IA, fin du salariat, humanité augmentée : les prédictions de Stéphane Mallard

12. 12. 2018

6 min.

IA, fin du salariat, humanité augmentée : les prédictions de Stéphane Mallard
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Alors que certains éminents entrepreneurs et scientifiques, de même que plusieurs films hollywoodiens, ont prédit que l’intelligence artificielle sonnerait le glas de l’humanité, Stéphane Mallard propose, dans son ouvrage Disruption, une analyse lucide, iconoclaste et sans concession sur le phénomène du même nom qui va nous forcer à changer de “logiciel”, à désobéir et à nous adapter, dans un contexte darwinien par excellence.

Dans son essai, l’auteur nous annonce un monde où nous serons augmentés par l’intelligence artificielle. Il ne cache pas la nécessité pour chacun d’entre nous de se remettre en question car nous serons tous disruptés sans exception, certains métiers plus que d’autres. Il ne nie pas les problématiques éthiques que l’intelligence artificielle va poser à nos sociétés et nos gouvernements mais il nous apprend à mesurer la disruption à venir, à s’en saisir et à trouver notre chemin pour sinon en prendre le contrôle, du moins l’utiliser pour changer le monde et notre façon de vivre. Son message est plein d’espoir – il est donc à lire sans modération.

Une technologie omniprésente et de plus en plus proche de nous

Stéphane Mallard débute son argumentaire en rappelant que la technologie est désormais omniprésente dans notre vie et que sa puissance ne semble pas connaître de limites. Il cite la loi de Moore, avec comme exemple le fait qu’on soit passé de 2300 transistors par microprocesseur en 1971 à plus de 30 milliards de transistors dans l’un des derniers microprocesseur d’IBM. Il évoque l’exemple de l’informatique quantique, qui est émergente mais qui va nous permettre de révolutionner la puissance de calcul des machines.

Au-delà d’une technologie devenue commodité, elle est aussi entrée dans nos vies quotidiennes, à l’extérieur de notre corps (montres connectées) et de plus en plus à l’intérieur (puces RFID sous la peau) comme chez les body hackers, et nous permet par exemple d’augmenter nos capacités physiques et intellectuelles.

De plus, nous avons tous commencé à parler avec les machines. De manière croissante, les chats ou messageries instantanées sont pris en charge par des automates ou machines, dont la capacité à discuter (étape 1), comprendre (étape 2), et suggérer et personnaliser (étape 3) s’améliore quotidiennement. Les chatbots ou bots, tout simplement, reconnaissent notre voix, notre visage et même notre iris, et par là même nos émotions… Cela signifie un changement de paradigme qui va transformer notre satisfaction en tant qu’usager, alors que jusqu’à présent nous avons tous des expériences pas forcément très satisfaisantes avec les services clients (on se fait ballotter de service en service, la personnalisation laisse à désirer, etc.).

Les assistants personnels ou majordomes digitaux seront bientôt légion et nos plus grands conseillers, qui seront de plus en plus pertinents dans les conseils qu’ils nous donneront. Ils apprendront aussi à parler à d’autres assistants personnels (c’est déjà le cas dans le monde de l’entreprise, pour organiser des réunions par exemple), et notre vie pourra se concentrer sur ce qui nous plaît le plus, plutôt que de passer du temps à organiser ou à faire des choses à faible valeur ajoutée. Nous pourrons alors avoir davantage de temps pour notre propre plaisir.

La prochaine révolution réside dans la capacité à contrôler les machines par nos cerveaux. La pensée permet déjà à des personnes de contrôler des prothèses en médecine, même si nous en sommes encore aux balbutiements. Le développement des neuro-sciences augure à la fois des progrès considérables (notamment en médecine), où des patients pourront par exemple retrouver l’usage de certains membres ou prothèses, voire contrôler un corps affecté par la maladie de Parkinson, via leur cerveau. Néanmoins, ce développement pose des questions éthiques qu’il importe de résoudre, sous peine d’être submergé par d’éventuelles dérives criminelles, par exemple.

L’intelligence artificielle

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un concept nouveau – Stéphane Mallard rappelle une conférence dédiée à ce sujet en 1956 – l’intelligence artificielle a connu un essor considérable ces dernières années. Les algorithmes apprennent de plus en plus à reconnaître des choses qu’on leur montre par milliers. Animaux mais aussi tumeurs cancéreuses par exemple dans le monde médical. Ils ne sont pas encore parfaits mais s’améliorent à une vitesse impressionnante.

Il faudrait en fait parler d’intelligences artificielles au pluriel, car elles reposent sur diverses techniques. L’une d’entre elles est le deep learning qui permet un traitement minutieux d’une image. Une autre est le reinforcement learning, qui vise à donner à la machine et ses algorithmes un environnement avec un objectif à atteindre, avec des contraintes et obstacles. Toutes ces intelligences artificielles vont augmenter la capacité des êtres humains à être plus productifs, plus “intelligents” et plus impactants dans le monde du travail et la société.

