Après une erreur au taf, comment rétablir la confiance sans se rabaisser ?

12. 7. 2021

6 min.

Après une erreur au taf, comment rétablir la confiance sans se rabaisser ?
autor
Lucile QuilletLab expert

Journaliste, conférencière et autrice spécialiste de la vie professionnelle des femmes

BADASS - Vous vous sentez illégitimes, désemparées, impostrices ou juste « pas assez » au travail ? Mesdames, vous êtes (tristement) loin d'être seules. Dans cette série, notre experte du Lab et autrice du livre de coaching Libre de prendre le pouvoir sur ma carrière Lucile Quillet décortique pour vous comment sortir de la posture de la « bonne élève » qui arrange tout le monde (sauf elle), et enfin rayonner, asseoir votre valeur et obtenir ce que vous méritez vraiment.

Il était l’enfant chéri, le Dieu, le nouveau Zidane, la carte Magic de l’équipe de France. Puis patatra. Au cours de l’Euro 2021, Kylian Mbappé n’a marqué aucun but. Pire : il a manqué celui qui aurait pu faire la différence, après que quatre de ses collègues aient réussi leurs tirs au but contre la Suisse en huitième de finale le 28 juin dernier. Championne du monde, la France est sortie par la petite porte. Et personne ne s’attendait à ce que celui qui est d’ordinaire la cerise sur le gâteau fasse s’écrouler la pièce montée.

On s’imagine Mbappé déchirer de colère son maillot dans les vestiaires, passer ses journées volets fermés en écoutant Radiohead et sortir acheter sa baguette de pain chez la boulangère avec un masque anti-Covid et des lunettes de soleil XXL. Parce que l’on se figure l’échec comme cette vilaine tache qui va noircir notre vie professionnelle pour toujours. Alors que c’est en gardant la tête haute - comme Mbappé - qu’on minimise son impact.

Demain, le soleil brillera toujours

Transposé à notre open space, un échec majeur nous pousse en général à renoncer à l’ascenseur pour les escaliers de secours, être de tournée café-croissant pour tout le service chaque matin et sourire désormais à toutes les idées sorties de nulle part de notre boss. Encore plus quand on a été élevée en tant que fille à ne pas décevoir les autres et jouer Miss Parfaite sur tous les fronts.

On imagine que notre bourde, notre ratage, notre échec, quel qu’il soit, restera gravé au fer rouge sur notre front. Nous sommes convaincues que tout le monde nous méprise. Que pour faire amende honorable, il faut s’écraser pendant un bon moment. Et que plus on s’écrase, plus on sera pardonné. Et qu’en attendant, le soleil s’est couché sur nos perspectives car notre légitimité est mise sur pause. C’est évidemment faux.

Je ne sais pas si Mbappé a fait des blagues à sa boulangère dès le lendemain de la défaite de la France. Ce que je sais, c’est qu’il fait toujours partie de l’équipe de France. Qu’il est toujours en position de force pour dire qu’il ne va pas rester trop longtemps au PSG et que lui et le Real Madrid s’envoient toujours des charmes. Tout aussi vrai que l’échec de la France à l’Euro n’a pas coûté à Didier Deschamps son poste de sélectionneur des Bleus. Et que, défaite ou pas défaite, on aura toujours les yeux dans les Bleus.

Comment sortir d’un fail avec panache

Conseil n°1 : créez le « moment » solennel des excuses

On ne va pas se mentir : vous n’allez pas arriver le torse bombé juste après avoir fait capoter un gros contrat en débarquant avec deux heures de retard (avec, en prime, le Powerpoint de présentation sur votre clé USB). Ignorez ou niez votre faute et cela deviendra le boulet à votre pied pendant des mois.

Quand on se ramasse, il faut accuser le coup, le reconnaître, mais d’une façon bien spécifique : directement vis-à-vis des personnes impactées (vous assumez), juste après votre erreur (chaque jour passé ferait grandir leur colère de façon exponentielle), et sans tergiverser.

Inutile d’ajouter un « mais » suivi de l’excuse lamentable qui ne changera rien (« mais j’ai vraiment été coincée par la tournée matinale des éboueurs ») que vous avez déjà dite mille fois. Vos collaborateurs n’ont pas besoin que vous vous déresponsabilisiez : leur frustration a besoin de reconnaissance.

Après la défaite, Mbappé a donné le ton via un post sur Instagram dès le lendemain qui fait office de modèle en la matière : « … Je suis désolé pour ce penalty (excuse). J’ai voulu aider l’équipe mais j’ai échoué (constat objectif partagé par tous). Trouver le sommeil sera difficile (je le vis mal aussi) mais c’est malheureusement les aléas de ce sport que j’aime tant (big picture). Je sais que vous les fans vous êtes déçus (reconnaissance), je voudrais quand même vous remercier pour votre soutien (évocation de jours heureux dans le passé)… Le plus important sera de se relever encore plus fort pour les prochaines échéances à venir (projection dans l’avenir). Félicitations et bonne chance à la Suisse (attitude exemplaire de bon perdant) ».

C’est simple, lucide et solennel, sans être drama queen. Mbappé a endossé la responsabilité tout en recréant du collectif et six millions de personnes ont liké (vous voyez, tout le monde ne vous détestera pas).

