Faire partie d'une association étudiante : utile pour trouver un job ?

17. 11. 2020

9 min.

Faire partie d'une association étudiante : utile pour trouver un job ?
autor
Alexandre Nessler

Journaliste - Welcome to the Jungle

Le visage de Matthieu, 26 ans, s’illumine lorsqu’il repense à ses années d’études, magnifiées par son expérience dans l’association étudiante de sports extrêmes de son école. « On était chargés d’organiser le séjour au ski, le mud day (course d’obstacles dans la boue, ndlr), une activité de saut à l’élastique, et quelques soirées bien arrosées », se souvient-il, non sans un brin de fierté. « C’était la belle époque, dans l’école, tout le monde nous connaissait, on était un peu le noyau de la promo. Ça a rendu mon passage en école de commerce bien meilleur que ce j’aurais pensé ». S’il est indéniable que rejoindre une des 10 000 associations étudiantes que l’on recense en France peut être gratifiant sur le plan personnel et pimenter la vie étudiante, l’expérience s’avère-t-elle pour autant utile sur le long terme, à savoir sur le plan professionnel ? Est-ce un passage obligé ou seulement un passe-temps extra-scolaire, qui éloigne des études et ne remplace jamais un bon vieux stage ? Pour le savoir, nous avons interrogé des étudiants, des anciens étudiants et un coach en recherche d’emploi.

Une expérience formatrice

Premiers pas dans la vie professionnelle

Si Matthieu s’extasie en se remémorant ce moment de sa vie, il reconnaît aussi volontiers que l’expérience peut être aussi formatrice que fun. « Professionnellement, c’est une bonne entrée en matière. Même si ça ne forme peut-être pas autant qu’une expérience en entreprise, c’est une bonne façon de se préparer à ce qui t’attend dans la suite de ta carrière, à condition d’être investi. »

Aujourd’hui Sales Manager dans une start-up parisienne du secteur de la coiffure, le jeune cadre dynamique se souvient avoir fait ses premiers pas dans la vente au sein de l’association, qui comptait alors une trentaine de membres. « J’ai fait mes premières prospections dans ce cadre, pour trouver des sponsors à l’association. Et mon tout premier rendez-vous commercial, je l’ai fait avec une entreprise partenaire qui nous fournissait des boissons gratuites pendant les événements. »

De quoi poser les bases de ce qui allait devenir son futur métier. Mais ce qu’il retient, c’est surtout la similarité entre le fonctionnement d’une association et celui d’une PME. « Il faut bien se rendre compte qu’une asso étudiante, c’est une mini-entreprise ! On y acquiert donc les codes du monde pro, et on apprend à adopter certains bons réflexes, résume-t-il. Alors que je n’avais jamais fait de développement commercial auparavant, ça m’a permis d’arriver en stage mieux préparé, sans être totalement perdu. » Avant d’ajouter, un brin moqueur, « Finalement, quand je pense que les lendemains de soirées je me rendais à des réunions commerciales alors que j’aurais pu dormir toute la journée, je me dis que c’est dans ces moments-là que j’ai appris ce que voulaient dire les mots “responsabilités” et “professionnalisme”. »

Du fun, et des compétences

Pour Thomas, membre du Bureau des étudiants à l’ESCP Europe l’an dernier et désormais en année de césure, le côté professionnalisant des associations étudiantes n’est plus à prouver. « Je conseille vraiment à tout étudiant de rejoindre une asso, sans hésiter. C’est bien plus formateur que les cours et les cas pratiques, on y apprend à travailler en équipe dans des conditions bien plus proches de la réalité professionnelle. » Avec un budget d’environ 600 000 euros alloués à l’asso pour organiser week-end d’intégration, voyages, galas et soirées de remises des diplômes pour plusieurs centaines d’étudiants, Thomas n’a pas eu d’autre choix que de se familiariser rapidement avec certains outils qu’il pourra sans doute retrouver en entreprise. « J’ai pu me perfectionner sur Excel, et découvrir certaines solutions de recueil de data, ce qui me sert dans mon stage, notamment pour faire les budgets prévisionnels. » De cette expérience, il est sorti bien plus confiant, plus sûr de ses capacités. « Grâce à ça, j’ai beaucoup progressé dans l’analyse de données et ça tombe bien parce que c’est vers ce genre de postes que je veux m’orienter aujourd’hui. », assure-t-il. 

En complément de ces nouvelles cordes à son arc, l’actuel stagiaire dans la publicité n’oublie pas non plus les “soft skills” que sa mission au sein de l’asso lui a permis d’acquérir. « J’avais le dernier mot sur les dépenses, je ne pouvais pas faire n’importe quoi, donc forcément, ça forge le sens des responsabilités. Et puis, la vie en asso permet aussi de s’améliorer au niveau relationnel, car il faut s’adapter au caractère de chacun. En plus, en tant que trésorier, faisant partie du noyau dur de l’association avec le président et les vice-présidents, c’était important pour nous de bien gérer cet aspect relationnel avec les autres membres de l’asso pour ne pas donner l’impression d’être une bulle hermétique », affirme-t-il, bien conscient de l’importance du savoir-être et de la communication en entreprise.

