Géographie et opportunités : pourquoi le télétravail est une bonne nouvelle

15. 2. 2021

6 min.

Géographie et opportunités : pourquoi le télétravail est une bonne nouvelle
autor
David BlayLab expert

Journalist, consultant in teleworking, lecturer and podcast host.

Avec l’expansion du télétravail à l’échelle mondiale, accélérée par la situation sanitaire, et les nombreuses entreprises qui le mettent désormais en place de façon permanente au sein de leurs équipes, les questions se multiplient autour du développement de ce mode de travail. Parmi elles, des voix s’élèvent affirmant que la possibilité de travailler à distance engendrera une délocalisation massive des professions du secteur numérique, comme cela s’est déjà produit à l’époque de la production industrielle afin de réduire les coûts. Mais, dirigeons-nous vraiment vers un monde dans lequel les travailleurs de différentes régions entreront en compétition selon des compétences et arguments “géographiques” ? Et, si oui, quel impact aura cette tendance sur les travailleurs ? Comment affectera-t-elle le recrutement de nouveaux talents ?

David Blay, journaliste spécialisé dans les questions liées au télétravail et auteur du livre Pourquoi ne peuvent-ils pas nous laisser travailler à domicile ? (2014, non traduit en français), nous explique les grandes lignes des perspectives d’emploi qui se dessinent avec la généralisation du travail à distance à l’échelle mondiale.

Partons d’un postulat de base : non, demain tout le monde ne voudra pas télétravailler et, même si c’était le cas, tout le monde ne sera pas à l’aise avec ce mode de travail. Moi qui exerce ma profession à distance depuis 2007, je suis souvent très loin des généralités que l’on entend à ce sujet. Car il existe trop de facteurs internes et externes propres à chaque entreprise pour avancer une vérité absolue. Ce qui est sûr, indéniablement, c’est qu’avec une formation adaptée (car que l’on ne s’y trompe pas : personne ne nous a appris comment faire face à un nouveau mode de fonctionnement, de même que personne ne nous a donné de cours sur les réseaux sociaux, la gestion des mails ou encore les notifications de messagerie instantanée), plus de 60 % des professions peuvent s’exercer à distance. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais une étude réalisée en 2020 par la start-up Boostrs, spécialisée dans la cartographie de compétences et de l’analyse de données. Et même si cela semble être une tendance très positive pour le monde du travail, cette généralisation soulève également de nombreuses questions et défis qu’il convient d’aborder.

Rémunération en fonction du lieu : oui ou non ?

L’une des principales craintes - probablement renforcée par des annonces comme celles de Facebook, qui veut fixer les salaires de ses employés travaillant depuis chez eux en fonction de leur lieu de résidence - est de savoir s’il est possible d’être moins payé du simple fait d’habiter dans une région plus abordable que celle où se trouve le siège de notre entreprise. Ce qui n’est généralement pas possible actuellement, et qui ne le sera peut-être jamais. Par exemple, en France, les articles L. 1222-9 et suivants du Code du travail stipulent que les télétravailleurs ont les mêmes droits que les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Globalement, les entreprises qui ont l’habitude d’avoir des travailleurs à distance proposent un salaire type en fonction du poste à pourvoir, indépendamment du lieu de vie du candidat postulant à cet emploi. Je m’explique : de nombreuses multinationales ont employé pendant des années des travailleurs vivant en dehors de leur zone géographique tout en leur proposant de bons salaires. Rien de nouveau, donc. Des frais compensatoires plus importants sont proposés uniquement lorsque l’entreprise se voit dans l’obligation de demander à ses employés de quitter leur domicile et de s’éloigner de leur famille pour se rendre dans une autre région ou un autre pays. Mais lorsque ce n’est pas le cas, la rémunération ne sera pas moins compétitive du simple fait de ne pas être présent au bureau tous les jours.

Même s’il existe tout de même des entreprises qui, par exemple, n’hésitent pas à embaucher des travailleurs dans des pays au pouvoir d’achat inférieur en leur proposant un salaire local très compétitif, mais qui est bien inférieur au salaire qu’elles verseraient pour un poste équivalent dans le pays où elles se situent. Par exemple, le cas de plusieurs entreprises hollandaises qui, dans cette optique, embauchent des développeurs seniors en Espagne pour une rémunération équivalente à un junior dans leur pays, est connu.

Cela signifie-t-il que la même chose peut nous arriver si certains emplois sont délocalisés ? C’est peut-être ce qui nous inquiète le plus, ou ce que nous laissent croire les employeurs. Mais en réalité, la généralisation du télétravail offre plus d’options que jamais, quel que soit le type de profil : certes, nous pouvons perdre des débouchés, mais nous pouvons également en gagner. Car ce n’est pas la proximité qui est recherchée mais la compétence. La peur que nous pouvons éprouver à l’idée de voir quelqu’un vivant en Inde faire le même travail que nous pour moins cher est légitime, mais un Allemand pourrait tout à fait avoir la même crainte vis-à-vis de nous. Et à l’ère du numérique, ce qui fait baisser les coûts, ce n’est pas la production. Mais l’efficacité.

