« Je suis toujours en retard » : pourquoi et comment changer cette habitude ?

15. 1. 2018 - aktualizované 01. 12. 2022

8 min.

« Je suis toujours en retard » : pourquoi et comment changer cette habitude ?
autori
Manuel Avenel

Journaliste chez Welcome to the Jungle

Vous n’êtes pas vraiment du genre à être réglé comme du papier à musique ? Tout l’inverse, vous êtes plutôt lapin blanc d’Alice au pays des Merveilles et êtes tout le temps à la bourre ? Voici pourquoi vous n’arrivez jamais à être à l’heure au travail et comment changer cette (mauvaise) habitude.

À partir de quand sommes-nous vraiment en retard ?

Dans son ouvrage La Carte des différences culturelles : 8 clés pour travailler à l’international, Erin Meyer professeure de management américaine installée en France depuis 17 ans, démontre qu’être en retard dépend surtout d’où l’on se situe sur la planète. En France et dans le nord de l’Italie par exemple, il y a une marge de tolérance et dépasser l’heure indiquée d’un rendez-vous de quelques minutes, n’est pas totalement considéré comme un retard. Si vous arrivez à 10h07 au lieu de 10h, cela ne nécessite pas forcément de se confondre en excuses, explique-t-elle (en dehors des métiers où il faut pointer à heures fixes). Contrairement aux États-Unis ou à l’Allemagne (de par son histoire industrielle, les temps d’usine se sont calqués sur les rythmes de vie), la Scandinavie et la Grande-Bretagne où après l’heure, ce n’est plus l’heure. Enfin, les cultures du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Inde, ou d’Amérique du sud, auraient un rapport au temps beaucoup plus souple et qui compose avec les aléas de l’environnement (transports, météo…). Dans ses latitudes, arriver à 9h15 ou 9h45 est peu ou prou la même chose.

Mais dans votre cas, vous rognez largement sur le “quart d’heure de politesse” français ? On vous donne quelques raisons.

Pourquoi suis-je toujours en retard ?

Pour Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne, il existe principalement deux cas de figure aux deux extrêmes du continuum des retardataires. D’un côté les personnes qui ne parviennent pas à gérer leur temps, de l’autre celles pour qui de manière consciente ou inconsciente, être en retard est une manière d’exister. « Pour les premiers, cela remonte à quelque chose qui ne s’est pas mis en place dans l’enfance. Ils n’arrivent pas à planifier ou à se projeter suffisamment, peuvent avoir du mal à anticiper les trajets et ne prennent pas la mesure des problématiques que cela peut engendrer, pour eux, mais aussi pour l’environnement professionnel dans lequel ils exercent », explique la spécialiste. « Pour les seconds, c’est une façon de posséder le temps de l’autre et une façon d’exister. On peut imaginer que pour ces personnes-là, il y a quelque chose d’assez jouissif. C’est une façon de se différencier, de dominer un peu l’autre, en possédant le rythme d’une réunion par exemple. »

Louis XVIII a dit : « L’exactitude est la politesse des rois ». Mais voilà, vous n’êtes pas roi et n’êtes pas “exactement” à l’heure. Pour vous permettre de mieux comprendre, faisons le point.

Quel type de retardataire êtes-vous ?

1. Je n’ai pas la notion du temps

Toujours en retard ? Dans une étude, menée en 2003 par Jeff Conte de la San Diego State University aux États-Unis, sur 181 conducteurs de métro à New-York, des chercheurs démontrent que certains n’arrivent pas à être ponctuels car leur perception du temps est différente de la norme. Là où une minute est perçue comme 58 secondes par les conducteurs “efficaces”, pour les autres une minute représente 77 secondes ! Si cet écart de 19 secondes vous semble faible, faites le calcul sur une journée…

2. Le retard dépend de ma personnalité

Certains facteurs psychologiques contribuent au retard chronique. Une étude menée dans les années 90 par la professeure Diana DeLonzor, auteure de Never Be Late Again : 7 Cures for the Punctually Challenged, met en évidence les liens entre les retardataires compulsifs et certains traits de caractère comme l’anxiété ou le manque d’estime de soi. Elle identifie sept profils de retardataires :

  • Le « deadliner », le profil le plus commun, est celui qui ne parvient à être productif que dans l’urgence et qui affirme ne bien travailler que sous pression. Ce profil affronte quotidiennement la menace de la procrastination.

  • Le « producer », qui aime faire le plus de choses possibles en un minimum de temps, mais qui sous-estime la durée des tâches qu’il doit effectuer. Le « productif » prévoit trop d’activités en une seule journée.

