Travailler dans l’économie sociale et solidaire : ce qu'il faut savoir

10. 9. 2019

5 min.

Travailler dans l’économie sociale et solidaire : ce qu'il faut savoir
autor
Cécile Pichon

Psychologue du travail, coach et consultante RH

Vous souhaitez mettre vos compétences au service d’un projet qui a du sens à vos yeux ? Comme plus de 10% des Français, vous pourriez rejoindre l’économie sociale et solidaire !

L’ESS est un système économique qui regroupe des entreprises et des structures dont la finalité sociale constitue le dénominateur commun. Mais alors, quelle différence avec le travail des ONG et des associations ? L’économie justement ! Car il ne peut y avoir d’ESS s’il n’y a pas de viabilité économique derrière chaque projet… Nous vous aidons à voir plus clair dans ce secteur d’avenir.

L’économie sociale et solidaire, qu’est-ce que c’est ?

Pour faire simple, les entreprises de l’ESS doivent s’assurer que leurs activités soient respectueuses de l’Homme et de son environnement, et faire primer leur mission sur l’enrichissement personnel de leurs fondateurs et de leurs salariés.

Elles sont régies par quelques principes communs :

  • Primauté des personnes et de l’objet social sur le capital : les individus et le projet social de l’entreprise passent toujours avant la recherche de profit.

  • Utilité collective et sociale : l’activité économique développée doit s’accompagner d’une utilité sociale, en créant des emplois et développant une plus grande cohésion sociale.

  • Partage des profits : l’utilisation des bénéfices est strictement encadrée. Cela signifie que les excédents issus de l’activité doivent toujours être répartis équitablement entre les membres et la majeure partie doit être affectée au développement de l’entreprise. Il n’y a pas non plus de rémunération des actionnaires - puisqu’il n’y a pas d’actionnaire.

  • Mode de gestion démocratique et participatif : Les décisions principales sont prises en assemblée générale selon le principe démocratique de “1 personne = 1 voix”.

Les objectifs poursuivis par ces entreprises sont sociétaux. On ne parle pas ici de générosité, mais de solidarité : en effet, ces organisations ont la plupart du temps un modèle économique viable qui ne dépend pas que de dons ou de financements. Cependant, leur manière de gérer l’argent qu’elles génèrent est équitable. Elles allient performance économique durable, impact environnemental, développement de l’emploi, lien social et rayonnement territorial.

Quels sont les acteurs de l’économie sociale et solidaire ?

Vous connaissez déjà probablement certains d’entre eux sans le savoir, car les entreprises de l’économie sociale et solidaire peuvent revêtir différentes formes juridiques :

  • Les coopératives : ce sont des entreprises qui appartiennent à leurs membres. Ces derniers s’unissent pour atteindre un objectif commun. Ils sont associés et égaux en droit, tant au niveau de la participation opérationnelle qu’au niveau du capital.
    Exemple : Enercoop

  • Les mutuelles : les adhérents sont à la fois les bénéficiaires et les propriétaires de leur mutuelle. Elles fonctionnent sur la base de la solidarité entre ses membres qui partagent équitablement les frais, dans le cas de risque de santé par exemple.
    Exemple : La CNM

  • Les associations : les associations sont des organisations de personnes qui travaillent à un objectif commun qui ne peut être le bénéfice ou le profit, contrairement, par exemple, aux coopératives. On parle souvent d’organisations à but non-lucratif.
    Exemples : Le Secours Populaire ou Solidarité Sida

  • Les fondations : ce sont des organisations qui gèrent de l’argent privé au service de causes sociales et sociétales. Elles peuvent développer leurs propres activités ou subventionner des associations existantes.
    Exemple : Fondation de France

  • Les sociétés commerciales : contrairement à ce qu’on pourrait croire, certaines sociétés dites “commerciales” font aussi partie de l’ESS ! Pour cela, il faut qu’elles adhèrent aux principes de l’économie sociale et solidaire, notamment que leur projet soit autre que le seul partage des bénéfices, que la majeur partie de leurs bénéfices servent au maintien et au développement de l’activité et que la gouvernance soit démocratique.
    Exemple : La Ruche qui dit Oui ou Too Good To Go

