Et si vous faisiez émerger des leaders au lieu de former des managers ?

14. 1. 2021

4 min.

Et si vous faisiez émerger des leaders au lieu de former des managers ?
autor
Laetitia VitaudLab expert

Future of work author and speaker

L’année 2020 — la crise sanitaire, le télétravail forcé et les difficultés économiques — ont éprouvé les managers comme jamais. Comment préserver la cohésion de l’équipe à distance ? Comment trouver sa place, en tant que manager, dans ce modèle d’organisation plus horizontal qu’impose le télétravail ? Comment sortir de cette culture de la surveillance et du présentéisme encore si courante dans nos organisations, et si délétère à distance ?

En somme, la question qui se pose, c’est celle du leadership. Or, c’est un changement de paradigme qui est aujourd’hui nécessaire pour passer du management au leadership. En effet, ces deux concepts renvoient à des principes, des valeurs et des formes d’organisation du travail très différents.

Dans notre livre 100 idées innovantes pour recruter des talents et les faire grandir (Vuibert, 2020), nous avons consacré un chapitre à ce changement de paradigme et ce qu’il implique. Nous le publions ici en accès libre.

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Le paradigme commandement/contrôle, consubstantiel à la production de masse, perd aujourd’hui de sa pertinence. On dit aussi que les managers sont une espèce en voie de disparition à une époque de transition, où l’on a plutôt besoin de leaders. La voie à prendre n’est pas clairement définie : le management reste indispensable pour veiller au bon déroulement des processus, mais les entreprises ont aussi besoin d’innover et de réussir leur passage du modèle de la production de masse, qui repose sur les processus, à celui du tout numérique. Par ailleurs, neuf salariés sur dix ne s’engagent pas suffisamment dans leur travail, selon Gallup, en grande partie à cause des managers. Pour se transformer, les entreprises ont besoin de leadership.

Seth Godin, le gourou du leadership, affirme que les salariés qui sont « managés » sont ceux dont le poste va être automatisé, tandis que ceux qui s’approprient leur travail n’ont pas besoin d’être managés. « Si je peux vous dire exactement quelle tâche vous devez accomplir aujourd’hui, je peux trouver quelqu’un de moins cher que vous pour la réaliser à votre place », explique Godin. « Ceux dont le poste implique d’attendre des instructions sont stressés à mort parce qu’ils savent qu’ils ne le conserveront pas indéfiniment. »

Les professionnels des RH ont longtemps eu pour tâche de former des managers, mais selon Godin, ce modèle est en train de devenir obsolète, car « notre futur repose sur l’aptitude à créer de nouveaux modes de développement des leaders ». Afin de « changer la façon dont les gens abordent les nouvelles idées », Godin a été à l’origine d’un programme en ligne intitulé The altMBA dédié au « développement du leadership pour le monde moderne du travail ». Dans le modèle qu’il propose, les enseignants sont remplacés par des coachs qui encouragent les participants à penser par eux-mêmes.

Voici les compétences que Godin juge essentielles aux leaders de demain :

  • Composer avec l’ambiguïté. Les leaders doivent prendre l’habitude de ne pas tout savoir et d’être capables d’utiliser leur intelligence émotionnelle pour voir au-delà des données.

  • Donner plus d’importance à la pensée critique. Les leaders devront opérer des choix difficiles et échoueront souvent. Pour générer les innovations indispensables, ils devront davantage recourir à la pensée critique.

  • Faire advenir le changement. Les leaders de demain devront développer de nouveaux modes de collaboration pour innover.

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Voici quelques-unes des différences qui séparent les leaders des managers :

  • Les managers opèrent sur la base de la transaction, tandis que les leaders s’appuient sur la transformation. Les subordonnés des managers font ce qu’on leur indique en échange d’un salaire : dans le sillage d’un leader, chacun est motivé par la perspective d’un bouleversement bénéfique (récompense intrinsèque).

  • Les managers copient, les leaders, eux, doivent être uniques afin d’inspirer l’action des autres. Les managers imitent souvent ce qu’ils ont appris des autres dans le but de répéter les processus observés ; ils ne peuvent pas véritablement être eux-mêmes. Les leaders doivent laisser apparaître leur vulnérabilité et œuvrer pour se doter d’une marque personnelle qui les différencie.

  • Les managers contrôlent le risque, tandis que les leaders prennent des risques. Les managers recherchent le confort, à la fois dans leur travail et dans leur vie personnelle; ils refusent le risque et préfèrent éviter le conflit. Les leaders, à l’inverse, recherchent le risque et poursuivent une vision. Nombre de leaders ont rencontré des obstacles dans leur existence et ont dû les surmonter.

  • Les managers se focalisent sur le travail, quand les leaders considèrent en priorité les personnes. On demande aux managers de veiller à l’accomplissement de tâches, dans le temps imparti et le respect des impératifs financiers; les leaders s’attachent principalement à bâtir des relations de loyauté qui incitent les autres à les suivre.

  • Les managers ont un état d’esprit fixe (fixed mindset), tandis que la mentalité des leaders est axée sur la mentalité de croissance (growth mindset). Les leaders sont constamment en quête de personnes et d’informations qui les aideront à croître. Leur curiosité alimente leur aptitude à innover. Les managers préfèrent s’en tenir à ce qui fonctionne et améliorer leurs compétences existantes.

Le leadership ne requiert pas une personnalité claironnante. Ni d’être extraverti ou doté de super-pouvoirs. En fait, la représentation du leader en héros a souvent conduit les entreprises à ignorer les femmes, alors que celles-ci peuvent être plus charismatiques que la figure du guerrier mâle fort en gueule.

Les personnes formées pour exécuter des tâches qu’on leur commande de faire ne sont pas celles qui vont piloter leur entreprise dans un monde changeant. Pour s’épanouir, le leadership a besoin d’un environnement qui offre à chacun la liberté de se développer sans contrainte et de formuler de nouvelles idées. Alors que le management requérait une formation spécifique, le leadership suppose de cultiver un environnement approprié qui permet aux individus de progresser.

Preberané témy