Revenir en entreprise après de longs mois de chômage partiel, ils racontent

27. 8. 2021

7 min.

Revenir en entreprise après de longs mois de chômage partiel, ils racontent

Si certains se sont reposés quelques semaines au soleil avant de retrouver le chemin du bureau, d’autres vont devoir retrouver leurs marques après avoir passé plusieurs mois… en chômage partiel ! Un changement brutal dans leur vie qui a de quoi bouleverser. Mais comment se remettre au travail après des mois d’arrêt ou de service minimum ? Comment se préparer au retour à temps plein ? Questionnements existentiels, peurs, surprises, les salariés touchés par cette disposition exceptionnelle racontent leur parcours.

Le rythme dans la peau

Après six ou huit mois de pause, la première difficulté consiste à retrouver le bon rythme : fini la semi-liberté, le travail se glisse de nouveau dans tous les interstices de votre emploi du temps. Comment réorganiser ses priorités pour être sûr de tout faire passer en une seule journée ? Comment reprendre un vrai rythme ? Surtout qu’entre les coups de fil et les visios, plus le temps de souffler !

Avec la crise sanitaire, Maxime, consultant au sein d’un cabinet de conseil international, n’a pas travaillé durant six mois. Suite à la baisse d’activité de son entreprise au printemps 2020, il a eu la possibilité de prendre un long congé moyennant un maintien partiel de rémunération. Le consultant en a profité pour mener quelques projets personnels, voyager et s’engager dans un projet écologique rural. Pour préparer un peu son retour au bureau, il a suivi une formation à distance : « Cette formation a été l’occasion de me remettre tout doucement dans le bain. Je devais être chez moi, derrière mon ordinateur, lire mes mails et faire des exercices. »

Valentine, elle, n’a pas mis les pieds au bureau depuis plus d’un an. Sa boîte d’événementiel qui fournit des services aux restaurateurs, n’a réintégré que peu de salariés depuis l’été 2020. La jeune femme redoute la reprise : « J’ai l’impression que je ne sais plus travailler. Je me fatigue bien plus rapidement qu’avant. Je vois bien qu’en termes de capacité de concentration, de fatigue mentale, j’ai beaucoup perdu. »

« Ceux qui ont eu des projets personnels durant cette période de latence n’ont pas eu de mal à se remettre dans le rythme de travail », observe Clémence, responsable des ressources humaines dans une agence de création numérique. Au sein de sa structure, le retour au travail s’est plutôt bien passé, malgré les craintes exprimées. À condition de bien se préparer : réveil à heure fixe, travail intellectuel qui nécessite de la concentration, pour faciliter la reprise, il est donc conseillé de reprendre progressivement un rythme proche de celui qu’on avait avant le début de la crise sanitaire

Des entreprises qui ont évolué

Nouvelles missions, nouveaux services, nouveaux périmètres, face à la crise sanitaire, nombreuses sont les structures qui ont dû modifier leur business-model ou élargir un peu leur champ d’activité. Pas sûr qu’à leur retour, les personnes en chômage partiel retrouvent leur ancien poste et des missions qu’elles avaient l’habitude de mener. « J’ai été mis sur une mission assez difficile », nous confie Maxime. Face à la réduction des demandes d’accompagnement, l’entreprise de conseil dans laquelle il travaille, a diversifié un peu ses services et accepté des missions qui n’étaient pas dans son périmètre avant la crise. « C’était un challenge, car on n’avait pas les bons profils en interne et au final, ça m’a rapidement remis dans le bain », analyse le consultant.

Quant à Valentine, dès que son retour sera possible, elle occupera à coup sûr d’autres fonctions… L’entreprise a carrément changé de business ! « Avec les restrictions, il nous fallait rebondir rapidement. La boîte a su pivoter au bon moment, ils n’avaient pas trop le choix. À mon retour, je ne sais pas vraiment ce qui m’attend », admet la jeune femme qui oscille entre hâte et appréhension. Pour anticiper au mieux le retour du chômage partiel, les entreprises ont donc tout intérêt à organiser des réunions d’information ouvertes à tous, surtout si les fonctions en interne ont évolué.

Renouer avec ses collègues

Avec la reprise, les salariés renouent aussi avec leur vie sociale professionnelle. Si malgré la distance et le chômage partiel, certaines équipes sont restées liées, d’autres peuvent avoir besoin de temps pour se réapprivoiser. Pour Clémence, recréer une bonne ambiance de travail collectif, a été son principal défi en tant que responsable des ressources humaines : « On avait surtout peur sur le plan humain. Nous avons fait en sorte que les salariés puissent revenir physiquement au bureau, même quelques jours par semaine… Les équipes avaient un peu perdu l’habitude de travailler ensemble, il fallait se réhabituer aux bruits de l’open space, aux distractions et retrouver l’habitude du collectif. »

« Quand on t’annonce que tu es mise en chômage partiel, tu ne veux pas couper le cordon par peur d’être larguée », observe Valentine qui a espéré au début rester un peu dans la boucle et être tenue informée des changements importants de l’entreprise. La jeune femme se verra cependant obligée de décrocher et ne suivra que de loin la mutation de la structure. « On nous a demandé de nous mettre en retrait. Légalement, on n’avait pas le droit de participer aux réunions, de se connecter au back office et de suivre ce qu’il se passait. » Difficile donc de savoir ce qui nous attend au retour.