L’intelligence artificielle s’insère dans le monde des avocats, des consultants, des médecins, car elle permet de réaliser en quelques secondes à peine des tâches qui prennent des milliers d’heures à un être humain. Certes, elle se trompe parfois mais encore une fois, sa progression est exponentielle. Et elle commence à nous apprendre de nouvelles façons de voir les choses : citons ici deux exemples souvent donnés par Stéphane Mallard. Lors de la victoire de la machine Alpha Go contre le champion mondial du jeu de Go Lee Sedol, la machine a joué d’une façon qui n’avait jamais été répertoriée ni identifiée auparavant. De nombreux joueurs investiguent cette nouvelle façon de travailler qui ouvre une nouvelle ère pour le jeu. De la même manière, la machine à laquelle on a appris à jouer à Super Mario a joué de manière erratique et de façon presque illogique, mais a fini par gagner la partie. Là encore, la machine nous a montré une façon nouvelle de voir les choses. Un jour dans le monde du jeu, il faut imaginer qu’elle va inexorablement s’inviter dans le monde professionnel, avec potentiellement d’immenses bénéfices à la clé. Imaginez un instant que l’intelligence artificielle permette de trouver des remèdes aux plus grandes maladies connues, comme le cancer.

La mort du salariat, de l’expertise et du management tels qu’ils existent aujourd’hui

Jusqu’à présent le monde de l’entreprise était basé sur le salariat. Stéphane Mallard rappelle qu’il y avait une certaine logique à rassembler plein de compétences différentes au sein d’une entreprise, avec l’objectif que celles-ci se coordonnent pour produire des résultats. Stéphane Mallard précise que cette logique va progressivement s’effacer au profit d’un monde d’indépendants, disponibles à la demande, pour n’importe quelle tâche. Bien que cela paraisse étonnant, l’auteur démontre que les algorithmes permettront d’identifier le bon profil, et que ces indépendants seront évalués par un système d’avis qu’il sera de plus en plus difficile de falsifier. C’est déjà la cas avec Uber par exemple mais ce sera à l’avenir généralisé pour n’importe quelle tâche.

Stéphane Mallard ajoute que l’expertise telle qu’elle existe aujourd’hui va disparaître dans un monde où la connaissance et les algorithmes deviennent une commodité, de même que le management, car chacun s’auto-gèrera (les hiérarchies traditionnelles disparaîtront), négociera en direct avec son client et organisera son travail lui-même. De la même manière, le CV et les diplômes tels que nous les connaissons perdront de la valeur au profit des expériences passées, et non la capacité à avoir suivi tel ou tel cursus. Par exemple, un Community Manager de qualité aura des milliers de followers. L’impact sera mesuré par l’expérience, et non pas par une ligne dans le CV. Nous serons notés selon notre valeur ajoutée sur des missions et projets plutôt que notre capacité à avoir réussi tel ou tel concours ou formation. Imaginez un classement de type Uber qui serait fait sur des personnes dans un domaine.

Que nous restera-t-il dans ce monde ?

En fait beaucoup de choses ! C’est le message optimiste de Stéphane Mallard. Nous aurons toujours besoin de médecins par exemple car nous aurons besoin d’empathie, qui deviendra la valeur clé du monde de demain. Comme indiqué dans les études du World Economic Forum, l’intelligence émotionnelle et un paquet de soft skills deviendront indispensables aux travailleurs de demain.

Stéphane Mallard nous invite à penser et à se comporter comme un entrepreneur, à nous challenger, à challenger les idées reçues et à investir dans les idées les plus folles. Il s’agit d’apprendre à désobéir, et à ne plus accepter les règles du monde d’aujourd’hui (déjà ancien monde) car il est déjà en train de changer sous l’impact de la disruption. Face à la disruption et la transformation de l’ancien monde, nous devons changer. L’échec semble donc inévitable, il doit être accepté et encouragé, de même que le hasard, car il permet d’être réellement innovant et disruptif et d’apporter le plus de valeur possible au client. Apprendre des échecs, en tirer des enseignements et réessayer, tel est le message que l’auteur nous passe, pour bâtir nous-mêmes le monde de demain.

À vous de jouer !

Stéphane Mallard est un “futuriste digital”, qui a débuté sa carrière dans la transformation digitale en salle de marché, avant de devenir Digital Evangelist pour Blu Age. Il a récemment fondé sa propre agence, spécialisée dans la mise à disposition de speakers pour intervenir dans des organisations dans le cadre de keynotes pour inspirer les participants.

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Photo by WTTJ

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