Ressources Humaines et Big Data : un mariage parfait ?

05. 8. 2019

4 min.

Ressources Humaines et Big Data : un mariage parfait ?

Quelle place pour la confidentialité à l’ère de l’analyse des données ? Quel compromis pour les entreprises entre leur volonté de suivre l’activité et la productivité de leurs employés et le désir (voire le droit) de ces derniers de faire respecter leur vie privée et leur autonomie au travail ? La traçabilité et la collecte d’informations peuvent fournir aux employeurs des informations utiles et stimuler la productivité, mais cela peut aussi entraîner une forme d’auto-censure de la part des employés, ce qui finit par brider la créativité et la résolution de problèmes.

Les avancées dans l’IA et la gestion des mégadonnées ont changé notre façon de vivre et de travailler. Les entreprises qui cherchent les employés les plus qualifiés et adaptés rattrapent leur retard avec cette technologie, en adoptant des instruments tels que Talent et BinEvolve, qui prennent en compte les intérêts et les traits de la personnalité des candidats pour aider les recruteurs à trouver la meilleure personne pour un poste. En effet, même la campagne de recrutement LinkedIn la plus basique s’appuie largement sur l’IA pour plus d’efficacité.

Toutefois, cette technologie doit s’accompagner d’une nouvelle façon de travailler. Chris Havrilla, vice-présidente chargée des technologies RH du groupe Bersin (Deloitte), explique que le personnel RH « doit acquérir une mentalité plus fondée sur les données, et endosser le rôle d’enseignants pour les machines ». Ces nouvelles technologies aideront les entreprises à prendre de meilleures décisions à l’embauche et à mieux gérer leur personnel, ainsi qu’à mesurer leur productivité. Clare Barclay, directrice des opérations chez Microsoft UK, pense elle aussi « l’adoption de l’IA est un élément essentiel de toute bonne stratégie d’entreprise, et cette technologie peut rapidement apporter une grande valeur ajoutée. »

Autrement dit, les données collectées et gérées par les RH sont rapidement en train de devenir l’un des plus grands atouts des entreprises. Une récente étude d’Economist Intelligence Unit a indiqué que 82 % des sociétés ont prévu, soit de commencer à utiliser soit d’accroître leur utilisation des big data avant la fin 2018. Face à ces chiffres, les services RH vont vraisemblablement commencer à « commercialiser » les mégadonnées, en tant que monnaie précieuse contribuant à la croissance et à la santé de l’entreprise, tout en générant des profits.

RH et données : évolution d’un métier

Mais les RH sont-elles préparées à un tel changement radical de leur rôle ? Il semblerait que non. Alors que plus de 97% des services RH collectent des données, dans la pratique 95,5% des employés du secteur RH rencontrent des problèmes lors de la collecte et de l’analyse des indicateurs. Dans la plupart des cas, les systèmes de données obsolètes et une formation inadéquate compliquent la gestion de ces données et empêchent d’exploiter le plein potentiel de cette nouvelle technologie. Pour être plus performants à l’avenir, les professionnels des RH vont devoir apprendre à collecter, analyser et stocker toutes sortes de données, tout en les protégeant d’une éventuelle fuite.

Avec l’entrée en vigueur du RGPD, les responsables RH doivent veiller au traitement éthique des informations nécessaires à la prise de décisions, en sachant qu’ils sont responsables des données personnelles qu’ils gardent, même si celles-ci ont été collectées et analysées par les services d’une tierce partie, comme LinkedIn. Les ressources humaines ont pris une place centrale dans la circulation des données à l’intérieur de l’entreprise ; toute violation des données ou des lois les protégeant peut mettre en danger la société elle-même et la confiance de ses employés à son égard.

Si les divisions RH veulent survivre à la révolution du data, elles vont devoir changer radicalement. Elles vont avant tout devoir investir dans des technologies qui leur permettront de collecter et d’analyser efficacement les données dont elles ont besoin, pour prendre des décisions raisonnées à propos de leurs employés. Cette technologie est déjà facilement accessible, depuis de simples applications mettant à disposition des indicateurs voire même des solutions intégrées, telles que TriNet et HireVue.

David McMath, vice-président et responsable de l’analyse de données chez TriNet a défini ainsi l’approche de leur outil : « la liberté de gérer les RH à tout moment peut aider les entreprises à attirer et à retenir des employés clé, tout en opérant plus efficacement ».

Les nouveaux défis du RGPD

Les RH vont devoir non seulement apprendre à utiliser au mieux les outils les plus récents, mais aussi prendre en compte le RGPD, un règlement entré en vigueur en mai 2018 qui a pour but d’harmoniser la législation sur la confidentialité des données en Europe.

Selon David Carroll, professeur associé de conception médiatique à The New School, le RGPD présente « une véritable opportunité pour renégocier les conditions des relations entre le public, leurs données et les entreprises ». Alors que ses détracteurs le voient comme un frein à la croissance, le RGPD pourrait être la bonne occasion pour que les services RH forment les employés d’aujourd’hui et de demain à gérer l’information de manière sûre et responsable. Ce changement pourrait aussi débrider la créativité en entreprise : des employés qui savent que leurs données personnelles sont entre de bonnes mains se sentent plus libres d’exprimer leur personnalité et sont susceptibles d’avoir de meilleures performances.

Bien entendu, le RGPD n’est pas la panacée : il a été fortement critiquépar les entreprises, les ONG et même les activistes de la vie privée, qui s’inquiètent de la définition vague de « données personnelles », pouvant donner lieu à de mauvaises interprétations et à des abus – sans parler du coût absorbé par les petites entreprises et organismes en cas d’amende équivalente à 4 % de leur chiffre d’affaires annuel. Pour respecter le RGPD, les entreprises doivent investir lourdement pour adapter leurs systèmes informatiques et les outils de gestion des ressources humaines, mais aussi nommer un délégué chargé spécifiquement de la protection des données. Tout cela est coûteux et prend du temps. Même des géants comme Facebook et Google n’arrivent pas encore à respecter entièrement le RGPD.

L’intelligence artificielle boostée par la créativité et l’intuition

Nous sommes entrés dans l’ère de l’intelligence artificielle. En combinant la créativité humaine et le travail, les professionnels des RH sont capables de trouver des solutions et des idées sur mesure pour les besoins de chaque entreprise. Ceci demande une formation professionnelle en intelligence artificielle et une connaissance des nouvelles avancées dans le big data.

Si elle est utilisée correctement, l’intelligence artificielle favorisera non seulement la croissance de l’entreprise et le bonheur des employés, elle transformera aussi complètement le processus de gestion des compétences humaines, pour nous permettre de travailler de façon plus créative, intuitive et efficace.

Article en collaboration avec Are We Europe.

Illustration : Eddie Stok

Preberané témy