Pour le bien de votre productivité, devriez-vous lâcher votre BFF du taf ?

24 nov. 2022

7min

Pour le bien de votre productivité, devriez-vous lâcher votre BFF du taf ?
auteur.e
Natalia Barszcz

Freelance journalist and writer

Précieux, il ne divulgue jamais nos secrets et est toujours partant pour faire une pause. Mieux, il prévient quand notre jupe est coincée dans notre collant ou quand notre chemise est mal boutonnée… C’est bien sûr : notre BFF du boulot ! Soutien sans faille, il nous motive à aller au bureau et pourtant… Est-ce tout ce dont nous avons besoin pour nous sentir épanouis au travail ? Et si nous avions plutôt besoin d’un partenaire professionnel ? Nous avons parlé à cinq personnes pour comprendre ces deux types de relations (très) différentes, et déterminer si nous avons besoin des deux.

Un⋅e BFF au taf est une personne avec qui vous échangez souvent, de façon légère, facile, décontractée. C’est un rayon de soleil qui illumine vos journées au bureau, quelqu’un avec qui ça a tout de suite matché : un voisin d’open space, un collègue d’un autre service, une cheffe d’équipe… Les conditions de la rencontre importent moins que la relation que vous avez développée.

Victoria, cheffe de projet junior dans une agence de pub TV, a rencontré son BFF de taf dès son premier jour. « Daniel et moi avons intégré la boîte en même temps en tant qu’assistants média. On s’est tout de suite bien entendus et on passait quasiment toutes nos journées ensemble. C’était super d’avoir quelqu’un dans la même position que moi, qui commençait dans la boîte et avait encore tout à découvrir. »

Un·e meilleur⋅e pote de taf est un rouage essentiel pour se sentir bien au travail. Il nous aide à trouver notre place au travail, à nous inscrire dans la culture d’entreprise. Pour certains, la relation peut devenir très profonde, même si elle ne dépasse pas la porte du bureau. C’est le cas d’Ana, UX et web designeuse dans une agence créa. « Mon super pote de travail, Aiden, est la personne avec qui je passe le plus clair de mon temps au bureau. On fait nos pauses déj’ ensemble, on s’assoit à côté pendant les réunions, etc. On aime bien avoir des petites attentions l’un pour l’autre. Parfois, le matin, il arrive avec un café et un cookie pour moi, et de mon côté, je lui offre quelque chose que j’ai peint pour lui. Ça crée un environnement de travail vraiment plus cool, surtout quand c’est le rush. »

D’autres, comme Maya, associée dans un cabinet d’avocats spécialisé dans la tech, voient de temps à autre leurs amis du boulot en dehors du bureau. « J’ai deux meilleures amies du travail avec lesquelles j’entretiens une relation perso et plutôt légère. Quand on croule sous les dossiers, on se serre les coudes et ça nous aide à ne pas péter un plomb, et quand c’est plus calme, on prend le temps de se retrouver à notre arrivée le matin autour d’un café, on discute pendant une demi-heure dans la cuisine. Il nous arrive aussi d’aller boire un verre le vendredi soir. En revanche, on ne se voit que très rarement le week-end car j’aime même bien cloisonner un minimum le boulot et le perso. »

Comme l’ont remarqué Maya et Ana, avoir un⋅e pote de boulot peut avoir de vrais effets positifs. En effet cela peut :

  • Favoriser notre investissement : les personnes qui déclarent avoir un⋅e collègue très proche sont dix fois plus impliquées dans leur travail que celles qui ne développent aucune relation d’amitié au bureau.
  • Réduire le stress : avoir quelqu’un à qui se confier sur le travail permet de nous rassurer et se sentir soutenu⋅e. À long terme, cela aide à mieux gérer son stress et réduit les risques de burn out. C’est aussi un moteur de productivité.
  • Nous apporter plus de satisfaction au travail : les personnes qui se sentent proches de leurs collègues se disent plus satisfaites de leur job et de leur environnement de travail.
  • Nous motiver : les amitiés professionnelles basées sur le respect mutuel aident chacun⋅e à donner le meilleur – sur le plan professionnel comme personnel – et booste la motivation au travail. On a envie de faire encore mieux.

