, que vous avez une réelle marge de progression et surtout que vous êtes pro-actif. », ajoute-t-elle. Au cours de l’entretien d’embauche, vous pouvez aussi préciser que vous seriez ravis d’apprendre des salariés plus expérimentés. Dans tous les cas, soyez toujours honnêtes sur vos lacunes sans essayer de les cacher. Ce qui s’apparente à une faiblesse peut facilement se transformer en une preuve des efforts que vous êtes prêts à mettre dans le poste convoité !

Peaufiner sa lettre de motivation et ses arguments

« Pour postuler quand son profil ne correspond pas exactement à l’annonce, il faut être deux fois plus vigilant et se mettre en valeur avec intelligence, tout en finesse. Cela passe notamment par une lettre de motivation bien tournée qui démontre ce que vous pourrez apporter au poste, même si votre parcours est atypique ou que vous n’avez pas assez d’expérience. », détaille Hélène Ly. Si le diplôme pêche, expliquez que votre expérience professionnelle vous a rendu plus débrouillard. S’il s’agit du secteur ou que vous êtes en réorientation, prouvez que cette décision n’est pas prise sur un coup de tête, mais qu’il s’agit d’un choix mûrement réfléchi.

De la même manière, le premier rendez-vous avec le recruteur sera crucial. Il ne faut surtout pas vous y présenter sur la défensive et tenter d’esquiver les questions qui pourraient vous mettre mal à l’aise. Au contraire, soyez droit dans vos bottes, assumez votre parcours et mettez en avant ce qui fait de vous une personne unique et ce que vous pourrez apporter d’original et de différent à l’entreprise. Car ne l’oubliez pas : si vous en êtes là, c’est que votre profil, aussi différent et incomplet soit-il, a attiré l’œil de votre interlocuteur… Alors, dans le contexte d’une recherche d’emploi, ne vous auto censurez pas : qui sait, vous pourriez bien y décrocher le gros lot !

Article édité par Sami Prieto, photo Thomas Decamps pour WTTJ

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