Demain, fini les réunions ! Pour ou contre ?

03 abr 2019

8 min

Demain, fini les réunions ! Pour ou contre ?
autor
Nora Leon

Communications & content manager

« Less meetings, more doing. » C’est le slogan placardé dans les locaux de 360 Learning, une start-up EdTech parisienne qui a supprimé complètement les réunions. Dans ses bureaux, on entendrait une mouche voler : tout le travail d’équipe se fait de façon asynchrone.

Et elle n’est pas la seule à avoir éradiqué les réunions, l’entreprise Alan a pris la même décision. Selon OpinionWay, les réunions seraient globalement inefficaces. Seule une sur quatre aboutirait à une décision, pas étonnant lorsque l’on sait que 57 % des sondés consultent leurs e-mails et 22 % avouent même surfer sur Internet pendant ce temps dédié à l’échange. Quand on apprend que le temps passé en réunion représente environ cinq semaines par an, soit autant que les vacances, cela fait réfléchir.

Alors, faut-il supprimer les réunions ? Les métamorphoser pour les rendre plus digestes ? On fait le point !

La réunion, ancrée dans le paysage professionnel français…

Seize années passées en réunion sur 40 ans de carrière. C’est le temps qu’un cadre passerait à échanger en réunion avec ses pairs. Et ce, pour mieux travailler avec les autres, puisque 98 % d’entre eux jugent qu’elles sont utiles au management.

En quoi la réunion est-elle efficace ?

  • Pour recueillir un besoin client et établir un plan d’attaque, surtout quand on travaille dans le conseil ou en agence puis, une fois le projet mené, pour discuter de vive voix des solutions proposées.
  • Pour établir une transparence au sein des équipes et un suivi régulier des tâches de chacun. Romane Leon, stagiaire Food & Beverages chez Big Mama, témoigne : « Les réunions sont utiles. Elles permettent de mettre en commun son avancée et de suivre celle des autres. Autrement, on manque parfois d’une vue globale sur les activités de l’équipe. »
  • Pour échanger des idées ou encore “brainstormer”. Pour Romane, « c’est le moment idéal pour partager ses idées avec ses collègues. On argumente pour les défendre, et les réflexions de l’équipe les font souvent évoluer en mieux ».
  • Pour prendre des décisions en équipe. 34 % des pros estiment qu’il n’y a rien de mieux qu’une réunion pour ce faire.

… et pourtant décriée : « Je t’aime, moi non plus »

75 % des cadres qui jugent que les réunions sont utiles déclarent également y perdre du temps, ce qui minimise d’autant l’utilité de ces rendez-vous. Analyse des reproches qui leur sont faits.

Que reproche-t-on au juste aux réunions ?

  • D’être trop longues. Selon Altassian, la durée parfaite d’une réunion serait 37,5 minutes, alors que celle des réunions françaises était en moyenne en 2018 d’une heure et neuf minutes.
  • D’être soporifiques. Parfois, les présentations sont si alambiquées qu’elles endorment tout l’auditoire… Là où une formation en présentations et en prise de parole en public aiderait.
  • De manquer de préparation. Selon 42 % des actifs, l’avant-réunion est bâclé. Pas d’ordre du jour, pas de partage des sujets en amont, et donc une désorganisation fatale.
  • D’impliquer souvent trop d’interlocuteurs. N’avez-vous jamais participé à une réunion où vous vous demandiez quelle était votre valeur ajoutée ?
  • D’être le théâtre des ego, au détriment des meilleures solutions. Le format des réunions se prêtant à la joute verbale, chacun peut essayer de prendre la parole et faire preuve de susceptibilité si ses idées ne sont pas retenues ou s’il n’est pas le centre de l’attention.
  • De ne pas amener à des actions concrètes.48 % des personnes interrogées par l’Ifop en 2018 estiment que les réunions ne sont pas appuyées par un compte-rendu. Passer une heure et trente minutes en réunion pour qu’il n’y ait ni suivi ni résultats directs ? Voilà qui est frustrant…

Alors, comment réussir ses réunions ?

Les réunions sont redoutables pour prendre des décisions en équipe. Alors, comment améliorer leur format ? Si l’on respecte certaines règles, elles gagnent réellement en efficacité. Voici quelques bonnes pratiques en la matière.

1 - Définir le format et le moment adéquats

Pour fonctionner, les réunions doivent être calibrées. C’est à ce prix qu’elles ne deviendront pas le huis clos interminable du vendredi soir, à 19 h, qui s’étire sur trois heures sans qu’on sache pourquoi.