  • L’ « absent minded professor », (en référence au célèbre professeur Tournesol) qui se laisse distraire facilement et ne peut pas passer d’un point A à un point B sans faire des détours par les points C,D… Ce type de personnalité, au lieu d’avancer efficacement sur le seul et même projet, va s’éparpiller sur des tâches secondaires.

  • Le « rationalizer », qui n’admet pas qu’il puisse être en retard et préfère blâmer les éléments extérieurs (les embouteillages, le métro etc.) Malheureusement quand celui-ci travaille au sein d’une team, c’est toute l’équipe qui pâtit de ses excuses.

  • L’« indulger », qui a du mal à gérer son temps et se blâme pour son retard. À force d’auto-persuasion, l’indulger pensera qu’il ne peut pas lutter contre cette mauvaise habitude.

  • L’« evader », qui essaie de maîtriser son anxiété en voulant tout contrôler, par exemple en ne quittant sa maison que lorsque celle-ci est parfaitement rangée, au risque d’être en retard.

  • Le « rebel », est une personne qui savoure le fait d’être en retard, parce qu’elle aime l’idée d’être attendue. Ce sont parfois des gens qui manquent d’assurance et se complaisent dans l’idée que quelqu’un les attend.

Vous vous êtes reconnus dans un ou plusieurs de ces portraits ? Les conseils qui suivent ont été hiérarchisés par type de personnalité mais ils sont tous bons à suivre pour gérer votre retard !

Les 6 conseils pour en finir avec son retard

1. Pour les « deadliners » : vaincre la procrastination

Étudiant, qui n’a pas connu les révisions de dernière minute ? La tendance à repousser les tâches que l’on n’a pas envie de faire est compréhensible mais la procrastination peut finir par polluer votre quotidien. Les projets ne sont pas délivrés à temps ou le sont mais la qualité en pâtit. Or, finir un projet est gratifiant et ça entretient l’estime de soi !

  • Faites une to-do list la plus détaillée possible
  • Faites-vous des clins d’œil à vous-même pour démarrer votre journée. Par exemple : quelques post-its bien placés sur votre bureau la veille pour vous guider dans les tâches à effectuer.
  • Décomposez les tâches les plus importantes en petites tâches.
  • « Tout travail mérite salaire » : quand vous faites une tâche à temps ou la première partie d’un projet, accordez-vous une pause.
  • Consacrez un temps limité à chaque tâche. Établissez une durée minimum pour certaines tâches (exemple : lire chaque semaine 5 articles) et une durée maximum (pas plus d’une demi-heure sur les mails le matin).

2. Pour les « professeurs Tournesol » : arrêter de se disperser

Arrêter de s’éparpiller demande de la discipline et de la pratique comme le sport.
La prochaine fois que vous sentez que vous allez vous égarer dans ce que vous faites ou que vous êtes prêt à arrêter de travailler, essayez les actions suivantes :

  • Résistez et travaillez une quinzaine de minutes de plus : ne pas céder immédiatement à une envie, c’est muscler votre volonté.
  • Demandez-vous quel est vraiment l’intérêt d’aller sur les réseaux sociaux alors que vous pourriez terminer votre travail plus tôt : faites le ratio entre plaisir immédiat (se distraire) et réalisation sur le long terme.

On peut aussi vous recommander des techniques de gestion du temps, comme la méthode Pomodoro ou les blocs de temps qui ont fait leurs preuves pour contrer la tendance à s’éparpiller façon puzzle. L’idée ? Alterner des temps de concentration avec des temps de pause réguliers. Vous pouvez par exemple plancher 25 minutes puis vous octroyer 5 minutes de répit. Ainsi, vos temps de pause sont inclus dans votre journée de travail.

3. Pour le « producer », l’« evader » ou l’« indulger » : muscler son organisation

La volonté fonctionne comme des piles, plus vous en usez, plus elle se fatigue. Au travail comme à la maison, le mot d’ordre c’est l’organisation ! Il existe des techniques simples à mettre en place pour ne pas se laisser déborder :

  • Économisez du temps sur les tâches répétitives qui vous prennent inutilement de l’énergie. Au travail, automatisez tout ce qui peut l’être.
  • Chaque week-end, notez une liste de tâches personnelles et professionnelles que vous voulez terminer durant la semaine.
  • À la fin de chaque journée, rayez vos tâches accomplies et reportez les autres au lendemain.
  • Mettez vos réflexions, vos idées et projets par écrit : liste, organigramme, notes à coller sur la porte d’entrée… toutes les astuces pour avoir les choses en tête sont bonnes à prendre.