Un petit point historique

Un mouvement issu de la révolution industrielle…

Si on en parle beaucoup ces dernières années, le mouvement de l’économie sociale a cependant vu le jour à l’époque de la révolution industrielle avec l’émergence des organismes mutualistes, coopératifs, syndicalistes et associatifs qui se sont organisés pour créer plus d’équité sociale, de démocratie et de sécurité au sein du monde du travail. Plus tard, dans les années 90, le mouvement s’est étoffé via le développement d’entreprises solidaires : c’est l’avènement du commerce équitable, mais aussi le développement de structures d’insertion par le travail.

… aujourd’hui encadré par la loi

Si le mouvement des organisations sociales et solidaires fonctionne plutôt bien depuis sa création, une loi datant de 2014 (Loi Economie Sociale et Solidaire) a permis de davantage encadrer ce secteur aux multiples facettes, mais aussi de le faire reconnaître « comme un mode d’entreprendre spécifique », afin que de plus en plus d’entrepreneurs osent se lancer dans une aventure qui bénéficie à tous.

Cela a été réel changement d’échelle pour l’ESS et depuis, chaque entreprise ayant obtenu l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS) bénéficie d’aides et de financements spécifiques. Défini par l’article 11 de cette même loi de juillet 2014, cet agrément permet de labelliser les entreprises les plus exigeantes socialement pour attirer des investisseurs privés via la mise en place de l’ épargne solidaire, une épargne éthique dédiée aux projets ayant une utilité sociale ou environnementale.

Pourquoi pas vous ?

Un secteur porteur

L’économie sociale et solidaire est un secteur très vaste, qui embauche largement. À elle seule, elle représente plus de 12,7 % de l’emploi, soit 2,38 millions de salariés en France en 2016 ! Et c’est sans compter les nombreuses personnes bénévoles dans l’associatif qui ne font pas partie des effectifs… Le secteur a connu une progression de plus de 24% depuis 2 000, et continue chaque année de grandir.

Quels métiers pour travailler dans l’ESS ?

L’ESS embauche dans tous les métiers ! Les besoins seront différents en fonction du cœur d’activité de l’entité et du type de structure.

Bien sûr, certains cœurs de métiers recrutent particulièrement, comme les ceux de l’action sociale (auxiliaires de vie sociale, aides-soignants, aides à domiciles, infirmiers etc.) et de l’éducation (éducateurs, par exemple), les métiers du sport ou des loisirs (animateurs, moniteurs, coach, etc.) qui sont quasiment tous gérés par des organisations associatives en France, ainsi que les métiers de la finance solidaire et des mutuelles d’assurance (conseillers, gestionnaires de contrats, etc. ) qui sont les acteurs historiques de l’ESS en France.

Mais vous pouvez aussi exercer votre métier actuel d’ingénieur, de commercial, de spécialiste de la communication… dans une structure plus solidaire, par exemple en rejoignant une entreprise commerciale qui adhère aux principes de l’ESS. Et même essayer de changer les mentalités et les manières de faire dans une entreprise plus traditionnelle !

Car, l’ESS n’aurait-elle pas aussi pour vocation de challenger les autres entreprises ? Cette économie en voie de développement expérimente un nouveau modèle - à la fois viable et responsable - qui pourrait donner envie aux sociétés traditionnelles de se transformer ! Celles-ci bougent déjà d’ailleurs un peu, à en croire l’augmentation du nombre de politiques RSE (responsabilité sociétale des entreprises) qui vont dans le sens d’une plus grande prise en compte des enjeux sociaux et éthiques dans leurs activités. Des programmes parfois longs et complexes, mais qui trahissent une vraie aspiration au changement !

Alors, que dites-vous de travailler pour une entreprise qui produit de la richesse tout en prêtant attention à l’humain et son environnement et le tout, de manière durable ? Plutôt tentant, non ?

Suivez Welcome to the Jungle sur Facebook pour recevoir chaque jour nos meilleurs articles dans votre timeline !

Photo d’illustration by WTTJ