« Stop aux process de recrutement interminables ! » Une candidate éreintée

07. 6. 2021

6 min.

« Stop aux process de recrutement interminables ! » Une candidate éreintée

De janvier à avril. Ce n’est pas une saison, ni le temps que j’ai mis à trouver un nouvel appartement, pas non plus la validation d’une période d’essai, ou encore un préavis de départ, mais bien le temps qu’a duré un process de recrutement que j’ai subi (car oui, je me donne le droit de dire que je l’ai “subi” !). 5 étapes à passer, 4 interlocuteurs différents, des délais interminables et une décision finale qui se fait attendre : en France, nous sommes les champions des recrutements qui jouent les prolongations, une pratique bien ancrée et qui a tendance à gagner du terrain… et jouer avec notre patience à nous, les candidats ! Laissez-moi vous dire ce que j’en pense.

Le parcours du combattant

Ma quête d’un nouvel emploi débute au plus fort de l’hiver, au mois janvier. Cela fait un an que je vis sous cloche, Covid oblige, et la soif de renouveau sur le plan professionnel commence à se faire ressentir. Je me lance ainsi dans la recherche d’un nouveau poste de chargée de marketing. Après la refonte de mon CV et l’envoi d’un bon nombre de candidatures, c’est avec enthousiasme que j’accueille l’appel téléphonique d’un recruteur issu d’un grand groupe. Bingo : mon profil a attiré leur attention.

Après une discussion d’une vingtaine de minutes par téléphone, nous fixons la date du premier “vrai” entretien, en visioconférence. Celui-ci se déroule de manière plutôt classique : la chargée de recrutement revient sur des points que nous avions déjà très succinctement abordés de façon beaucoup plus détaillée : mon parcours, mes études, mes motivations. Bref, rien d’extravagant. Mais je réalise qu’à l’issue de cette conversation, je n’ai encore aucune feuille de route précise quant à la suite du processus de recrutement. J’interroge mon interlocutrice à ce sujet, mais celle-ci ne m’éclaire pas plus que cela : je ne reçois que quelques vagues indications, mais aucun délai précis et peu d’informations concrètes sur les étapes à venir. Ok, c’est le flou total, mais je ne me formalise pas pour autant. J’imagine que j’en saurais plus lors d’une prochaine prise de contact et que je n’ai de toute façon, à ce stade, pas mon mot à dire. Malheureusement, ce manque de transparence jalonnera tout le processus de recrutement.

Près de 10 jours plus tard (qui ont mis ma patience à rude épreuve), je reçois un mail de ma potentielle future N+1. Elle souhaite me rencontrer. Un autre entretien donc, mais que j’aborde avec une relative sérénité.
Mises en situation, questions pièges, introspection, le tout étendu sur plus d’une heureCette nouvelle étape s’avère éprouvante et j’en sors aussi éreintée qu’après 10 ans d’une thérapie infructueuse. Mais je me fie aux encouragements de la recruteuse qui me félicite sur la qualité de notre échange et m’incite clairement à ne pas accepter un autre poste ailleurs.

L’attente

Mais c’est ensuite que les choses se compliquent vraiment. Les journées passent les unes après les autres et… rien. Mon niveau d’anxiété tend vers plus l’infini, ma frustration et mon incompréhension sont alors incontrôlables. S’en suit alors une phase parfaitement obsessionnelle où je passe mon temps les yeux rivés sur mon téléphone, où j’actualise mes mails plus souvent que je ne cligne des yeux, et où chaque appel qui ne concerne pas cette prise de poste me met VRAIMENT en rogne. Et je ne suis pas la seule à subir ce silence puisque ce processus de recrutement est devenu mon principal sujet de conversation avec mon entourage (si vous me lisez, je suis désolée).

Bref, si la quête d’un nouvel emploi doit normalement être exaltante, celle-ci est plutôt en train de me transformer en boule de nerfs. Et je ne suis pas au bout de mes peines. Car après avoir enfin obtenu un retour, vient ensuite la réjouissante étape des cas pratiques, dont personne ne m’avait informée en amont. Ils seront au nombre de deux et étalés sur une période d’un mois. Au moins, me voilà fixée. Mais évidemment, cela n’a pas non plus été un long fleuve tranquille : retard sur la réception du brief, manque de communication quant aux deadlines, beaucoup trop d’attente entre chaque retour (plus d’une semaine à chaque fois). Et cette désagréable impression d’une mise à l’épreuve illégitime. Nous parlons d’un poste en marketing, pas d’un recrutement pour la NASA ou l’ONU… J’attends, donc, jusqu’à reçevoir le mail tant attendu. La réponse définitive qui m’annonce que j’obtiens finalement le poste ? Si seulement.