Une amitié à double tranchant

Développer une telle amitié peut certes être précieux, mais une telle relation ne vient pas sans limites. Les études sur le sujet montrent que les relations « multiplex » – à savoir les relations et amitiés nées au travail – peuvent être à double tranchant. Pourquoi ?

Les amitiés professionnelles très investies peuvent mettre notre productivité en berne et nous distraire plus qu’autre chose. Victoria en a fait l’expérience quand son entreprise a décidé de fermer les bureaux et de passer tout le monde en télétravail. « Daniel et moi étions tous les deux encore nouveaux dans la boîte, on ne savait pas trop comme ça allait se passer. On a donc eu l’idée de recréer un petit bureau à nous, parfois chez moi, parfois chez lui, le reste du temps dans un café. On s’était dit que ça éviterait qu’on se sente seuls en journée, qu’on pourrait se rassurer l’un l’autre. Sur le papier, c’était une super idée. »

Mais ils se sont vite rendu compte que ce manège n’allait pas fonctionner sur le long terme : à la fin de la journée, aucun d’eux n’avait fini son travail. «On était devenus tellement proches en tant que collègues, nos caractères se complétaient si bien qu’on finissait par discuter une bonne partie de la journée. On parlait de nos vies, des gens du boulot… Mais notre to-do list, elle, réduisait peu. Et comme on venait d’arriver dans la boîte, personne ne supervisait vraiment notre travail alors ça n’a pas arrangé nos affaires. On était bien plus distraits que productifs. »

Les amitiés de travail peuvent parfois s’épanouir aux dépens de notre productivité et de notre professionnalisme. Quand on devient trop proches, il peut aussi devenir plus difficile de faire des retours francs et constructifs à cette personne qui est aussi – et avant tout – notre collègue. Bien sûr, tout cela est une question de caractère et dépend aussi de la nature de la relation. Mais dans certains cas, il peut être nécessaire de séparer pote et boulot – dans l’intérêt de votre amitié et de vos jobs respectifs. C’est la décision qu’a fini par prendre Ana. « J’adore passer du temps avec Aiden, mais il fallait se rendre à l’évidence : on ne bosse pas bien quand on est ensemble. Au début, on nous a mis dans la même équipe quasiment à chaque nouveau projet de site ou d’appli pour capitaliser sur notre duo, mais on se distrayait l’un l’autre. C’était surtout vrai quand on était en télétravail. La moindre réunion se transformait en appel vidéo de trois heures pendant lesquelles on parlait de tout et rien. » Alors Ana et Aiden ont conjointement décidé de prendre des distances. La transition s’est faite en douceur pour tous les deux, même s’ils continuent de se voir régulièrement. « Depuis, j’ai trouvé une autre personne avec qui je bosse bien, Tom. On ne travaille pas tout le temps ensemble, mais sa façon de bosser et sa détermination, c’est exactement ce qu’il me faut pour me booster sur mes propres projets. Aujourd’hui, dès que j’ai besoin d’aide sur un dossier, ou même pour mon activité de freelance, je me tourne vers lui ! »

Comme Ana, si vous constatez que vos dossiers n’avancent pas autant que vous le voudriez ou que vous voulez faire mieux au travail, alors un⋅e partenaire de bureau serait peut-être une meilleure option…

Le/la partenaire de bureau : booster vos performances au travail

À côté des deux amies avec lesquelles elle passe le plus de temps au bureau, Maya a également une « partenaire de taf », assistante juridique dans le même cabinet. « Nous ne travaillons pas souvent ensemble parce que nos postes n’impliquent pas les mêmes responsabilités, mais je vais souvent la consulter lorsque j’ai besoin d’aide sur un sujet qu’elle maîtrise. Elle est à 100 % dans ce qu’elle fait et d’un professionnalisme dingue. Elle a de super compétences à la fois techniques et relationnelles, elle est claire et directe dans sa façon de communiquer. Pour moi, elle est vraiment irremplaçable – c’est une partenaire de rêve au travail. »

