Entretien : comment se vendre, sans en faire trop ?

15. 12. 2020

7 min.

Entretien : comment se vendre, sans en faire trop ?
autor
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

Bienvenue sur le marché du travail ! Ici, la concurrence est rude. Pour survivre, il va falloir apprendre à vous démarquer, à attirer le recruteur, mais surtout à vous vendre, vous vendre, et encore vous vendre… Hop ! Un coup de baguette magique et vous voilà transformé, parfois malgré vous, en commercial, répondant à des offres d’emploi et démarchant ses prospects. Mais, pour obtenir ce contrat-là, n’en faites pas trop ! Évitez l’attitude du ‘‘pied dans la porte’’, ou celle qui consiste à harceler votre interlocuteur jusqu’à le faire céder. En entretien, ne sortez pas non plus la carte du beau parleur, qui débite son baratin et vendrait père et mère pour arriver à ses fins. Non, avec un recruteur (comme avec un client d’ailleurs), rien de cela ne fonctionne. Et, au mieux, vous serez jeté dehors à coups de pied.
Bien se vendre en entretien, ça s’apprend ! Pour vous aider, on a rencontré Audrey Strazel, consultante RH et psychologue chez Eriva, cabinet de conseil en recrutement et ressources humaines. Suivez le guide !

D’où vient l’idée qu’il faut « se vendre » ?

« Se vendre en entretien, explique Audrey, c’est réussir à donner envie au recruteur et à l’entreprise. C’est aussi mettre en valeur ses atouts, ses expériences, ses compétences et sa personnalité. Tout cela permet de se démarquer en entretien et de confirmer le ‘‘matching’’ entre un profil et un poste à pourvoir. » Au fond, c’est un peu comme faire sa propre pub et travailler le marketing de soi pour décrocher non pas un contrat, mais un poste !

Mais d’où vient ce phénomène ? Et pourquoi emploie-t-on ce vocabulaire économique comme ‘‘se vendre’’ ou ‘‘le marché de l’emploi’’ ? « Avec l’augmentation du nombre d’actifs, les entreprises se sont trouvées en position de force. Et, dans certains secteurs, la demande a dépassé l’offre, nous indique notre experte, ce qui place ainsi les recruteurs dans l’embarras du choix et leur permet une mise en concurrence des talents pour ne garder que les profils qu’ils jugent être les meilleurs. On est entré dans une logique de marché. » Autre phénomène que constate l’experte RH, « l’apparition de nombreux candidats ‘‘passifs’’ ». Qu’ils soient en poste, ou véritablement à la recherche d’un emploi, « ils sondent le marché du travail et sont ouverts à de nouvelles opportunités, observe-t-elle, mais ne sont pas réellement impliqués dans la recherche d’un nouveau poste. Pour autant, ils sont bien là et représentent d’éventuels concurrents pour de véritables demandeurs d’emplois. » À moins donc d’avoir le luxe d’être sur un boulevard vide de tout concurrent, force est de constater que savoir « se vendre » et disposer d’une belle vitrine n’est plus une option… mais une obligation.

Comprendre les besoins de ses prospects

N’importe quel commercial vous dira qu’il est plus facile de vendre un produit ou un service à une cible que l’on connaît bien et dont on a étudié précisément les besoins… En entretien, c’est pareil ! « Le recruteur sait très facilement si vous êtes préparé ou non, avertit Audrey. Il ne faut donc ni trop en faire en recrachant un discours appris par cœur et dépourvu de spontanéité, ni se présenter en touriste. Le temps de l’entretien est au contraire l’occasion de donner une photo flatteuse mais réaliste de qui on est et de montrer que l’on répond aux besoins de l’entreprise sur ce poste. »