Une opportunité pour les candidats

Alors, n’avons-nous rien appris de la délocalisation pour raisons économiques qui s’est mise en place dans les systèmes de production à travers le monde ? Nous devons garder à l’esprit que cela se fait souvent dans l’industrie manufacturière, où il serait difficile d’intégrer le télétravail. D’un autre côté, comme nous le disions, la recherche de talents dans d’autres pays à des prix plus compétitifs est un phénomène antérieur à la pandémie pour le secteur du numérique. N’est-il pas vrai que des plateformes telles qu’Upwork (pour chercher et trouver du travail en tant que freelance) ont permis à de nombreux Européens en général de proposer leurs services à de meilleurs prix que d’autres citoyens du monde ? La mondialisation est arrivée avant le travail à distance. Mais cela ne signifie pas qu’on ne recherche qu’une main-d’œuvre moins chère.

Prenons un exemple concret : dans le secteur des développeurs, le chômage est quasiment inexistant. Les meilleurs ne sont pas les seuls à tirer leur épingle du jeu ; toute personne capable de prouver ses compétences de manière raisonnable a ses chances. À tel point qu’un très grand nombre de ces profils reçoivent quotidiennement des offres sur les réseaux sociaux leur proposant de changer d’entreprise. Pour un meilleur salaire. Ce ne sont pas les travailleurs les moins chers qui sont recherchés. Mais les meilleurs.

Si on comprend ça, qu’on s’y prépare (il existe aujourd’hui des formations rapides, pas chères et efficaces pour se réorienter dans n’importe quel secteur, quelles que soient vos expériences préalables) et qu’on est conscients que certains marchés classiques s’effondrent mais que d’autres explosent (un exemple parlant : les médias agonisent mais les entreprises n’arrêtent pas pour autant d’embaucher des journalistes pour produire leurs propres contenus, comme des podcasts ou des clips vidéo), alors deux conséquences sont possibles : les travailleurs n’auront plus peur de demander à exercer leur emploi depuis leur domicile - l’une des principales barrières actuellement - et cela montrera aux sceptiques qu’avec de bonnes bases, le remote est accessible à toute personne souhaitant au moins essayer.

Un impact positif supérieur au négatif

Nous avons commencé à télétravailler en pleine crise sanitaire, cloîtrés à la maison, avec nos enfants ou des personnes dépendantes à charge, la plupart d’entre nous sans formation numérique préalable, ajoutant des préoccupations familiales et économiques aux soucis professionnels. Et pourtant, c’est en grande partie grâce aux entreprises qui ont pu fonctionner à distance, que la récession économique et la perte d’emploi ont été limitées.

À l’échelle européenne, il a même été avéré que le troisième trimestre 2020, avec un été tranquille, en plus d’une meilleure maîtrise des processus de télétravail, a connu un léger rebond de productivité. À cette époque, beaucoup de personnes ont peut-être pris conscience de la réalité du télétravail, lorsqu’il existe une véritable flexibilité dans leurs vies et qu’elles peuvent profiter de leur journée pour faire autre chose que seulement rester derrière un ordinateur.

Mais, comme souvent lorsqu’on trouve sa vitesse de croisière, dans n’importe quel aspect de la vie, nous ne prenons plus le temps de faire une pause pour réfléchir. Et en ce qui concerne la mise en place du télétravail dans les entreprises, cette réflexion est primordiale pour optimiser les procédures mais également l’état d’esprit des salariés. Car après tout, aujourd’hui, tout est mesurable. Y compris le rendement et la productivité, ainsi que l’état de santé mentale ou le risque de burn-out des personnes dont vous êtes responsable.

Les entreprises qui n’ont pas hésité à discuter avec leurs équipes au cours des premiers mois de la crise pour savoir comment elles et leurs proches allaient, devraient maintenant en tenir compte pour déterminer si elles se sentent à l’aise avec le travail à distance. Cela aura une grande influence sur la motivation de chaque collaborateur, en matière d’implication et d’efficacité. À partir de là, nous pouvons envisager un meilleur scénario, moins stressant, à tous les niveaux, que celui que nous vivons actuellement : un avenir dans lequel cette pratique serait normalisée entre chefs d’entreprise et salariés du monde entier et surtout dans lequel la méfiance diminuerait du fait des effets positifs pour tous, travailleurs et entreprises, induits par la normalisation du travail à distance.

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Traduit de l’espagnol par Sophie Pronier*

Photo David Blay pour WTTJ

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