L’effet Batman : avoir un alter ego permet-il de vaincre l'anxiété au boulot ?

30 juin 2021

5min

L’effet Batman : avoir un alter ego permet-il de vaincre l'anxiété au boulot ?
auteur.e
Olga Tamarit

Freelance Content Creator

Adele et Beyoncé ont un point commun en dehors de la scène : au début de leur carrière, elles ont toutes les deux utilisé un « alter ego » pour affronter leur peur de la scène. En quoi cette information peut vous être utile ? Parce que si vous souffrez d’anxiété au travail ou si vous ne pensez pas être à la hauteur pour ce poste tant convoité, créer un « alter ego » auquel faire appel dans les situations de stress peut vous aider à surmonter vos craintes. Le dénommé « effet Batman » a été longuement étudié en psychologie infantile, mais il peut également être un outil incroyable dans le monde du travail. Nous avons échangé avec une experte en psychologie et avec un professionnel qui a eu recours à cette technique pour gagner en confiance au travail et dans sa vie personnelle.

Un alter ego pour gérer l’anxiété ?

Si la peur ou l’anxiété s’est avérée être trop souvent un obstacle dans votre vie professionnelle, il est peut-être temps d’enfiler la cape de super-héros. On ne parle pas d’une soirée déguisée mais bel et bien de l’effet Batman, une technique selon laquelle les enfants doivent se demander ce qu’aurait fait Batman (ou tout autre personnage réel ou de fiction qu’ils admirent) face à une situation qui les paralyse ou à laquelle ils ne savent pas comment réagir. Mais cette stratégie ne fonctionne pas uniquement avec les plus petits. Selon Ethan Kross, professeur de psychologie de l’Université du Michigan qui étudie le sujet de l’auto-distanciation depuis des années, cette technique peut également s’appliquer au monde du travail, et garantit même d’excellents résultats. Se mettre dans la peau d’un personnage qu’on admire n’est pas un simple jeu : adopter un alter ego peut nous aider à adopter une certaine perspective qui nous permettra de voir la situation de façon plus objective et réaliste. Ce qui peut être très utile au boulot, surtout si l’on a tendance à dramatiser et à ruminer les problèmes.

Lorsqu’on est face à un problème, on est tellement focalisé dessus qu’on a du mal à avoir une vision d’ensemble. Elisa Sánchez, psychologue du travail, explique ainsi que l’externalisation peut nous permettre de prendre du recul pour faire face à une situation de façon rationnelle et apaisée. Cette approche nous permet aussi de modifier notre rapport aux émotions et de développer notre self-control, de sorte que les problèmes et les conflits deviennent plus gérables et moins stressants.

Ainsi, une étude récente a démontré que ces techniques pouvaient atténuer notre niveau d’anxiété, puisqu’elles peuvent aider à réduire notre fréquence cardiaque et notre pression artérielle, des symptômes qui accompagnent souvent les situations relevant d’un vrai défi, comme par exemple parler en public.

Un profil-type pour bénéficier de l’effet Batman ?

Le postulat sur lequel repose cette technique n’est pas nouveau. Vous avez probablement déjà entendu l’expression Fake it until you make it ou le mythe de la prophétie autoréalisatrice. Pour Elisa Sánchez, toutes ces croyances sont liées et on retrouve même des similarités dans la psychologie traditionnelle, avec l’effet Pygmalion (appliqué à des milieux éducatifs) par exemple. Grosso modo, toutes ces croyances partent du principe que « si on pense qu’on va tomber, on finira probablement par tomber ; en revanche, si on pense que quelque chose se passera bien, on a plus de chance que ça soit le cas ». À cet égard, l’experte considère qu’en se créant un personnage, on laisse la place à des attentes positives dans notre esprit, ce qui peut en effet aider à réaliser nos objectifs plus facilement. Bien que selon elle, ces techniques ne conviennent pas à tout le monde (dans certains cas, elles peuvent même entraîner des soucis de dissociation de la personnalité), certains profils peuvent tout particulièrement bénéficier de ce type d’externalisation :

  • Les personnes très timides qui sont paralysées dans certaines situations, comme parler en public ou organiser une conférence.

  • Les professionnels qui doivent jouer un rôle très différent au travail par rapport à leur façon d’agir en privé.

Se découvrir des talents cachés grâce à son super-héros, c’est possible ?