Avant de vous rendre à cet entretien bille en tête, il est donc essentiel de vous préparer en amont. « Si la fiche de poste est bien détaillée, propose Audrey, vous pouvez la reprendre, mission par mission, et vous demander : ‘‘est-ce que je peux y répondre ?’’, ‘‘suis-je formé•e pour cela ?’’, ‘‘l’ai-je déjà fait ?’’, ‘‘en ai-je les capacités ?’’ » Outre le poste auquel vous postulez, vous devez impérativement connaître l’entreprise, ses besoins et ses valeurs. « Si on sait pour qui on postule, reprend-elle, et que l’on a amassé un maximum d’informations et de connaissances sur son prospect, on sait à quoi s’en tenir et on est plus préparé. Ce n’est pas trop en faire que de se rendre ouvertement sur le profil LinkedIn de la personne que l’on va rencontrer en entretien pour connaître son parcours et savoir qui l’on a en face de soi. Soyez transparent, cela montre que vous êtes curieux ! Ce n’est pas non plus exagéré de venir avec quelques notes sur l’entreprise, ni de poser les questions qui vous ont interpellées. Au contraire, c’est vivement recommandé. Il n’est pas non plus excessif de préparer une liste de contacts pour d’éventuelles prises de références. En revanche, nuance-t-elle, laissez-place à la spontanéité et ne lisez pas vos notes ! ».

Savoir s’estimer à sa juste valeur

« Bien se vendre en entretien, reprend l’experte, c’est savoir mettre en valeur toute expérience dans son parcours qui soit en phase avec la fiche de poste. Vous devez donc insister sur tous les éléments intéressants de votre histoire qui montrent que vous avez déjà connu tel type de mission, ou déjà réalisé telle prestation. Illustrez aussi vos soft skills par des exemples : tel moment où vous avez fait preuve d’adaptabilité, et celui où vous vous êtes montré empathique… » Cela participe à rassurer le recruteur et le conforte dans le fait que votre profil ‘‘match’’ avec le poste à pourvoir.

Lorsqu’il s’agit d’évoquer vos performances passées, Audrey recommande de rester dans le concret. « Ne faites pas de votre présentation un listing de généralités, insiste-t-elle. Ne dites pas ‘‘je suis perfectionniste’’, ‘‘je suis hyper organisé.e’’, mais montrez plutôt ce que vous avez réussi à faire de manière concrète ». Par exemple, un commercial pourra dire qu’il a converti tant de leads en contrats, ou qu’à compter de son arrivée dans l’entreprise le nombre de clients a été multiplié par 10… « L’important, précise-t-elle, est de cibler les atouts mis en avant pour le poste. Mais ce n’est pas la peine de tout dire ! Sélectionnez plutôt 3 à 4 grands traits de votre personnalité qui sont utiles pour l’exercice de la fonction. »

Trop en faire c’est probablement vouloir se présenter sous son meilleur profil et ne donner qu’une face illusoire de sa personnalité. « Surtout, nous met en garde Audrey, n’enjolivez ni les résultats que vous avez obtenus, ni votre personnalité. Dites-vous bien qu’un recruteur sait parfaitement reconnaître quelqu’un qui gonfle la réalité ! »

Se vendre, mais pas à n’importe quel prix !

Le candidat qui en fait trop, c’est un peu comme le vendeur rabatteur. Il est lourd et on le voit venir de loin. Il est aussi prêt à tout pour vendre et à n’importe quel prix. Mais en entretien, à quoi le reconnaît-on ? « Cela dépend évidemment de l’appréciation du recruteur, concède Audrey. Chacun a son propre seuil de tolérance. Mais, d’une manière générale, celui qui en fait trop, c’est celui qui surjoue dans son discours comme dans sa gestuelle, qui n’est pas “juste’’ ».

Il ne faut pas longtemps à la consultante RH, pour se souvenir de quelques anecdotes. « Je me souviens de ce candidat qui utilisait ‘‘moi’’ et ‘‘je’’ à tout bout de champ, s’amuse-t-elle, il faut en user avec modération et parler de soi indirectement, à travers ses expériences ou un travail d’équipe. Ou cette phrase qu’on entend parfois et qui écorche les oreilles : ‘‘mon profil correspond en tous points à ce que vous recherchez’’… C’est rédhibitoire ! Et cette candidate qui gonflait largement ses réussites alors qu’en creusant un peu, le ballon de baudruche s’essoufflait… Ou encore celui qui s’attribuait sans complexe tous les mérites d’un travail qu’il avait objectivement fait en équipe, occultant ainsi la participation active de ses collègues »

Méfiez-vous donc, en faire trop aurait tendance à agacer le recruteur… « Ces profils qui se montrent trop ambitieux, prétentieux et centrés sur eux-mêmes en entretien ne sonnent pas juste, complète Audrey. Ils sont dans l’excès. Et loin d’attirer le recruteur, ils le repoussent ! C’est une posture qui nous saute aux yeux. En fait, le candidat cherche à prendre le dessus de la conversation. Il parle fort et vite, il s’impose, coupe la parole, il fait de grands gestes, il bombe le torse… Bref, il est dans l’excès et c’est malheureux parce qu’il veut bien faire. », conclut-elle.

