Flex office : source de bien-être ou cadeau empoisonné ?

18. 9. 2020

5 min.

Flex office : source de bien-être ou cadeau empoisonné ?

On le voit sur sa chaise de bureau, à la terrasse d’un café ou sur son canapé… De qui parle-t-on ? Du salarié moderne ! Accompagné de son fidèle ordinateur et de son smartphone, c’est un nomade qui change d’espace de travail comme la reine d’Angleterre change de chapeau. Il s’installe dans l’open space où bon lui semble tant que la place désirée n’est pas occupée. Ces dernières années, ce mode de travail en flex office a fait son petit bonhomme de chemin et séduit de plus en plus d’entreprises qui voient leurs bureaux désertés depuis la pandémie de Covid-19. D’après une étude Deskeo publiée en mars 2021, 16% des entreprises l’ont déjà mis en place et 55% l’envisagent sérieusement, notamment les grands groupes qui y voient un moyen de faire des économies sur leurs dépenses immobilières… Mais est-ce vraiment une bonne chose pour les salariés ? Décryptage.

Le flex office, qu’est-ce que c’est ?

Le flex office ou l’absence d’attribution d’un poste de travail précis à un salarié, permet de changer d’espace selon ses tâches et ses missions : un bureau libre dans sa propre entreprise, un espace de réunion, une salle de coworking, un café…. La notion est à distinguer du desk sharing, phénomène qui induit que les salariés n’ont plus de bureaux attribués : chacun peut s’asseoir où il le souhaite au sein des locaux de l’entreprise.

D’après Claire Riondel, Directrice de la communication chez Uniq - un groupe qui réinvente le travail et crée des espaces de coworking -, cette tendance est née d’un triple constat :

  • Entre les missions hors des bureaux, les vacances, les RTT, les arrêts maladies… Certains espaces restent inutilisés dans les bureaux, une aberration pour les entreprises où chaque mètre carré a un coût.

  • La révolution digitale permet à chacun d’accéder à ses outils de travail partout et à toute heure.

  • Les salariés sont de plus en plus attachés au confort de travail. Ils cherchent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et veulent s’extraire des contraintes des horaires et des trajets domicile-travail interminables.

De quoi remettre en cause les codes de l’aménagement traditionnel : « Nous pensons que c’est la fin du bureau en tant qu’espace physique, explique Florian Delifer, CEO d’OfficeRiders (une marketplace de réservation d’espaces de travail, ndlr). Les mètres carrés qui étaient dédiés à des usages classiques auront de nouvelles fonctions : l’humanisation, la collaboration et la créativité. Le bureau va se décentraliser et les salariés se retrouveront dans des lieux éphémères qui seront le socle de l’expérience de travail de demain. »

Flex office : le pour et le contre

Si l’avantage du flex office est certain pour les entreprises, quelles conséquences pourrait-il avoir sur les salariés ?

Les « pour »

  • Être plus productif et créatif. L’autonomie du flex office permet de s’installer dans l’endroit le plus adapté à la tâche du moment. Manon, consultante chez Lecko, alterne ainsi entre différents espaces : « J’aime organiser mes rendez-vous professionnels dans un café où je suis plus détendue et créative. En revanche, si j’ai un travail complexe à faire, je reste chez moi où je suis beaucoup plus concentrée. Au bureau, je prends du temps pour échanger avec mes collègues et avancer sur nos projets. »

  • Réduire le temps de transport. D’après une étude de l’institut de l’aménagement et de l’urbanisme, le temps de transport moyen en région parisienne pour se rendre et rentrer du travail est en moyenne de 1h24… C’est très long !

  • Casser la routine. Chiguecky, consultante chez Lecko, valorise la liberté et l’autonomie que permet le flex office : « Je ne m’installe pas deux jours de suite au même endroit, cela change le rythme de ma semaine et rompt la routine qui pourrait s’installer. Et c’est surtout l’occasion de discuter avec des personnes différentes chaque jour. »

  • Nouer des liens. En travaillant à l’extérieur, il est possible de rencontrer des personnes de secteurs différents. En s’asseyant à différents postes de travail, on peut aussi mieux comprendre les différents métiers au sein de sa propre entreprise : « Qu’un développeur et un commercial travaillent l’un à côté de l’autre est une réelle valeur ajoutée. Chacun apprend de l’autre », explique Florian Delifer.

