UX Writer, un charmeur de mots au service de l'Expérience Utilisateur

25. 5. 2018

6 min.

UX Writer, un charmeur de mots au service de l'Expérience Utilisateur

Si on entend de plus en plus parler d’UX ou d’UI Designers, le métier d’UX Writer est encore bien méconnu, surtout en France. L’UX writing - pour User Experience writing - est un travail de rédaction web qui a pour objectif de rendre l’expérience de lecture d’une interface plus agréable. Aux États-Unis, les grandes plateformes comme Google ou Amazon ont compris l’importance de ce métier depuis déjà quelques années. Cet engouement devrait également prendre en France bientôt, mais les UX Writers sont encore peu nombreux.

Nous avons déniché un de ces spécimens rares en France :__ Anthony Marques, véritable charmeur de mots, il nous raconte son quotidien et nous donne ses conseils pour exercer son métier.

Anthony, peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton métier d’UX Writer ?

En tant qu’UX Writer, ma mission est de définir la voix de l’entreprise. Cela nécessite de comprendre qui elle est et comment elle doit s’exprimer. Mais pour ça, je ne travaille jamais seul. Du début jusqu’à la fin d’un projet, je suis entouré de deux personnes :un UX designer et un UI designer. On commence à travailler ensemble avant même que l’interface ne soit créée. L’objectif est de faire en sorte que l’expérience utilisateur soit la plus cohérente possible et qu’elle retranscrive au mieux l’ADN de la marque pour laquelle on travaille.

Ma mission est de définir la voix de l’entreprise. Cela nécessite de comprendre qui elle est et comment elle doit s’exprimer.

Ensuite, le process diffère si le client est une jeune entreprise ou une société déjà bien installée. Dans le premier cas, mon travail est de définir le « tone of voice » de l’interface, les guidelines d’écriture, la charte rédactionnelle, la ligne éditoriale. Si l’entreprise a déjà son « tone of voice », notre travail consiste à appliquer les règles de ton, de typographie et de design. Et ensuite, comme pour tous les métiers de l’UX, on fait des choses qu’on teste auprès d’utilisateurs internes et externes et on construit le site en fonction des retours qu’on récolte. Le principe du test and learn fait partie intégrante du quotidien de tous les métiers de l’UX.

Tu parles de « tone of voice » d’une entreprise, peux-tu nous expliquer ce que c’est ?



Le « tone of voice » est le document dans lequel on définit la voix de l’entreprise. Ça passe par un travail de personnification : l’entreprise devient une « personne » avec une vraie identité, une certaine manière de s’exprimer, une personnalité, des valeurs, etc. Puis, on établit des règles de style : « Peut-on faire de l’humour ? Quel est notre registre de langage ? » Mais aussi des règles plus formelles : « Autorisons-nous les anglicismes, les abréviations, le tutoiement ? » Ce document est un peu l’équivalent de la charte graphique des designers, mais pour les contenus rédactionnels. Il découle de la stratégie de l’entreprise, des utilisateurs et de la personnalité des collaborateurs.

Anthony Marques - UX Writer

L’entreprise devient « quelqu’un » une vraie identité, avec une certaine manière de s’exprimer, une personnalité, des valeurs, etc.

Quelles sont les tâches quotidiennes d’un UX Writer ?

Mon champs d’action est assez large. Ça peut aller de la rédaction des messages d’applications, des messages d’erreurs, des titres, jusqu’à la rédaction de FAQ, de guides… Il faut savoir que tout ce qui est écrit sur un site web est pensé et réfléchi par un UX Writer, rien n’est fait au hasard. Et puis, je dois aussi relire tous les contenus qui sont rédigés par d’autres équipes, comme par exemple les articles d’un blog, ou la publicité d’une marque. En fait, en tant que garant de la voix de l’entreprise, je veille constamment à la cohérence entre les différentes équipes qui travaillent à la création d’un site web.

Messages d’applications, messages d’erreurs, titres, FAQ, guides… Tout ce qui est écrit sur un site web est pensé et réfléchi, rien n’est fait au hasard.

Mais finalement quelle est la différence avec un métier de Journaliste, de Chargé de contenu ou de Community Manager ?

Alors, la grande différence c’est que je fais ce que l’on appelle de la « micro copy », ce qui signifie : « dire un maximum de choses, avec le moins de mots, dans un minimum d’espace ». Donc c’est le style d’écriture qui est très différent, parce qu’il est contraint par des questions de graphisme, de design et d’ergonomie. On sait par exemple que sur un site web, personne ne lit toute une page de haut en bas ; alors qu’un article écrit par un journaliste se lit du début à la fin. Notre challenge, c’est donc de réussir à faire passer une information de manière à ce que, si les gens scannent la page très rapidement, ils arrivent à comprendre ce qui s’y dit. En fait, le challenge du métier d’UX Writer, c’est de réussir à rendre créative une interface grâce aux mots, mais sans perturber l’expérience utilisateur. Cela permet non seulement de lui donner un supplément d’âme mais aussi une vraie colonne vertébrale.

Le challenge du métier d’UX writer, c’est de réussir à rendre créative une interface grâce aux mots, mais sans perturber l’expérience utilisateur.