Pas assez : attention à ne pas se brader…

L’excès inverse consiste à se brader. Autrement dit à ne pas se mettre trop en valeur et parfois même, à diminuer ses propres succès. Et c’est le cas de la majorité des Français ! Selon les résultats d’une étude publiée le 31 mai par LinkedIn, 54% des salariés français jugent que parler de leurs réussites professionnelles s’apparente à un manque de modestie ! Tandis que 50% des salariés interrogés jugent “plus facile” de parler des réussites de leurs voisins de bureau que des leurs… La plupart du temps donc, un candidat n’en fait, au contraire, pas assez ! Derrière cette attitude, se cache semble-t-il une réticence culturelle et la peur de paraître prétentieux.

Une tendance qu’a observé Audrey chez les profils juniors ou les parcours un peu décousus. « Lorsqu’un profil junior recherche un stage ou une alternance, voire un premier emploi, raconte-t-elle, le plus souvent il éprouve des difficultés à se valoriser car il n’a pas encore acquis d’expérience professionnelle. Pour l’éviter, je recommande d’aller sur le terrain du parcours extra-professionnel. Vous pouvez évoquer ce qu’on appelle les ‘‘mad skills’’. C’est à dire les compétences que vous avez développées au cours de vos loisirs, passions, ou voyages… Ainsi, un étudiant pourra valoriser son expérience d’entraineur•se dans une équipe de foot, qui démontre un certain leadership », conclut-elle. N’hésitez pas à vous livrer un peu ! « Posez des questions, recommande l’experte RH, étoffez votre parcours, racontez vos réussites quelles qu’elles soient ! Le recruteur n’aime pas vous tirer les vers du nez, alors allez-y, racontez votre histoire ! ».

Trois conseils pour sortir du lot

Tenez-vous prêt !

« D’abord, recommande Audrey, il faut bien préparer son entretien. Demandez-vous bien en quoi votre profil va être un atout pour le poste ? Et identifiez dans votre personnalité et votre parcours, quelles qualités et valeurs ajoutées vous avez à apporter ».

Soyez concret !

Ensuite, ne recrachez pas votre profil comme la lecture d’un catalogue. « Donnez du sens à ce que vous racontez, insiste-t-elle. Illustrez vos expériences et vos compétences par des exemples concrets. Pour chaque élément que vous apportez, vous devez être capable de l’expliquer concrètement. Et soyez authentique et naturel. Ne jouez pas de rôle. C’est votre propre histoire que vous racontez, pas celle d’un autre. L’objectif de l’entretien est seulement de vérifier que votre profil ‘‘matche’’ bien avec le poste et la culture d’entreprise… ».

Entraînez-vous !

Enfin, il faut de la pratique et encore de la pratique. « Travaillez votre gestuelle, votre langage corporel et votre tenue, signale-t-elle. Il est impératif de vous entraîner et, pourquoi pas, de vous filmer pour corriger d’éventuels tics de langage ou corporels. Cela vous apportera confiance en vous et estime de vous. Dites-vous bien que votre savoir-être est aussi important que votre savoir-faire ! ».

« En résumé, reprend Audrey, bien se vendre c’est trouver le bon équilibre ». Le juste prix. « Dans votre parcours, poursuit-elle, valorisez vos réussites en impliquant les autres. Tenez un discours humble, sincère et authentique. Ne cherchez pas à gonfler vos réussites, mais ne les dévalorisez pas non plus. Se démarquer c’est miser sur soi, mais de manière naturelle. En fait, c’est être soi-même ! ».

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Photo d’illustration by WTTJ

Preberané témy