Comment briller auprès de son N+2 (sans court-circuiter son N+1) ?

24. 6. 2020

7 min.

Comment briller auprès de son N+2 (sans court-circuiter son N+1) ?
autor
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

« Lorsque tu seras transporté par les airs, surtout ne t’avise pas de prendre trop d’altitude, la chaleur du Soleil risquerait de te brûler les ailes », recommandait Dédale à son fils Icare. La suite de cette mythologie, vous la connaissez. Porté par le vent, Icare s’est laissé enivrer jusqu’à s’approcher trop près de l’astre solaire et se brûler les ailes… Et se brûler les ailes en s’attirant les foudres de son n+1, voilà ce qui risque de vous arriver si vous tentez de trop briller auprès de votre n+2 ! Tour d’horizon de nos recommandations pour rayonner naturellement, sans risquer de vous faire cramer.

Briller ou être brillant ?

« Pourquoi briller ? », nous interroge Marie-Laure Deschamp, coach en développement personnel et professionnel. « Est-ce pour bien se faire voir ? Ou pour déboulonner son n+1 et prendre sa place ? Que cherchez-vous au juste ? Êtes-vous animé par l’ambition ? Est-ce la pression familiale ou sociale qui vous pousse à vous élever vite à l’échelon du dessus ? Ou avez-vous un besoin de reconnaissance ? » Avant de chercher à briller au sommet, réalisez un exercice d’introspection pour comprendre quelles sont vos motivations réelles.

Nos motivations peuvent en effet être fondées sur un besoin de reconnaissance. Selon la coach, nous éprouvons tous ce besoin. Et c’est notamment le rôle de notre manager de le satisfaire. « Si mon n+1 me valorise, s’il reconnaît de manière authentique et sincère la qualité de mon travail, bref s’il joue le jeu, j’ai moins besoin d’aller chercher de la reconnaissance à l’étage du dessus, explique-t-elle. C’est grâce à mon manager direct, qui me valorise auprès de son manager que je serai félicité. Donc, si votre n+1 est à sa place et fait son job, vous ne devriez pas avoir besoin de chercher à briller au-delà. À l’inverse, s’il ne le fait pas, on comprendra plus facilement que vous cherchiez à attirer l’attention de votre supérieur », conclut-elle. Alors si vos motivations sont légitimes et qu’elles résultent d’une carence de reconnaissance de votre n+1, il est normal que vous cherchiez à l’obtenir de votre n+2. À noter tout de même que la reconnaissance, comme le souligne Marie-Laure, est un sujet bien plus vaste qui ne peut être uniquement comblé par la voie managériale…

La bonne attitude : soyez rayonnant

Être dans les petits papiers du big boss, c’est tentant. Mais pour éviter de froisser votre manager direct, soyez naturellement brillant.

Prenez la température.

« Chaque entreprise a ses codes, explique Marie-Laure. Son cadre va déterminer votre champ d’action » Voyez si votre n+2 est accessible ou s’il pratique la politique de la porte fermée. « Essayez de comprendre comment fonctionnent votre n+1 et votre n+2, ajoute la coach. Mais regardez aussi comment ils interagissent entre eux. Le premier est-il stressé lorsqu’il va voir le second ? Ou au contraire détendu ? Et en réunion, comment s’adresse-t-on à lui ? Dans la boîte, quelles sont ses relations avec les autres ? » Ces renseignements vous seront précieux pour adopter la bonne attitude. Tout est une question de mesure !

Créez le contact.

« Si au cours de votre phase d’observation, vous avez constaté que votre n+2 était facile d’accès et empathique, remarque Marie-Laure, tentez une approche ! Voyez si vous avez une passion ou un contact en commun, abordez les éléments identiques de votre parcours. Vous pouvez également lui parler d’un dossier sur lequel vous avez travaillé. Dites-lui que c’est un plaisir de travailler dans cette boîte ou avec lui, et que vous partagez ses valeurs » Une astuce, si vous n’avez pas de raison de frapper à la porte de son bureau et qu’il est difficile d’entrer en contact avec votre n+2, essayez de temps à autre d’arriver ou de partir en même temps que lui. C’est une bonne occasion de se croiser et entamer la conversation.