Arthur, membre du Bureau des arts à l’IESEG de Lille en 2015, est quant à lui plus nuancé sur les enseignements de l’association étudiante. S’il ne conteste pas le fait que ce type d’expérience puisse être formateur, il ne cache pas avoir été un peu déçu de ce côté-là lors de son passage au BDA (Bureau des Arts, ndlr). « Je pense que tout dépend du type d’association dans laquelle on met les pieds et du sérieux de ses membres. Et puis, l’école joue aussi un rôle important, analyse-t-il. À l’IESEG, elles n’étaient pas très valorisées alors les étudiants s’y investissaient peu. Au contraire, dans d’autres écoles, les associations font partie intégrante de la vie étudiante, ce qui, je pense, motive davantage les étudiants. »

Les bénéfices, sur le plan professionnel, seraient donc inégaux selon les associations et les écoles qui les hébergent. Si vous attendez d’une association étudiante qu’elle soit formatrice, assurez-vous en amont que l’équipe soit motivée et sérieuse, et essayez de vous faire une idée de l’importance des associations dans la vie étudiante de votre école ou université. 

Et sur le CV, ça marche ?

Expérience associative étudiante VS expérience pro : Qu’en pensent les recruteurs ?

Depuis quelque temps déjà, Flora, étudiante en deuxième année du “programme grande école” d’Audencia, est attirée par l’humanitaire. C’est donc assez logiquement qu’elle a rejoint l’association étudiante Un autre monde, qui organise chaque année des missions d’aide aux plus démunis aux quatre coins de la planète. En charge d’un projet de construction d’une école dans un bidonville péruvien, où elle devait se rendre avec un groupe d’étudiants locaux et participer au chantier, elle ne peut qu’être déçue de n’avoir pas pu concrétiser son travail en raison de la pandémie. Néanmoins, Flora est consciente que cette expérience a malgré tout été très enrichissante, aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Pendant quasiment un an, elle a eu la lourde tâche d’être l’unique intermédiaire avec l’association péruvienne qui les appuyait à l’autre bout du globe. Il lui a fallu de la patience et de la diplomatie pour que la relation de confiance entre les deux associations soit maintenue. Et puis, avec le reste de l’équipe, elle a dû faire preuve d’inventivité pour récolter le budget nécessaire à la réalisation de la mission. Comme Thomas, elle a gagné le sens des responsabilités et en autonomie : « Surtout lorsque j’ai dû décider, seule, de l’utilisation de l’argent récolté une fois la mission annulée. » 

Nul doute que la taille du défi et le contexte singulier dans lequel elle a dû le gérer resteront longtemps des sources de fierté pour la jeune femme, convaincue que cette expérience fut tout sauf une perte de temps, malgré les sacrifices auxquels elle a dû se résoudre « En raison de mon engagement dans l’association, j’ai été exemptée du stage obligatoire de 6 semaines en entreprise prévu cette année, explique-t-elle. Pour moi, ce n’est pas bien grave parce que je considère avoir bien plus appris en gestion de projet au sein de l’asso que je n’aurais pu le faire en stage. Mais encore faudrait-il que les entreprises le voient aussi de cet œil… » En recherche active d’un stage pour le début de l’année prochaine, l’étudiante peine à décrocher des entretiens malgré ses nombreuses candidatures et s’inquiète de plus en plus pour son avenir professionnel. « J’ai l’impression que mes camarades de promo ont moins de mal que moi à trouver un stage. Les entreprises semblent préférer une courte expérience en entreprise plutôt qu’un an de travail au sein d’une association étudiante. J’en arrive à regretter d’avoir manqué ce premier stage et d’avoir opté pour la mission humanitaire… »

Tout est dans la forme

Car effectivement, si les différents témoignages s’accordent sur les enseignements d’une expérience en association étudiante, la crédibilité de celle-ci aux yeux des recruteurs reste à prouver. Pour Christopher Nadaud, recruteur et coach en recherche d’emploi, les missions en associations sont de vrais plus en recherche d’emploi. « Aujourd’hui, lorsqu’un recruteur met en ligne une offre d’emploi, non seulement il reçoit énormément de candidatures, mais en plus la quasi-totalité des profils sont quasi identiques », décrypte-t-il. « Pour les postes juniors, tous les candidats ont fait le même genre d’études et le même nombre de stages… Alors, lorsqu’un candidat mentionne ce type d’expérience, cela ne peut que jouer en sa faveur. » 