Le mardi est plébiscité par 38 % des actifs comme le jour le plus productif, et 56 % des managers estiment que le moment adéquat se trouve entre 10 h et midi.

Il est également conseillé de ne pas fixer une réunion en milieu de matinée ou d’après-midi, pour se laisser des plages où l’on peut travailler sans interruption. Les meilleures plages horaires sont donc en début ou en fin de matinée ou d’après-midi.

2 - Bien les préparer en amont

22 % des actifs qui participent à des réunions ne savent même pas pourquoi ils sont là. Difficile alors de penser qu’ils les aient préparées. La méthode TOPP a fait ses preuves pour cadrer les réunions. Il s’agit de définir :

T : le thème, c’est-à-dire ce dont on va parler ;
O : l’objectif à atteindre, c’est-à-dire la problématique ;
P : les participants, tous utiles ;
P : et enfin le plan, constitué de tous les points à aborder pour répondre à la problématique.

Cette méthode permet de cadrer au mieux les réunions, afin de produire les résultats attendus.

Pour éviter les réunions improductives, de plus en plus de professionnels n’acceptent pas une réunion sans les conditions suivantes :

  • L’ordre du jour est clair et le résultat attendu est défini.
    Sheryl Sandberg, COO de Facebook, explique comment Mark Zuckerberg a structuré les réunions. « Mark exige que chacun en ait défini le plus clairement possible le but avant de s’asseoir : soit prendre une décision, soit plus en amont discuter d’un point précis. »
  • Ils comprennent parfaitement ce qu’ils pourront apporter à la réunion et considèrent donc que leur présence est utile.
  • On leur a transmis (ou ils ont créé) un document pour préparer les informations qu’ils donneront à leurs collaborateurs, qui a été partagé à l’équipe.
    « Mark demande aux participants d’envoyer leurs dossiers en avance, pour qu’on puisse utiliser le temps de réunion pour en discuter. » (Sheryl Sandberg)
  • La structure de la réunion est arrêtée, pour s’assurer que le temps ne débordera pas. (Exemple : 30 minutes top chrono, ou un stand-up meeting de 20 minutes…)
    « Pour qu’une réunion soit efficace, chacun doit l’avoir préparée. Il faut venir avec les problématiques bien en tête, une liste de ses avancées, une autre des actions encore à réaliser et une troisième réunissant les questions éventuelles », conclut Romane.

3 - Les structurer scrupuleusement

Le nombre de participants idéal se situe entre trois et six personnes, car au-delà on risque de compliquer les discussions ou d’inviter une personne qui n’est pas indispensable (et donc de lui faire perdre son temps).
Selon Jeff Bezos, CEO d’Amazon, le nombre d’invités devrait toujours être défini de sorte à ce que, si la réunion est prévue à l’heure du déjeuner, tous les participants puissent manger à leur faim avec deux pizzas. Ce qui, selon les estomacs, réduit considérablement le nombre de personnes…

Il est aussi important de définir l’organisation de la réunion, afin de maîtriser le temps de parole et de structurer les échanges.
« C’est bien de donner une à trois minutes de parole synthétique à chacun, puis d’échanger. Quand j’étais responsable des sponsors à la Course Croisière Edhec, nous avions des AG hebdomadaires pour faire le point sur les projets, et à la fin on échangeait librement sur différents sujets. Cela permettait de ne pas partir dans tous les sens, et aussi de “cadrer” les brainstormings », témoigne Romane Leon.

4 - Mettre en place un suivi de manière systématique

Enfin, pour garantir les résultats de la réunion, il faut établir un follow-up. Voici quelques étapes clés.

  • Faire un récapitulatif par e-mail. La personne peut inclure les participants, et en cc ceux n’étant pas présents à la réunion qui pourraient être intéressés, pour info. Cela permet de garder une trace, pour suivre le dossier de près, et d’apporter le même niveau d’informations à tous les membres de l’équipe.
  • Rappeler les prochaines étapes pour avancer dans le projet. Il est possible par exemple de créer un rétroplanning sur un outil collaboratif tel que Trello ou ClickUp.
  • Se placer une alerte dans son calendrier pour suivre le sujet quelques jours ou quelques semaines plus tard. Il est d’ailleurs utile de fixer ensemble la date butoir au-delà de laquelle le projet devra être finalisé, et peut-être même la prochaine réunion.

La réunion est morte, vive la réunion !