À l’issue de ce parcours du combattant, on m’annonce qu’il me reste un dernier entretien, “déterminant” (à croire qu’avant, c’était un échauffement), avec cette fois-ci deux décisionnaires placés tout en haut de l’organigramme. Je pense alors en avoir bientôt terminé, mais la décision finale prendra encore des semaines, malgré mes relances. Tous ces efforts pour… rien. Le recruteur ne prendra même pas la peine de m’appeler, mais m’annoncera par le biais d’un mail (un vendredi soir, à 19h, pour un week-end plus festif) qu’ils ont opté pour un candidat plus senior. C’est le coup de massue final scellant définitivement ma déception et surtout mon incompréhension. Ce long périple aura duré plus de trois mois et demi, avec plus de 100 jours d’attente et 5 épreuves au total.

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Stress, perte de confiance et démotivation

Alors, certes, une erreur de casting représente un vrai risque pour l’entreprise, tant financier qu’organisationnel, qui a donc légitimement besoin d’être rassurée et vigilante sur son choix final. Personne n’a envie de se tromper et c’est tout à fait compréhensible. Mais la période d’essai n’existe-t-elle pas pour pallier un potentiel “mauvais recrutement” ? Et ne peut-on pas trouver un juste milieu entre recrutement minutieux et interminable ?

Ce que l’employeur ne voit pas forcément, c’est que des process aussi longs et alambiqués génèrent une source de stress très importante chez les candidats qui peut détruire toute leur motivation. Gérer l’incertitude et le manque de visibilité, parfois alors que l’on est toujours en poste et que l’on doit composer avec les contraintes de son travail actuel, le tout, sans aucune garantie que ce travail portera ses fruits : c’est usant.

Et puis, se plier à un process de recrutement, c’est aussi ressentir une certaine fébrilité. En tant que candidat, nous sommes alors le sujet d’une analyse poussée : compétences, personnalité et facultés cognitives, tout est passé au crible. Faire attendre trop longtemps le candidat, c’est donc risquer qu’il interprète cela comme un signal négatif. “L’entreprise a-t-elle vraiment besoin de moi ?” C’est la question qu’il va se poser face au manque de réactivité de l’employeur. Résultat : même recruté, il peut ne pas se sentir “attendu”, se remettre sans cesse en question et inévitablement, perdre confiance en lui.

Cela laisse aussi transparaître un investissement hétérogène des deux partis, un rapport de force clairement déséquilibré : d’un côté le candidat s’investit pleinement, en se rendant disponible, en se montrant ponctuel, en acceptant de se plier à l’exercice des cas pratiques… De l’autre, il doit faire face au silence radio de l’équipe en charge du recrutement, voire à une certaine nonchalance. En fait, l’entreprise ne fournit pas la même quantité d’effort pour convaincre le candidat de la rejoindre que le candidat lui-même. C’est bien dommage pour ce dernier, mais ça ne joue pas non plus en faveur de l’entreprise.

Car oui, ce type de pratique altère nettement l’image d’une boîte. Il ne faut pas oublier que le process de recrutement fait partie intégrante de la culture d’entreprise, faisant figure de “vitrine”. Ainsi, si celui-ci n’est pas optimal ou s’il est vécu comme une expérience désagréable, c’est toute la marque employeur qui est égratignée au passage. Car l’entretien d’embauche a aussi une fonction essentielle pour le candidat : il lui permet d’entrevoir les valeurs inhérentes à l’entreprise, de se projeter au sein d’un possible futur environnement de travail. L’employeur doit lui aussi réussir cette étape.

D’autre part, quand l’attente se fait trop longue, il est tout à fait légitime que l’entreprise a des logistiques RH alambiquées, des problèmes organisationnels, une incapacité à prendre des décisions, ou d’autres défaillances internes. Le candidat se demandera forcément ce qui peut bien justifier une telle lenteur, une telle déshumanisation… Une entreprise versatile, ce n’est jamais rassurant.

À quand un peu de changement ?

En fin de route, on obtient un candidat anémié, un employeur qui perd nettement en attractivité et qui prend le risque de passer à côté de talents qui iront… ailleurs. Vers l’entreprise qui aura été la plus réactive, la plus respectueuse et qui. se sera montrée la plus intéressée par son profil.

Certaines bonnes pratiques ne devraient-elles pas être automatiquement adoptées pour optimiser les process ? Cela pourrait reposer sur quelques règles simples telles que : privilégier la transparence envers le candidat, donner des deadlines entre chaque étape, ou encore respecter les délais annoncés. Une bonne communication avec les postulants, c’est crucial.

Je pense aussi que cette multitude d’étapes pourrait également être évitée par une définition plus claire des besoins de l’entreprise et du profil recherché ainsi que par un tri initial efficace des candidatures. Une fiche de poste en adéquation avec la réalité des missions est aussi capitale : des descriptions parfois vagues ou trompeuses précipitent les erreurs de recrutement. En ce qui me concerne, je rêve d’un système de feedback pour les candidats qui pourrait aider les entreprises à mieux comprendre ce qu’ils vivent. Même si finalement, ce que nous souhaitons est plutôt simple : un process structuré et se sentir considérés.

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Photo by WTTJ
Édité par Gabrielle Predko

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