Votre partenaire de taf est la personne vers qui vous vous tournez sans hésiter lorsque vous avez une tâche importante à effectuer ou un gros dossier à gérer. Votre relation est exclusivement professionnelle. Il ne s’agit pas d’une amitié, mais d’un partenariat, d’une alliance. Maya explique que Jane ne pourrait pas devenir une amie proche. « Elle aime bien rester discrète sur ce qui est perso, et aller droit au but. Elle a un fort caractère et elle le sait. Les amitiés de boulot, ce n’est pas vraiment son truc. »

Adriana, graphiste dans le public, préfère, elle aussi, avoir un⋅e partenaire plutôt qu’un⋅e pote de taf. « Dans mon ancien travail, on était dans un petit bureau et on est tous devenus amis. Au début, c’était super, mais avec le temps je me suis sentie un peu étouffée, j’avais l’impression que le boulot me suivait partout. Donc quand j’ai commencé à mon nouveau poste, j’ai approché les choses différemment, et ça me va beaucoup mieux. Je garde ma vie perso et mes amis pour moi, et préfère instaurer une certaine distance avec mes collègues. » Avoir une partenaire de travail lui correspond beaucoup mieux – à la fois pour son bien-être mental et la qualité de son travail. « J’ai une pote de taf, comme j’aime bien l’appeler. C’est ma cheffe d’équipe et je me sens à l’aise avec elle. Je peux aller la voir quand j’ai un problème, un doute, une question ou juste besoin de parler quand je n’ai pas les idées au clair – mais ça porte toujours et exclusivement sur le travail. C’est clairement plus bénéfique pour moi de cloisonner le pro et le perso. J’appartiens à celles et ceux qui préfèrent protéger leur vie privée. » Différents choix et dynamiques fonctionnent selon qui vous êtes. Si avoir des amis au travail n’est pas pour vous, avoir un⋅e partenaire professionnel⋅le peut être la bonne solution.

Voici quelques-uns des avantages :

  • Productivité en hausse : vous comme votre partenaire savez ce qui doit être fait, et c’est là-dessus que vous vous focalisez – il n’y a plus de place pour la distraction ou le papotage.
  • Meilleure collaboration / communication : la nature purement pro de ces « partenariats » favorise l’honnêteté et les feedbacks constructifs. Vous êtes moins impliqué⋅es personnellement, la relation est moins forte, donc vous risquez moins de vous blesser mutuellement.
  • Un travail de meilleure qualité : votre partenaire de travail vous soutient et vous aide dans votre quotidien professionnel, mais vous challenge également quand c’est nécessaire et parle en toute honnêteté quand vous avez un problème à régler entre vous.

Faire le point et se faire confiance

Que vous ayez un⋅e BFF ou un⋅e partenaire de taf, ces relations sont précieuses. L’important est de garder une vraie ouverture d’esprit et de la curiosité. Clara, assistante sociale a par exemple renforcé sa relation avec sa partenaire de travail le jour où elles ont toutes les deux quitté leur poste. « Nous avons toutes les deux eu envie de voir ce que ça donnerait si on se fréquentait en dehors du boulot. On est allées boire des cafés ensemble, pour discuter de choses qui nous passionnent, évoquer notre quotidien professionnel librement, sans qu’on ait à mettre en place quoi que ce soit au bureau après coup. On se voit encore aujourd’hui et on est plus proches que jamais. » Nos relations sont aussi uniques que nous – et on ne sait jamais où elles peuvent nous mener !

*Les prénoms ont été modifiés.

Photo d’illustration Thomas Decamps, traduit de l’anglais par Sophie Lecoq