Malgré tous ces éléments qui permettent d’augmenter l’efficacité des réunions, selon un baromètre Ifop, 35 % des cadres estiment qu’elles sont inefficaces. C’est ce sentiment d’inutilité qui a conduit plusieurs entreprises, dont 360 Learning ou Alan, à les supprimer.

Ainsi, Jean-Charles Samuelian, CEO d’Alan, explique le gain de temps et de productivité : « Six personnes en réunion pendant une heure, c’est l’équivalent de six heures de travail. Six heures de travail, c’est presque la journée d’une personne. Ça en fait du temps investi pour un résultat si peu satisfaisant. »

Alan a donc supprimé les réunions, pour plusieurs raisons :

  • Elles étaient jugées improductives. « On était souvent déçus des résultats, on avait du mal à se rappeler ce qui s’était dit, c’était compliqué avec les personnes absentes, et celles à distance », se rappelle Jean-Charles.
  • Elles laissaient peu de place au “deep work”, c’est-à-dire aux périodes de travail dense et ininterrompu : « Impossible d’accomplir des choses complexes sur des minutes volées par-ci par-là. C’est pour ça qu’on cherche à tout prix à préserver des blocs d’heures, voire des demi-journées entières, libres de tous engagements. »
  • Il a été constaté que les décisions étaient mieux prises car aucune question d’ego ne les parasitait : « À l’écrit, la discussion est plus posée, mieux documentée, plus nuancée et argumentée, chacun intervient en prenant le temps qu’il souhaite. Exit le feeling, les questions d’ego, on prend du recul, on est plus factuel, on regarde la situation dans son ensemble, on prend de meilleures décisions. »

De plus en plus d’entreprises font le choix du zéro réunion. Alors, par quoi ces moments d’échange sont-ils remplacés ?

Comment supprimer durablement les réunions ?

Il est possible d’y parvenir en remplaçant ces échanges directs par du travail collaboratif en mode asynchrone.

Plusieurs outils sont adaptés. Ils permettent d’échanger en dehors de réunions, sans que la productivité ou la communication au sein de l’équipe ne s’en ressentent.

  • Les wikis ou bases documentaires permettent de maintenir un haut niveau d’informations au sein de l’équipe. La start-up éducative OpenClassrooms documente par exemple tous ses process et les informations de chaque département sur Notion. D’autres outils, tels Hackpad ou simplement Google Docs, permettent un usage similaire.
  • Les SaaS de gestion de projet collaborative permettent de suivre un projet en équipe, de partager ses objectifs ou encore d’assigner une tâche à un collègue. On peut citer Airtable, Trello, G Suite, Asana, Basecamp, Teamweek, ClickUp
  • Les logiciels de discussion permettent de se parler par écrit ou de façon asynchrone. Slack, Twist ou Workplace sont parmi les logiciels de discussion les plus connus. Ils permettent d’aller plus loin que les e-mails, de discuter de manière plus instantanée et agile.
  • Enfin, d’autres techniques permettent d’échanger des idées au fil des jours. Chez OpenClassrooms, par exemple, un tableau blanc est installé dans les bureaux avec une problématique à laquelle les collaborateurs peuvent imaginer des solutions.

Alors, pour ou contre ?

L’adoption ou non de réunions dépend donc du secteur, du métier et de la culture d’entreprise. Si un commercial ou un professionnel en agence ou dans le conseil peut difficilement se passer de réunions avec ses clients, les développeurs d’une entreprise comme Alan échangent tout aussi bien via des outils collaboratifs, et voient même leur qualité de vie au travail et leur rythme de production s’accroître.

Quoi qu’il en soit, de nouvelles formes de réunions ne cessent de fleurir. Des entreprises qui travaillent en full remote, telles que Buffer ou Zapier, ont mis en place des réunions via Zoom ou Appear.in, ou même sous forme de séminaires mensuels. D’autres entreprises, comme OpenClassrooms, ont adopté le stand-up meeting, pour rendre les réunions plus toniques et efficaces. Dans un style plus créatif, Plum Organics permet à tous ses employés de dessiner pendant les réunions, car il est scientifiquement prouvé que cela favorise l’écoute active et la créativité.

En matière de réunion, il n’existe donc pas de règle : à chaque organisation de placer le curseur où ses équipes se sentent épanouies et productives.

Pour aller plus loin

Les entreprises qui améliorent la productivité en réunion :

  • Standuply, le SaaS qui automatise les réunions mieux qu’un scrum master
  • Klaxoon, un SaaS tout-en-un pour toutes les modalités de réunion.
  • Sherpany, un logiciel de gestion de réunion rapide et sécurisé.

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Illustration by Antonio Uve pour WTTJ

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