4. Pour les « rebels » : essayer d’exister différemment

« Pour les personnes qui utilisent le temps comme une façon de posséder l’autre, il est nécessaire d’essayer d’exister autrement en commençant par arrêter d’utiliser cet outil que constitue pour eux le retard », explique Johanna Rozenblum. Cela passe par se faire remarquer grâce à d’autres talents par exemple. « Si arriver en retard en réunion vous procure une sensation de plaisir, il serait intéressant de comprendre ce que vous avez l’impression de perdre en arrivant à l’heure », indique la psychologue. Et sait-on jamais, peut-être qu’arriver en avance vous permettrez aussi de faire une entrée fracassante, mais de manière positive.

5. Envisager une thérapies cognitivo-comportementales

« Être en retard n’est pas à proprement parler un trouble de la personnalité ou une pathologie », rassure Johanna Rozenblum. Mais lorsque cela devient systématique, les thérapies cognitivo-comportementales peuvent être adaptées. « On fait un travail sur la cognition, c’est-à-dire sur la compréhension de cette mauvaise gestion du temps ce qui demande une forme d’honnêteté avec soi-même », développe la psychologue. Une des meilleures stratégies pour comprendre le tort que cela peut provoquer, c’est tout simplement de se mettre à la place de l’autre, sortir un peu de sa posture pour faire preuve d’empathie. « Et dans un deuxième axe de réflexion on agit sur la partie comportementale. On se demande : qu’est-ce qu’on peut mettre en place comme stratégie pour permettre de casser ces comportements inadaptés ? » On peut notamment utiliser la stratégie par essai-erreur. Si par exemple, vous estimez qu’il vous faut une heure pour vous préparer et arriver à l’heure au travail, testez ce laps de temps sur plusieurs jours. Si à la fin du test, vous constatez que vous êtes toujours en retard, ajoutez du temps supplémentaire à votre routine, jusqu’à ce que l’essai se montre concluant.

6. Pour tous, prendre soin de soi et dormir

Le manque de sommeil est une cause majeure du retard. Alors, pensez à vous coucher à une heure qui vous permet de dormir suffisamment. Rien n’est plus important que d’obtenir un sommeil de qualité avant de débuter la journée !
Des applications comme SleepyTime peuvent vous indiquer à quelle heure vous coucher et vous lever pour ne pas casser votre rythme. Lorsque vous dormez, vous enchaînez des cycles de sommeil de 90 minutes environ. Or, même si vous dormez pendant 8h, il suffit que votre réveil sonne au milieu d’un cycle de sommeil pour que vous soyez fatigué toute la journée.

Que reflète mon retard ?

La ponctualité est un trait de caractère recherché dans les entreprises. Celle-ci est signe de politesse, de savoir-vivre et de fiabilité. Vous arrivez souvent en retard, mais comme vous terminez votre travail de la journée, vous vous dites que ce n’est pas grave ?

Pourtant, vous risquez de devenir une source de stress pour vos collègues et votre boîte et de passer pour quelqu’un d’irrespectueux, de peu fiable. Votre équipe ne pouvant compter sur vous à l’heure, vous désorganisez le bon fonctionnement de celle-ci. Si vos collègues arrivent à l’heure et travaillent déjà depuis plusieurs minutes lorsque vous arrivez… Cela pourrait en irriter plus d’un.

Qu’est-ce que je risque ?

Dans la plupart des cas, votre entreprise doit vous avoir communiqué précisément vos horaires (évidemment, tout dépend de la structure dans laquelle vous travaillez, certaines sont plus ou moins flexibles sur les horaires). Si votre employeur est à cheval sur les horaires, un retard causé par un événement extraordinaire (intempéries, perturbation importante des transports…) est généralement excusé. Par contre, un retard répété sans raison solide peut être l’objet d’un avertissement, de sanctions (retenue sur salaire) et même de licenciement pour faute grave. De quoi réfléchir à cette mauvaise habitude et travailler sur soi pour changer.

Être en retard peut être bénéfique pour la santé !

Pour conclure sur une note moins angoissante, sachez toutefois que si la ponctualité n’est pas inscrite dans votre ADN (comme pour le paresseux), une étude de l’Université de San Diego corrèle le comportement des personnes en retard avec une forme d’optimisme plus prononcée que la moyenne. Don’t worry be happy, c’est un peu votre crédo ? Et bien être à la bourre permettrait de conserver une meilleure santé mentale et physique… Alors, ne pas être réglé comme une horloge est-il positif ? Peut-être pour vous. Un peu moins sûr pour vos collègues qui vous attendent.

Article mis à jour par Manuel Avenel, photographie par Thomas Decamps