Notre recruteur ne doute d’ailleurs pas un seul instant du caractère formateur des associations étudiantes : « Même lorsqu’on n’y apprend pas de nouvelles compétences, on peut toujours au moins y développer certaines soft skills très utiles dans le monde du travail. » Mais reconnaît que certains recruteurs peuvent avoir un a priori négatif en raison de la nature étudiante de l’association, qu’ils considèrent plus comme un cas pratique réalisé dans le cadre des études que comme une véritable expérience professionnelle. « Ils peuvent s’interroger sur le sérieux de l’association, sur la rigueur du travail de ses membres, et sur le rôle plus ou moins important de l’étudiant au sein de celle-ci. » Le recruteur conditionne donc cet avantage concurrentiel à la manière de le présenter. « Il ne faut pas oublier que chercher un emploi, c’est déployer une stratégie de vente auprès d’un employeur. Par conséquent, chaque élément de notre profil ne doit pas servir à parler de soi mais à “justifier” ce qu’on peut apporter à l’entreprise. » Plutôt que de se centrer sur le poste occupé au sein de l’association, il préconise de décortiquer directement les compétences et soft skills développées dans ce rôle. « Oubliez l’expérience, le titre, pensez compétences ! Le plus important, notamment sur un CV, ce sont vos savoir-faire et savoir-être, peu importe où vous les avez acquis », insiste-t-il. 

Et le réseau dans tout ça ?

Les liens indestructibles de l’association étudiante

Même si cela n’est pas systématique, l’association étudiante participe aussi à tisser les premières connexions de son réseau professionnel. Pour Matthieu, l’ancien développeur commercial de l’association de sports extrêmes, l’aventure associative semble l’avoir marqué à jamais, comme en atteste le tatouage aux initiales de celle-ci qu’il arbore fièrement sur son bras. Et ce notamment par les rencontres qu’elle lui a permis de faire et les amitiés qu’elle lui a permis de nouer. En effet, il est encore très proche de ses anciens camarades d’association, qui jouissent ainsi d’une place de choix au sein de son réseau professionnel, et inversement. Par ailleurs, il ajoute que faire partie de l’équipe organisatrice de nombreuses soirées et activités dans son école l’a doté d’une certaine notoriété au sein de sa promo. « Je connaissais quasiment tout le monde, et j’ai gardé beaucoup de contacts. » 

L’occasion de rencontrer des professionnels et les Alumni de son école

Thomas, le trésorier du BDE, quant à lui, considère plutôt être parvenu à étendre son réseau grâce à ses contacts réguliers avec les précédents mandataires (chaque année, une liste d’étudiants différente est désignée pour prendre en charge le bureau, ndlr), aujourd’hui diplômés ou en fin d’études. « On faisait souvent appel à eux pour qu’ils nous conseillent sur l’organisation ou la gestion du budget. D’ailleurs, quand j’ai besoin de contacter des professionnels pour m’éclairer sur mon projet de carrière, je vise souvent ceux qui ont fait partie du BDE comme moi, ça permet de s’identifier plus facilement », explique-t-il. N’oublions pas non plus les professionnels avec lesquels on est amenés à interagir pour le compte de l’association. Les sponsors, les clients, les conseillers juridiques, sont autant de rencontres qui peuvent facilement constituer les premières branches de votre réseau professionnel

Mais pour Christopher Nadaud, néanmoins, développer son réseau n’a de sens que si l’on pense à l’entretenir. « Il ne suffit pas d’avoir des contacts pour créer des opportunités. Les opportunités arrivent lorsqu’on participe à un échange de bons procédés, lorsqu’on est présent pour son réseau, à l’écoute et disposé à l’aider à notre tour si besoin », rappelle-t-il. « C’est très bien d’avoir pu étoffer son carnet d’adresses grâce à l’asso étudiante, mais il faut tout de même aller plus loin que cela pour voir des résultats concrets. »

Si vous ne vous êtes pas encore décidé à rejoindre une association étudiante, sachez que lorsqu’elle est habilement choisie, c’est-à-dire que le projet est sérieux et ses membres investis, elle peut être source d’enrichissement aussi bien personnel que professionnel, et même renforcer votre CV ! Mais ne forcez pas le destin, restez dans une démarche honnête et volontaire, comme le conseille sagement Christopher Nadaud, « que ce soit pour rejoindre un BDE, BDA, une association humanitaire ou autre, ne le faites que si vous en avez une envie profonde, pas uniquement pour la ligne sur le CV. Si vous calculez trop, vous risquez de ne pas vous investir, de la quitter prématurément, ou de ne rien en tirer. Et si vous n’êtes pas capable de parler des enseignements de cette expérience à un recruteur, cela pourrait avoir l’effet inverse de celui que vous souhaitiez. » Et si votre expérience associative est derrière vous et que vous souhaitez la mettre en avant dans vos recherches de stage ou d’emploi, n’oubliez pas de soigner la forme, en insistant davantage sur ce que vous avez appris que sur les responsabilités qui étaient les vôtres

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Photo d’illustration by WTTJ

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