Lancez des initiatives.

« Soyez proactif, conseille Marie-Laure. Soyez à l’écoute des besoins de l’entreprise et des attentes de votre n+2. Par exemple, s’il évoque un projet resté en suspend faute de personne pour le traiter, vous pouvez proposer à votre n+1 de vous en charger en partageant avec lui le cadre du fonctionnement direct avec votre n+2. Menez-le à bien et vous serez remarqué. Autrement dit, prenez des initiatives ! »

L’esprit d’initiative, Paul, Directeur régional dans l’agroalimentaire, le cultive. Lorsqu’un client met en standby sa commande par manque de place dans son entrepôt pour stocker de nouveaux produits, Paul ne se laisse pas démonter. Ni une ni deux, il demande à rencontrer l’équipe logistique. « Je suis arrivé le matin avec des café latte et des croissants pour toute l’équipe. Sous prétexte de les rencontrer autour d’un petit déjeuner, j’ai eu l’opportunité de visiter l’entrepôt. C’est comme cela que je me suis aperçu qu’il y avait un espace pour nos produits. J’ai donc pris une photo de la situation que j’ai envoyée à la direction. Et hop, le client a signé. Mon n+2 a particulièrement apprécié. »

Intégrez votre n+1.

« Si votre n+2 vous sollicite pour un projet ou que vous souhaitez proposer une initiative, ne by passez pas votre n+1, incite Marie-Laure. Clarifiez avec ce dernier le cadre de votre intervention pour ne pas marcher sur ses plates-bandes. Efforcez-vous de l’informer régulièrement et de lui demander son avis sur certains points pour qu’il se sente intégré. Vous pouvez par exemple le mettre en copie de tous les mails adressés à votre n+2 et l’informer régulièrement de l’avancée de votre projet. »

Cassez les codes

Il peut toutefois arriver que le courant ne passe pas avec votre n+1 ou qu’il ait tendance à vous mettre des bâtons dans les roues. « Après tout, vous êtes là pour accomplir votre travail. Alors si vous avez besoin de parler avec votre n+2 pour avancer, faites-le ! » Au pire, le courant ne passera pas plus, au mieux, ce sera peut-être l’occasion de faire le point et d’expliquer pourquoi vous avez dû le by passer.

Une situation désagréable dont se souvient Paul. « Mon n+2 m’a sollicité pour organiser un séminaire d’équipe, évoque-t-il. J’ai pensé que l’on pouvait se réunir à la montagne et ponctuer la randonnée de temps de travail. Chaque stop correspondait à un thème précis et la randonnée illustrait l’image de l’ascension dans l’entreprise. Ça s’annonçait comme un super moment de cohésion ! Mais, ma n+1 n’était pas partante, elle trouvait cela dangereux et trop compliqué. J’ai insisté auprès de mon n+2 et on l’a fait ! L’équipe est revenue enthousiasmée et mon n+2 aussi. » Une initiative couronnée de succès et qui, d’ailleurs, laissa sans voix sa n+1…

Laissez vos soft skills rayonner pour vous

Le meilleur moyen de se faire remarquer, c’est de rayonner naturellement. « Il y a des personnes solaires, toujours souriantes et motivées, proactives, persévérantes, dégourdies et positives, relève Marie-Laure. Voilà un bon moyen de briller naturellement sans même avoir besoin de se mettre en avant. Aujourd’hui, les compétences ne suffisent plus ; les entreprises sont de plus en plus sensibles aux soft skills. » Alors mettez en lumière vos talents cachés, et révélez-vous au grand jour.

Paul est un garçon plein d’humour. Certes, le bureau, n’est pas le lieu pour faire le pitre. Mais il sait se montrer créatif lorsque cela peut être utile. « Après le déconfinement, raconte-t-il, il a fallu se rendre dans une centrale d’achat pour présenter deux nouveau café latte. La contrainte était de se rendre au rendez-vous ‘’masqué’’. J’ai pris la consigne au mot et je me suis présenté à mon rendez-vous avec un masque de Georges Clooney pour la dégustation de café. Ça a eu son petit succès ! », s’amuse-t-il. Avant de partir, il prend un selfie avec ses clients enchantés et l’envoie à son n+2. L’histoire ne dit pas si c’est l’effet George Clooney, mais ce dernier a adoré.

