Transparence et marque employeur… le mariage impossible ?

08. 7. 2019 - aktualizované 01. 2. 2023

5 min.

Transparence et marque employeur… le mariage impossible ?
autor
Solenne Faure

Rédactrice

prispievatel

Construire et promouvoir votre marque employeur avec transparence peut sembler contradictoire. Et pourtant, parler de vos points forts sans dissimuler vos points faibles est un pari gagnant pour votre stratégie RH.

La marque employeur – vous savez, cette image RH que vous soignez afin d’attirer et retenir les meilleurs talents – est devenue un atout incontournable dans la stratégie RH des organisations. En tant qu’entreprise, on aurait donc envie de l’embellir au maximum pour qu’elle soit parfaite, en dépassant parfois les limites du raisonnable. Et si le secret c’était qu’elle ne le soit pas, justement ? D’assumer ses aspérités ? De parler de ses points forts sans cacher ses points faibles ? Oui mais, transparence et marque employeur sont-elles toujours compatibles ? Faut-il tout dire pour séduire, et si oui, comment ? Décryptage.

La transparence… les transparences ?

La notion de transparence est riche et renvoie à différents leviers en ce qui concerne la marque employeur. Elle peut être partout en entreprise : dans le management, dans les process de recrutement, dans les méthodes de travail, dans la communication extérieure sur les résultats, dans la progression des salariés, dans le partage des enjeux et des difficultés… Selon Bénédicte Tilloy, experte du Lab et DRH, derrière la marque employeur, « il y a l’idée que les gens qui viendraient travailler en entreprise seraient les consommateurs de ce que la société pourrait proposer comme environnement de travail, formation ou encore de l’intégration au quotidien ». Mais est-ce que ces « consommateurs » savent ce qui se cache derrière le mot transparence ?

Toutes les formes de transparence poursuivent un même objectif : installer un climat de confiance, où les frontières sont claires pour chacun, où la communication peut in fine se faire facilement. Confiance puisque les propos mais aussi les actes ne seront pas remis en question, face à une structure qui n’a, en théorie, rien à cacher. L’idée semble donc louable à première vue : créer une atmosphère propice à une parole libérée, où chaque collaborateur peut se sentir libre de prendre la parole, de communiquer, de s’opposer. Bref, d’imaginer et de bien travailler !

Faire le choix de la transparence demande du courage

La transparence est un acte « courageux » qui implique d’aller à la confrontation, de voir les choses en face. Ne pas vivre dans sa tour d’ivoire, pensant que tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Mais au contraire, oser aller demander, comprendre et s’améliorer. En laissant apparaître les coulisses de l’entreprise, la marque employeur redescend de son piédestal : elle se positionne au même niveau que ses salariés.

Alors certes, c’est une prise de risque. Aujourd’hui les entreprises sont évaluées sur les réseaux sociaux et différents sites de recrutement, la crainte d’avoir mauvaise presse est compréhensible. Mais c’est à elles d’assumer et de prendre en compte les remarques plutôt que de jouer la politique de l’autruche et de se mettre en marge des pratiques actuelles. C’est une occasion formidable de se démarquer et de créer du contact, avec des contenus moins lisses qui sonnent juste. « Faire témoigner les salariés et pas seulement les patrons a plus de valeur. Les gens ont tendance à s’identifier aux personnes qui sont dans l’entreprise. La marque employeur est souvent vécue comme le blabla du dirigeant et aujourd’hui cette parole est plutôt discréditée. On a plus confiance en quelqu’un qui a la même expérience que vous », explique Bénédicte Tilloy, notre experte du Lab.