Le deuil du temps libre

« Mais, tu fais quoi depuis un an ? » Cette question, tous ceux qui vivent un chômage partiel long ne la supportent plus. « Figurez-vous que le temps passe assez vite ! » Si certains, comme Maxime, se sont lancés dans divers projets personnels, d’autres ont moins bougé. « Pendant la moitié de cette année, j’ai cru que j’allais reprendre dans un ou deux mois, ce qui n’offrait pas suffisamment de visibilité pour me lancer dans un projet de formation ! », constate Valentine qui a trouvé très difficile de vivre tout ce temps sans échéance fixe.

« Le négatif de la reprise, c’est que tout à coup, tu as beaucoup moins de temps pour faire des choses que tu apprécies, pour te former sur les sujets que tu aimes bien, pour penser à ton avenir professionnel », constate Maxime. Que le salarié en chômage partiel ait été très actif ou plus posé, la reprise peut leur donner la sensation d’être dépossédé de son temps libre, un temps auquel certains comme le jeune homme avaient pris goût.

Dans quelques cas, ces deux dernières années ont servi à l’expérimentation et aux découvertes : cuisine, rangements, sport, jardinage, tri de photos, engagement associatif, nouveaux loisirs… Ces activités qui ont pris une place importante de leur vie, se retrouvent de nouveau reléguées au second plan. Le consultant ne cache pas que la période d’ajustement n’a pas été évidente : « Pour rester dans la continuité de mes projets, j’ai essayé de faire au travail des choses qui m’intéressaient plus, comme des projets en interne, sur des sujets transverses. Je suis monté sur des projets sustainability, pour m’engager au sein de mon entreprise. » Ainsi, faire le point sur ce que l’on aimerait garder de cette période de chômage partiel peut nous aider à ne pas perdre de vue ce qui est peut-être devenu une priorité pour nous.

Des moments introspections qui marquent

Qu’on le veuille ou non, la pandémie a fait émerger de nombreuses questions sur le sens de ce que nous vivions. Ceux qui ont connu le chômage partiel ont eu plus de temps que d’autres pour réfléchir au travail et à sa place dans leur vie. Entre démotivation, ras-le-bol, nouvelles aspirations, la pandémie et ses conséquences ne nous laissent pas indemnes ! Si Maxime a un temps envisagé un changement de vie, il est revenu dans son entreprise avec l’idée de s’investir davantage dans les projets de lutte contre le changement climatique au sein de la structure : « Bien sûr, cette pause m’a permis de me poser énormément de questions sur mon avenir professionnel, sur la planète, de prendre du recul sur les failles dans un système dont on fait partie. » Une prise de conscience écologique qui pourrait bien donner une orientation nouvelle pour la suite de son parcours !

Valentine a également pris du recul : « J’ai notamment anticipé l’idée que mon travail ne me convient plus… Je vois bien que je ne vais peut-être pas faire ce métier toute ma vie, j’ai pris le temps d’y penser. J’ai l’intention de me donner du temps pour continuer à réfléchir à un projet qui me conviendrait mieux. » Aussi difficile soit-elle, la reprise ne doit pas enterrer à tout jamais ces questionnements…

Reprendre confiance en ses capacités

Vais-je être au niveau à mon retour ?” ; “Mes neurones ne seraient-ils pas un peu engourdis ?” ; “Imagine que je sois à la masse sur les projets en cours”; “Et si je me fatiguais vite et ne tenait pas la cadence ?” Pour certains, l’épreuve du chômage partiel a ébranlé la confiance en soi, à l’instar de Valentine. Mais peut-on vraiment perdre la main ? Si certains ont été déstabilisés de ne pas être considérés comme des éléments “essentiels” pour leur entreprise, d’autres se sont mis à douter de leurs compétences, faute de pouvoir les stimuler.

La confiance en soi se construit dans l’action : nous avons besoin d’éléments concrets pour évaluer notre niveau ! Après avoir bien levé le pied, il n’est pas anormal d’appréhender la reprise, comme le remarque Clémence : « C’est un peu comme quand une personne rentre de congé maternité, de congé parental, cela fait quelques mois qu’on n’a pas eu de rythme de travail à proprement parler, on peut avoir un peu perdu le fil et avoir perdu confiance. » Il faut se laisser le temps de se réhabituer après des mois d’arrêt complet ! La responsable RH se veut toutefois rassurante. Dans son entreprise, le retour à plein temps s’est passé sans accroc : « Honnêtement, on a vu des effets psychologiques du confinement, du chômage partiel, mais cela n’a pas attaqué les compétences. En réalité, ces derniers mois, on a surtout vu des gens tristes, des gens qui nous ont supplié de bosser… »

Anticipation et bonne communication entre équipes et salariés de retour de chômage partiel pourraient bien être le secret d’une reprise en douceur. Cette crise sanitaire nous a tous un peu transformés, mais elle a aussi changé nos entreprises… Le retour à plein temps peut, par bien des égards, ressembler à un changement de poste ou à une reprise après un congé de longue durée. Et à la veille de ce nouveau départ, il peut être bon de faire le point sur nos priorités et nos attentes pour la suite… Alors, prêt.e à reprendre à 100 % ?

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Preberané témy