  • Le décloisonnement. Le flex office, c’est avant tout plus de liberté, plus d’autonomie… et un nouveau mode de management basé sur la confiance plutôt que sur le contrôle.

  • Plus de propreté et d’hygiène. Fini les piles de dossiers qui s’entassent, les restes de déjeuner sur le pouce de la veille et les mouchoirs usagés laissés sur un coin de bureau ! Les postes de travail n’étant plus attitrés, les employés en flex office doivent impérativement les nettoyer après leur passage pour que la prochaine personne qui s’y installe se sente à l’aise.

Les « contre »

  • La nécessité d’être très organisé. Vérifier les horaires d’ouverture d’un espace de coworking, appeler pour s’assurer que le Wi-Fi du café fonctionne correctement, pester en se rendant compte que les seules places restantes du bureau sont à côté du radiateur cassé…

  • Un bureau impersonnel. Oubliez la photo de mamie au coin de la table ou le pot à crayon en pâte à sel façonné par le petit frère, car le flex office suppose de ne laisser aucune trace derrière soi. On peut être perturbé de ne plus avoir son espace à soi au bureau.

  • Difficulté à garder le contact. Le vrai challenge des entreprises qui favorisent les pratiques nomades est de développer des outils de communication permettant à chacun de leurs salariés d’échanger avec leurs collègues, de suivre l’avancement d’un projet et de participer à la vie quotidienne de l’entreprise et ce même les jours où ils ne sont pas présents physiquement au bureau. Exit donc la mauvaise connexion Internet, l’ordi qui rame… Si l’entreprise n’investit pas assez dans la mise en place d’outils adaptés, cela peut impacter la productivité ainsi que la communication entre collègues.

  • Les collègues irrespectueux. Ces collègues qui ne respectent pas les règles du flex office en faisant d’un bureau le leur, ou qui s’assoient tout le temps avec les mêmes personnes ! Cela empêche les autres salariés de s’installer près de leurs collègues, ce qui impacte le travail en groupe, et les nouveaux dans l’entreprise profitent moins du brassage entre les différents collaborateurs que permet théoriquement le flex office.

  • La galère du flex desk. Quand des entreprises mettent à disposition moins de postes de travail qu’il y a d’employés, on parle de flex desk. Cela peut être source de problèmes d’organisation, générer des conflits entre collègues pour obtenir une place… Bref, mal organisé, le flex desk peut vite virer au cauchemar et impacter négativement le moral.

Flex office, bureau du futur ?

Le flex office a ses qualités… mais aussi son lot de difficultés. Pour les éviter, le meilleur moyen pour les entreprises est de mettre en place un management à l’écoute des salariés, de leurs envies, besoins et contraintes.

Les entreprises qui passent en flex office seulement pour des considérations financières, sans mettre en place un management adapté, risquent de devoir faire face à des employés mécontents ou malheureux. C’est une réalité connue depuis quelques années déjà. En 2009, le site Alcatel-Lucent de Vélizy passait en flex office. En 2003, Stéphane Dubled, élu CGT du site, témoignait dans les colonnes du Monde : « Les flex offices […] ont été très mal vécus. Il fallait faire des économies de mètres carrés pour accueillir les salariés d’Alcatel International. » Pour lui le flex office était « ressenti comme une économie de bouts de chandelle réalisée sur le dos des salariés. »

D’après une étude réalisée par Essec Workplace Management en juin 2021, seuls 4% des salariés se disaient favorables au flex office, jugeant ce mode de travail impersonnel, peu hygiénique et synonyme d’isolement. Les promesses du flex office seraient donc remises en cause.

Le flex office va-t-il donc, dans la lignée de son prédécesseur l’open space, créer des espaces de travail impersonnels et sans intimité où l’on se retrouvera collés les uns aux autres sur des longues tables vides ? Ou bien, est-il le mode de travail du futur qui permettra aux entreprises d’allouer plus d’espaces à la convivialité et au partage entre collaborateurs, et aux salariés d’améliorer leur équilibre vie pro-vie perso ? Il est important de souligner que, même si la mise en place du flex office a l’air d’être en marche, certaines entreprises en reviennent. C’est par exemple le cas de l’entreprise ekWateur qui a décidé de ne plus faire de flex office pour éviter ce qu’ils nomment “l’effet cantine” où, comme en primaire, chacun se bat pour s’asseoir à la place de son choix, de préférence à côté de ses meilleurs potes.

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Photo d’illustration by WTTJ

Preberané témy