« J’y vais ou j'y vais pas » : comment lever ses doutes sur une offre d'emploi ?

06. 5. 2024

5 min.

« J’y vais ou j'y vais pas » : comment lever ses doutes sur une offre d'emploi ?
autor
Pauline Allione

Journaliste independante.

přispěvatelé

C’est un poste bien payé mais plus loin de chez soi, un autre avec de super collègues mais des missions répétitives, un job offert sur un plateau mais avec une grande amplitude horaire… Une proposition d’emploi peut parfois s’accompagner de son lot de questions, de doutes, de comparaisons. Puisque s’engager professionnellement revient à emprunter un chemin et pas un autre, comment être sûr de faire un choix qui soit en accord avec nos aspirations ?

Quand sa demande de mutation à Paris est acceptée, Marine se sent redevable envers son entreprise. Alors lorsqu’un concurrent la démarche, cette commerciale conçoit difficilement de se prêter au jeu. « J’ai répondu “merci, mais non merci”. Je n’étais pas dans l’optique de changer de taff, j’étais mutée depuis quelques mois seulement… Je devais aussi renvoyer l’ascenseur à mon entreprise », plaide-t-elle. Mais les doutes l’assaillent et, après une discussion avec une amie, elle s’autorise finalement à envisager cette proposition : « J’avais besoin de renouveau, mais il y avait des zones d’insécurité, des avantages et des désavantages des deux côtés, ça n’a pas été simple de trancher. J’ai pris le temps de me renseigner. Surtout, j’ai réalisé que le monde du travail n’est pas celui des Bisounours et que j’ai le droit de penser à moi. » Lorsque plusieurs options s’offrent à nous, comment être sûr de prendre une décision qui soit en adéquation avec nos vraies envies ? À l’image de Marine qui, un an après avoir changé de boîte, est certaine du bilan : « Je ne regrette rien ! »

Je doute, donc je suis ?

Faire un choix implique parfois un véritable casse-tête mental puisque plusieurs critères coexistent, voire s’affrontent. Il y a le salaire, la distance géographique, les modalités de travail, la créativité requise, les collègues… Avant tout ça, c’est surtout les options dont on dispose ou pas qui vont impacter nos attentes. « La facilité à avoir des options conditionne énormément notre approche. Le fait de chercher un job depuis six mois ou, au contraire, de recevoir quinze offres une heure après avoir posté son CV joue un rôle énorme dans la prise de décision », rappelle Albert Moukheiber, docteur en neurosciences et psychologue clinicien. Lorsque l’on a le choix, ce sont ensuite les critères que l’on juge prioritaires qui façonnent nos attentes : « Nos besoins principaux, nos expériences passées et des critères objectifs vont venir colorer nos attentes personnelles », poursuit-il. Mais différencier ses propres aspirations des attentes qui pèsent sur nous, voire du désir d’un employeur, n’est pas toujours une mince affaire.

En recherche d’emploi depuis quelques semaines, Marion a été confrontée à un dilemme. Un peu par hasard, un ancien employeur l’a recontacte avec une proposition alléchante : un poste dans un journal local, en CDI de 35 heures et cerise sur le gâteau : bien payé. Pour cette journaliste reconvertie dans la restauration, retourner bosser en rédaction devient soudainement une option : « Je n’étais pas passionnée par le boulot décrit, mais c’était un poste avec de vraies responsabilités. » Mais après quelques jours de réflexion, Marion réalise que ce job, qu’elle est s’apprêtait à accepter, n’est pas entièrement aligné avec ses attentes : « Ça m’a fait du bien à l’égo qu’on m’appelle et qu’on ait besoin de moi, mais j’étais attirée par le salaire et non par le job en lui-même. »

« Nos actions sont logiques, mais elles sont tenues par un tas de systèmes : nos valeurs, nos émotions, notre entourage, le contexte extérieur… On agit en faisant la somme de ce qui nous entoure, et c’est souvent un motif d’action qui motive nos décisions », analyse Marie Robert, philosophe et autrice. Une personne qui manque de confiance en elle peut s’engager dans un poste parce qu’on s’intéresse à elle, une autre parce que ses proches lui ont dit que c’est une super opportunité, ou une autre encore pour bénéficier du prestige d’une grande entreprise… « C’est le “Ose penser par toi-même” de Kant, ce qui est autre chose qu’une formule toute faite imprimée sur un t-shirt. Dans cette phrase, il y a une petite claque, parce qu’on se rend souvent compte que nos motifs d’action ne sont pas toujours à notre service », poursuit la philosophe. On peut ainsi prendre un job parce qu’il nous apporte le prestige recherché ou parce qu’on nous aura encouragé à saisir une opportunité supposément incroyable… sans que cela nous convienne réellement.