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Transparent un jour, transparent toujours

La transparence peut être abordée en entreprise comme un excellent levier pour acquérir une solide réputation, où les paroles rejoignent les actes. Une opportunité pour creuser l’écart avec des concurrents moins rigoureux. Car les candidats et les employés se montrent de plus en plus exigeants : ils veulent retrouver concrètement ce qu’on a pu leur vendre en amont de leur embauche. Cependant, faites attention, la transparence est un travail de longue haleine. Celle-ci n’est en effet jamais acquise et demande donc des efforts en continu. Fermer ne serait-ce qu’une fois vos portes (au sens littéral comme au figuré) et les doutes reviendront de suite. Les crises managériales ou les mauvaises pratiques de recrutement peuvent en effet très vite ternir votre image et remettre complètement en cause votre idée de transparence.

« Faire le choix de la transparence, c’est faire en sorte que chacun soit au même niveau d’information. »

La transparence, c’est pour tous et par tous…

Vous l’aurez compris, faire le choix de la transparence, c’est faire en sorte que chacun soit au même niveau d’information. C’est aussi donner un pouvoir décisionnel plus important, dans une logique d’horizontalité des rapports. C’est en partant de ce constat que la société britannique Smarkets a défini sa politique salariale. Les augmentations sont validées ou non collectivement et le salaire n’est plus un sujet tabou, puisque tout est écrit noir sur blanc.

Au niveau du comité exécutif, le groupe Accor innove avec son shadow comex. Qui n’a pas déjà rêvé d’être une souris pour voir comment sont prises les décisions d’une grande société ? En créant un deuxième comex, constitué de jeunes, l’entreprise fait le pari de présenter son entreprise à cœur ouvert, pour faire face à des enjeux qu’elle ne se sent pas maîtriser.

Mais faut-il pour autant tout dire ?

Mettre ses salariés dans la confidence crée nécessairement de la proximité voire de l’engagement. Au fond, la question n’est pas tant de tout dire, mais plutôt de bien le dire, en trouvant son propre style. Un exemple ? Intuit a choisi de fêter les échecs en instaurant un nouveau rituel : « les fêtes de l’échec ». L’ambiance est décomplexante, l’idée étant de partager et de sans cesse s’améliorer. Chacun est invité à prendre la parole, sans volonté de tout maîtriser, pour pouvoir raconter à toute l’entreprise de belles histoires, qu’elles aient une fin heureuse ou pas. Notre experte du Lab Bénédicte Tilloy ajoute qu’il ne faut surtout pas travestir la vérité : « Pour changer la culture d’entreprise, il faut beaucoup d’énergie et ça demande du temps. Si on prend à contre-pied la vérité, on arrive aux effets inverses ».

La transparence… pour recruter ou fidéliser ?

Les deux ! La marque employeur a tout intérêt à montrer l’envers du décor et éviter les déceptions dans un processus de recrutement. Zappos est une entreprise innovante en la matière : elle offre une prime de 3000 dollars à tout nouveau salarié qui choisit de partir en fin de période d’essai. L’idée ? S’assurer de sa motivation réelle pour le poste et l’entreprise. La base de la transparence.

Mais c’est aussi intéressant pour fidéliser : une belle manière d’impliquer, de partager plus qu’une réunion annuelle où personne n’écoutera les chiffres. La transparence, levier largement utilisé pour la marque commerciale, est au centre des enjeux pour les employeurs. Tant pour leur communication corporate que pour le recrutement et la fidélisation des talents. C’est en revanche un concept exigeant : la faute est peu pardonnable et il s’agit d’être vigilant. Selon Bénédicte Tilloy, les employeurs sont d’ailleurs obligés d’être transparents vis-à-vis des talents et des collaborateurs : « Quand on est employeur, si on ignore ce que disent les collaborateurs et candidats de l’entreprise, ont court le risque d’être en décalage avec sa véritable image ».

Et contrairement à la confiance, ce n’est pas un capital qui se gagne. Pour autant, il semble indispensable de s’engager sur ce chemin. En adaptant certaines de ces initiatives à votre marque, vous serez à même d’enclencher un dialogue et de vous positionner durablement sur des sujets à forte valeur ajoutée… donc de débuter un cercle vertueux.
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Article mis à jour par Mathias Dugas Oliver et édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ.

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