Appliqué à votre grasse matinée surprise, ça donnerait : « Je vous présente mes excuses pour avoir fait tomber à l’eau cette opportunité, j’en assume la totale responsabilité. Je suis moi aussi en colère contre moi, même si ce sont des choses qui arrivent. Je mesure ce que cela coûte à l’équipe, d’autant que nous avons si bien travaillé ensemble. Je sais que nous serons capables de rebondir. »

Il vous faut cette séquence d’excuses un brin cérémonieuse afin de donner lieu à la catharsis collective, mais surtout marquer le coup pour qu’il y ait un « après ». C’est pourquoi - dernière condition - on s’excuse bien, certes, mais une seule fois. La séquence traumatique bouclée, l’événement est derrière l’équipe, et surtout derrière vous. Next.

Conseil n°2 : continuez votre vie normalement

Par la suite, vous n’avez pas à en faire quatre fois plus ni à conditionner le pardon des autres à des promesses impossibles (les « Ça n’arrivera plus jamais », « Je serais irréprochable désormais » que vous avez soigneusement évité de prononcer durant votre messe d’excuses), tout comme vous n’avez pas à renoncer aux perspectives d’évolution dont vous parliez depuis six mois avec votre boss.

Vous avez pensé qu’investir au nom de l’entreprise dans une application de rencontres pour férus du Moyen- Âge était une bonne idée et ça ne l’était pas. Shit happens. L’échec fait partie du processus d’apprentissage. C’est autorisé. Vous n’avez pas signé pour exceller non stop ni avoir tout le temps raison. Rien ne garantit à votre employeur que votre comportement, votre vision, votre intuition ou votre gestion seront infaillibles (vous n’êtes pas un algorithme). Le risque est un paramètre normal, l’erreur, une possibilité. Ce n’est pas un événement qui va annihiler tout votre passé. L’important est d’apprendre et avancer. Pas de s’auto-flageller ad vitam aeternam.

Conseil n°3 : créez d’autres images

Vous vous souviendrez longtemps de vos sueurs froides et de ces nuits où vous envisagiez de fuir et vous reconvertir dans la vente de churros sur la Côte d’Azur (vous êtes comptable). Vos collaborateurs, non. Les gens ont la mémoire courte, sauf si vous la rafraîchissez régulièrement. Ne parlez plus de « l’incident » et souvenez-vous que le ridicule et la honte ne vous empêcheront pas d’aller loin (« La routourne va tourner »).

Évidemment, vous pourrez toujours compter sur le collègue-boule-puante pour rejouer à la machine à café le bégaiement qui a fait de votre conférence publique un mème en interne…

Aucune image n’est vouée à vous coller à la peau à vie, mais tout dépend de vous. Si vous vous énervez contre le collègue-boule-puante, vous resterez marquée par le stigmate de la honte. En revanche, une moquerie qui ne blesse pas est une moquerie qui tombe à plat. Répondez calmement avec un brin de distance : « Bravo pour cette imitation, mais j’étais deux octaves au-dessus en vrai ».

L’auto-dérision vous permet de dégoupiller la moquerie, mais attention : elle ne doit pas donner le feu vert à vos collègues pour faire de “l’incident” un running gag. Pour passer à autre chose, il faut remplacer le mauvais souvenir (Benzema éjecté de l’équipe de France sur fond de chantage à la sextape) par de meilleurs (Benzema excelle dans les clubs étrangers et nous manque… et marque pendant l’Euro).

Du côté du commun des mortels, ça signifie parler de ses nouveaux projets, des perspectives futures, de votre enthousiasme pour la formation que vous allez suivre (pourquoi pas un training en élocution, tiens ?). Rien d’extraordinaire, juste ce qui montre que vous rebondissez et continuez votre vie et que les autres peuvent eux aussi passer à autre chose.

Conseil n°4 : intégrez l’échec à votre storytelling

Cerise sur le gâteau. Après beaucoup de temps (et plein de réussites), vous pouvez reparler de cet échec en l’intégrant intelligemment à votre storytelling (c’est hyper tendance et ça humanise les grands de ce monde) façon rise-and-fall-and-rise. La condition sine qua none étant : on réveille le volcan endormi uniquement pour un feu d’artifice géant, et non une coulée de lave mollassonne. Autrement dit : l’anecdote n’est utile que si elle exacerbe votre mérite, votre progression ou votre position actuelle, pas si elle fait juste remonter à la surface un fait gênant « pour le fun ».

À dire : comment vous avez vraiment appris le russe après avoir dit à votre client moscovite que vous aimiez beaucoup sa cravate (« kravat » signifie « lit » en russe). À ne pas dire : comment vous avez roulé une pelle dans l’ascenseur au client moscovite qui vous écrit chaque jour depuis…

Au présent, notre erreur est un fait. Dans le futur, elle sera ce que nous en ferons. Elle peut être une simple anecdote, ou l’un des mots clés qui nous résument. Elle peut être un spectre honteux ou une leçon qui nous fait prendre du recul et mesurer le chemin parcouru. Aux yeux des autres, elle est une mise à l’épreuve de notre vulnérabilité, notre assurance, notre résilience et notre capacité à rebondir. Le fail est une étape professionnelle comme une autre. C’est en gardant la tête haute que vous ne le laissez pas vous tirer définitivement vers le bas.

Édité par Eléa Foucher-Créteau

Preberané témy