5 astuces pour remiser les doutes au tapis

1. Soyez à l’écoute de vos émotions

« Un choix s’accompagne toujours d’émotions, on peut avoir des regrets en se disant qu’on aurait dû faire autre chose, ou être très excité et avoir hâte de commencer », explique Albert Moukheiber. La sphère professionnelle, sous-tendue par des logiques de rentabilité et de rationalité, n’exclut pas pour autant les émotions. Pour Marie Robert, elles sont d’ailleurs un puissant indicateur à prendre en compte : « Spinoza nous dit “Une bonne décision, c’est une décision qui apporte de la joie.” C’est une proposition intéressante ! La joie n’est pas la seule chose à prendre en compte, mais elle peut faire office de boussole. Les émotions sont souvent oubliées dans le domaine professionnel, mais il s’agit d’être capable d’être à l’écoute des émotions suscitées par une offre. »

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2. Observez vos valeurs

Puisque les émotions ne sont pas l’unique critère de décision, identifier les valeurs auxquelles on accorde de l’importance s’avère également nécessaire. « On peut essayer d’identifier les valeurs qui sont cohérentes pour nous avec sincérité, et idéalement dans son coin », précise Marie Robert. Selon la philosophe, la solitude peut être un ingrédient important pour être sûr de se reconnecter à ses propres valeurs et non à celles de ses parents, de son conjoint ou de ses amis… Ce moment d’introspection peut être pris à plusieurs reprises dans la vie, puisque les valeurs peuvent changer avec les années : on peut désirer un job avec une faible rémunération mais une grande liberté, puis rechercher un meilleur salaire et s’accommoder d’un environnement de travail plus cadré, ou inversement.

3. Analysez vos expériences passées

Vos expériences passées sont toujours utiles, au moment de faire le point sur vos envies. Celles-ci peuvent d’ailleurs revêtir un sens nouveau rétrospectivement, après plusieurs années et une dose de recul. « Parfois, la cohérence s’articule entre les différentes expériences vécues et la manière dont elles nous ont impactées. Dès lors, il peut être possible de trouver des points de correspondance avec cette nouvelle possibilité que l’on envisage », pose Marie Robert.

4. Informez-vous

De façon plus concrète et pragmatique, il existe plusieurs moyens de nourrir votre pensée vers un choix éclairé. Contacter des personnes déjà en poste dans l’entreprise que vous envisagez, par exemple, en est un. Lorsqu’elle hésitait à répondre positivement à la start-up qui lui faisait de l’oeil, Marine a contacté certains de ses salariés : « J’ai appelé plusieurs personnes qui exerçaient le même poste que celui qu’on me proposait et j’ai pris un long moment avec chacune pour leur poser des questions et être certaine de prendre la bonne décision. Je ne voulais pas me jeter dans l’inconnu. »

5. Prenez le temps d’essayer

Reste aussi l’option de la période d’essai qui, comme le rappelle Albert Moukheiber, est trop souvent déconsidérée : « La période d’essai est vraiment le gold standard que personne n’utilise, parce qu’elle reste perçue comme un moyen pour l’employeur de se séparer de l’employé. Mais elle est aussi là pour l’employé qui peut décider après quelques semaines que le travail ne lui plaît pas. Il ne faut pas avoir peur d’essayer et prendre son temps. » Dans son processus de réflexion, Marine a également eu l’opportunité d’une journée d’immersion afin de se figurer plus précisément ce qui l’attendait si elle quittait sa boîte. « En plus des différents entretiens, j’ai passé une matinée dans les locaux, j’ai rencontré les services, chacun m’a présenté ses missions… Quand bien même je ne savais pas ce que je perdais, j’ai compris que j’avais besoin de plus de mouvement, d’apprendre de nouvelles choses, d’être plus stimulée intellectuellement », retrace la commerciale.

Prendre une décision en accord avec nos envies et nos idéaux, libérée du désir des autres et des injonctions extérieures n’est pas simple, quand bien même ces derniers ne sont pas nécessairement incompatibles avec nos désirs intimes. Un temps d’introspection et un autre, plus concret, d’investigation, peuvent aider à rendre fertile cette réflexion et à rester aligné avec soi-même. Sans oublier qu’en finalité, c’est surtout l’expérience et le temps qui permettront de confirmer – ou pas – la pertinence d’un choix.

Article rédigé par Pauline Allione et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

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