Fayot, attention à l’excès de zèle

Attention ! A trop rayer le parquet, vous pourriez vous casser les dents. Briller, c’est aussi s’exposer, prendre la lumière et attirer l’attention. Le risque ? Vous griller auprès de votre n+1 ! Et parfois même, vous cramer auprès de votre n+2. Voici les mises en garde de Marie-Laure contre l’excès de zèle…

Ne tirez pas sur votre N+1 !

Tirer à boulets rouges sur votre n+1 pour vous valoriser, ce n’est assurément pas une bonne idée. « Ce qu’il faut comprendre, constate la coach, c’est qu’entre managers on se serre les coudes. Manager, c’est un poste difficile. On le voit comme le Saint Graal, mais il s’accompagne de beaucoup de travail et de soucis. Comme le n+1, le n+2 a pour rôle de défendre son équipe. Il n’appréciera donc probablement pas que de manière maladroite vous critiquiez votre n+1 ou que vous dévalorisiez son travail. Le risque ? Il pourrait vous voir comme une menace et défendre son n-1… », conclut-elle.

Ne zappez pas votre N+1.

« Ce qu’il ne faut surtout pas faire, prévient Marie-Laure, c’est aller voir son n+2 pour lui proposer un projet, sans en avoir préalablement parlé à son n+1. En effet, votre n+2 en parlera tôt ou tard à votre n+1 et cela risque de ne pas passer, et peut-être même l’envisagera-t-il comme une trahison. » Alors méfiez-vous !

Oubliez le présentéisme.

« En France, nous avons une forte culture du présentéisme, déplore Marie-Laure. Rester super tard pour montrer au n+2 que l’on travaille plus que les autres peut-être un moyen de se faire bien voir. Mais, cela peut aussi vous desservir. D’abord, le n+2 pourrait l’utiliser contre vous et en profiter en vous donnant toujours plus de travail. Enfin, il pourrait aussi se demander pourquoi vous restez si tard et penser que vous êtes désorganisé ou très lent. Bref, sachez que vous mettre autant la pression ainsi que tenir ce rythme sur le long terme pourraient bien finir par vous épuiser. »

Évitez de faire le baveux !

« N’en faites pas trop, recommande Marie-Laure. Évitez les mails obséquieux ou l’excès d’intérêt envers votre n+2. Sachez que le comportement poisseux est très vite démasqué ! Non seulement vous risqueriez de ne pas obtenir ce que vous voulez, mais surtout vous pourriez être rapidement cerné par vos collègues et cela se retournera tôt ou tard contre vous. Si vous avez confiance en vous, nul besoin de ‘’faire de la lèche’’ pour y arriver. » Et si vous en manquez, misez sur vos talents, vous en avez très certainement. Briller, c’est mettre en valeurs ses atouts !

N’accaparez pas l’attention.

Vous avez certainement déjà croisé ce collègue dont on sait qu’il est là au bruit qu’il fait sur son passage. Vous le reconnaissez à son rire exagéré, son coup de téléphone bruyant et à sa manière de s’exprimer devant le boss. « C’est le collaborateur profile castor, s’amuse Marie-Laure, celui dont les dents rayent le parquet. Il est prêt à tout pour attirer l’attention. Et, en réunion, il accapare la parole. » Souvent on a l’impression que si on ne parle pas, on ne sert à rien. « Mais celui qui parle pour ne rien dire, juste pour attirer l’attention, agace tout le monde, insiste la coach. Cela n’a aucun intérêt. Au contraire, il faut écouter avec attention et limiter son intervention à une réflexion pertinente. Pour être pris au sérieux, il faut apporter de la matière. Sans quoi, mieux vaut se taire. »

Alors, vous voulez toujours briller et vous faire remarquer dans les hautes sphères ? Dans ce cas, rayonnez ! Misez sur vos talents et vos soft skills. Non pas en vous mettant en avant, mais plutôt en jouant en équipe et en la valorisant. Visez haut, mais visez juste. Car à trop vouloir vous pousser du col, vous pourriez finir par perdre pied…

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Photo d’illustration by WTTJ

Preberané témy