L’UX Writer vit souvent en plein paradoxe. Il doit avoir une vision très large du parcours utilisateur pour finalement écrire des textes très courts. Comme les designers, il doit aussi maîtriser des contraintes techniques et graphiques liées à la plateforme sur laquelle il écrit.

Sais-tu comment ton métier est apparu ?

C’est vraiment très récent, il est apparu aux États-Unis il y a quatre ans je pense, et aujourd’hui les grosses plateformes américaines sont vraiment demandeuses d’UX Writers. En France, c’est encore un métier très émergent en phase d’être vraiment reconnu. Quand je fais de nouvelles rencontres, je suis quasiment toujours obligé d’expliquer ce que je fais. En général, les gens se demandent si mon métier existe vraiment.

Quand je fais de nouvelles rencontres, je suis quasiment toujours obligé d’expliquer ce que je fais. En général, les gens se demandent si mon métier existe vraiment.

Pourquoi penses-tu que ton métier est apparu ?

Je ne vois pas d’élément déclencheur particulier, si ce n’est l’évolution constante des interfaces homme-machine : il y a d’abord eu l’informatique, puis Internet, les smartphones et maintenant les bots et les assistants virtuels. Le langage occupe une place centrale dans nos interactions humaines. Ça me paraît naturel qu’il devienne aujourd’hui tout aussi central dans nos interactions avec les machines.

Le langage occupe une place centrale dans nos interactions humaines. Ça me paraît naturel qu’il devienne aujourd’hui tout aussi central dans nos interactions avec les machines.

Et toi, comment t’es tu tourné vers ce métier ?

À l’origine, j’étais concepteur-rédacteur, mais déjà très orienté web, pub’ et rédaction. En fait, j’ai toujours été passionné par l’expérience utilisateur et le design des interfaces. Je me suis imprégné des métiers de la création du web et j’ai découvert naturellement ce métier. Je travaille beaucoup car il y a énormément de demandes et les UX Writers en France sont très peu nombreux. Je suis freelance, je fais des prestations à environ 500 euros la journée en moyenne. En France, de manière générale, les UX Writers travaillent en freelance, mais dans les grosses boîtes comme Deezer, Orange, ou Vente Privée par exemple, il y a quelques salariés.

À l’origine, j’étais concepteur-rédacteur, mais déjà très orienté web, pub’ et rédaction. En fait, j’ai toujours été passionné par l’expérience utilisateur et le design des interfaces.

Tu dis que ce sont principalement des grosses boîtes qui embauchent des UX Writers, pourquoi ?



Pour employer un UX Writer en CDI à plein temps, il faut avoir des besoins constants en la matière, c’est-à-dire créer régulièrement de nouveaux produits. C’est quelque chose qu’on trouve dans des entreprises particulièrement imposantes ou alors très orientées sur le numérique et l’innovation. Pour des besoins plus temporaires, comme la refonte d’un service ou la création d’un nouveau produit, elles vont plutôt faire appel à des UX Writer freelance qui viendront travailler directement avec les UX et UI Designers. Une fois la mission terminée, l’UX Writer pourra continuer d’accompagner l’entreprise, mais cela se fera surement de façon plus ponctuelle.

Est-ce qu’il y a un parcours type pour faire ce métier ?

Non, pas vraiment. On trouve beaucoup de profils différents : des littéraires, mais aussi des personnes qui ont fait des études de commerce, de marketing, et qui ont découvert ce métier sur le tas. Personnellement, j’ai fait trois ans d’études assez généralistes en information et en communication, puis beaucoup de stages.

Très clairement, ce sont les expériences professionnelles qui priment sur les études, puisqu’il n’y a pas encore de formation universitaire pour être UX Writer. Je me suis formé dans des métiers du web et de la création, cela m’a permis de trouver ma voie, de prouver ma connaissance du secteur et des modes de fonctionnement des entreprises nouvelles générations, qui ont pour la plupart intégré des méthodes de management adaptées au développement de produits (les méthodes agiles et Scrum par exemple, ndlr).

Quelles sont les compétences à avoir pour réussir dans ce métier ?

Il faut être très créatif, mais aussi rigoureux puisqu’il faut être constant, ne jamais perdre de vue sa ligne éditoriale et assurer un rôle central, entre le design et de l’expérience utilisateur. Il faut aussi être persévérant et patient : on revient souvent sur ce qu’on a déjà fait, donc il faut savoir mettre son ego de côté. On fait des tests, et parfois ça ne marche pas. Il faut savoir recommencer tout à zéro, ça peut être frustrant, mais ça fait partie du métier.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait s’orienter vers ce métier ?

Je dirais que l’idéal c’est d’être à la fois fondu de mots et de technologie. C’est le bon mix. Il faut aimer être aux prémices d’un projet et créer quelque chose de A à Z. Je pense aussi qu’il ne faut pas s’intéresser qu’à l’écriture, mais aimer le design, le graphisme, et l’UX de sites web au sens large. Il ne faut pas hésiter à se nourrir de tous les sites et tous les blogs sur le sujet. Je pense que c’est important de travailler son anglais également.

Je dirais que l’idéal c’est d’être à la fois fondu de mots et de technologie. C’est le bon mix. Il faut aussi aimer être aux prémices d’un projet, et créer quelque chose de A à Z.

Photos by WTTJ