Si l’alter ego se construit de manière consciente et dans un but sain, il peut être intéressant pour évoluer et réaliser ses objectifs de carrière. Un exemple concret : Chal Jiménez, un expert en marketing, publicité et communication, a réussi à surmonter sa timidité paralysante qui remontait à l’enfance et à développer son plein potentiel grâce à Batman et Superman. Pour lui, se mettre dans la peau de ces super-héros de comics l’a aidé à avoir confiance en son talent, à « se connaître et à s’accepter », y compris pour façonner son destin professionnel. Il a même écrit un livre, Supertalent (non traduit en français) dans lequel il explique comment y parvenir.

Selon l’écrivain, il ne s’agit pas seulement de se mettre dans la peau d’un personnage et de se demander ce qu’il ferait à notre place, il faut également se dépasser jour après jour, découvrir nos talents cachés, qui vont se dévoiler en chemin, et les cultiver pour devenir meilleur dans le monde professionnel.

Il ne faut pas non plus s’accrocher à un seul personnage. Pour notre expert en marketing, ils peuvent avoir différents rôles auxquels faire appel en fonction des situations. Il explique : « Selon si vous avez besoin d’affronter une réunion pour laquelle vous devez faire ressortir votre côté assertif ou, au contraire, renforcer vos soft skills, vous n’allez pas vous inspirer des mêmes personnalités qui sont une référence pour vous. » Pour résumer, cet alter ego doit être quelqu’un qui vous inspire au niveau personnel ou professionnel, de par ses valeurs, sa façon d’agir ou sa manière de travailler. Mais rien ne vous empêche d’en avoir plusieurs !

Dans tous les cas, Elisa Sánchez précise qu’il faut que l’alter ego ait une durée de vie limitée. Il est en effet recommandé de lui dire adieu lorsque la période d’anxiété ou d’angoisse est terminée puisqu’il est, à son sens, « plus efficace d’apprendre à gérer ses émotions avec d’autres outils à long terme ».

Les clés pour mettre en pratique l’effet Batman

Comme vu précédemment, l’effet Batman permet de prendre du recul sur nos problèmes, ce qui nous aide à les analyser sous un autre angle. Retrouvez ici les clés pour le mettre en pratique avec succès :

Prenez du recul

Diverses études démontrent que plus un événement est négatif et intense, plus il y a de risque qu’on s’en rappelle à la première personne. Au contraire, lorsque l’expérience est plus positive, on aura tendance à endosser le rôle d’observateur. Donc, la prochaine fois que vous avez une journée particulièrement dure au boulot ou que vous faites une gaffe, essayez d’imaginer l’accident depuis le point de vue d’une autre personne, qui peut être votre alter ego. Jugeriez-vous cette personne ? Vous vous rendrez alors compte que ce n’est pas si grave que ça.

Cultivez vos talents

Très souvent, un alter ego peut nous faire découvrir des talents cachés. Pour Chal Jiménez, c’est l’un des aspects les plus positifs de l’effet Batman : « Ma propre créativité me faisait honte au début et j’ai dû m’entraîner, au point qu’aujourd’hui c’est l’un de mes plus grands talents et je gagne ma vie en partie grâce à elle. » Si vous découvrez un aspect de votre personnalité pendant le processus, ne le laissez pas filer. Explorez tout votre potentiel. Qui sait ? Il vous servira peut-être à l’avenir.

Mettez-vous à la troisième personne

Si vous avez vécu une mauvaise expérience professionnelle, c’est normal de vous repasser l’histoire en boucle jusqu’à saturation. Mais attention, ce comportement influence directement votre manière de digérer les problèmes. Face à une difficulté au travail, essayez de vous demander ce que ferait votre alter ego dans la même situation et voyez si cela réduit les sentiments négatifs et la réactivité émotionnelle.

Acceptez les sentiments négatifs

La négativité devient toxique quand elle est permanente. En pratiquant l’’auto-distanciation, vous pouvez réussir à briser ce cycle de pensées négatives. Il est d’ailleurs nécessaire d’apprendre à reconnaître tout le répertoire des émotions négatives mais le vrai challenge, c’est de comprendre comment les contrôler sans stagner et d’apprendre à être à l’aise dans les moments d’incertitude.

N’oubliez pas : quel que soit l’alter ego qui vous inspire à vaincre vos peurs et vos insécurités (quelqu’un que vous admirez, une personnalité inventée ou vraiment Batman), utilisez-le en ayant un objectif clair en tête et de manière consciente. Et qui sait ? Peut-être qu’un peu d’imagination pourra vous aider à vous rapprocher de la personne que vous aspirez à devenir.

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Traduit de l’espagnol par Sophie Pronier

Article édité par Eléa Fourcher-Créteau
Photo par WTTJ

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