4 leçons de management à piquer aux corona-parents

26. 7. 2021

5 min.

4 leçons de management à piquer aux corona-parents
autor
Laetitia VitaudLab expert

Future of work author and speaker

Pas facile d’être parent, encore moins depuis le début de la crise sanitaire. Entre l’école à la maison, l’isolement et le manque de soutien extérieur, la période a été rude. Certain·e·s ont dû demander le chômage partiel faute de pouvoir travailler et s’occuper d’enfants à domicile. D’autres ont fait un burnout à force d’essayer d’être sur tous les fronts. Mais il y a aussi celles/ceux qui s’en sont sorti·e·s tant bien que mal et ont l’impression d’avoir désormais de nouveaux atouts au travail, faisant d’eux, de meilleur·e·s managers. Connaissance de soi, efficacité, compassion, sens du compromis…. Autant d’apprentissages qui se sont parfois faits dans la douleur, mais dont nous pouvons nous inspirer. Quelles sont donc les leçons de management de ces “corona-parents” à chiper de toute urgence ?

En préambule…

Management et parentalité : le parallèle semble facile à établir. Gardons nous cependant de considérer les salariés comme des enfants, et encore moins d’envisager l’entreprise comme une famille, qui plus est si l’on se base sur une définition trop dirigiste de la parentalité. Malgré tout, il existe de nombreuses passerelles à explorer, si tant est que l’on envisage la parentalité et le management comme la capacité à créer l’environnement adéquat pour faire grandir les individus. Voici donc les 4 leçons de leadership que l’on peut tirer de la corona-parentalité.

1/ Il faut un village pour faire grandir un talent

La leçon de parentalité

Comme dit le proverbe, “il faut tout un village pour élever un enfant” : c’est-à-dire d’autres adultes référents, d’autres enfants, différentes institutions, etc. en plus des seuls parents. Or la crise sanitaire a recentré l’éducation des enfants sur la seule famille nucléaire. Pour les familles monoparentales, cela a été un désastre. Pour les familles avec deux parents, l’un des deux a souvent subi une surcharge insoutenable qui risque de compromettre sa progression de carrière de manière durable.

Les parents qui s’en sont le mieux sorti·e·s sont ceux/celles qui ont su faire levier des réseaux d’entraide entre pair·e·s, en ligne et hors ligne, pour trouver des informations, mutualiser les ressources avec d’autres parents (et grand-parents), organiser la garde des enfants ou le soutien scolaire.

La leçon de leadership

Dans les équipes professionnelles, c’est la même chose. Les relations (horizontales) entre pairs jouent un rôle généralement plus important que la seule relation managériale (verticale). Privé·e·s d’une partie des relations informelles qui avaient lieu au bureau, les nouvelles recrues ont particulièrement souffert et eu du mal à s’intégrer à l’équipe. Souvent, on n’a pas su retrouver à distance la même densité de relations entre pair·e·s. On a appris qu’on ne pouvait pas s’en passer et qu’il fallait mettre l’accent là-dessus, y compris à distance. Pour ce faire, on peut s’inspirer, par exemple, du système des “trois Buddies” mis au point par Buffer. Chaque nouvelle recrue est encadrée par 3 parrains/marraines, un qui a le même rôle dans l’organisation, un plus senior qui explique la culture, et un troisième qui est manager.

2/ Stop à l’infantilisation des collaborateurs/trices

La leçon de parentalité

La parentalité du XXIe siècle serait beaucoup plus dirigiste que celle de nos aîné·e·s, et avec la pandémie, on s’est vite rendu compte des limites de ce modèle. On voudrait stimuler sans cesse nos enfants, mais aussi ne jamais les perdre de vue pour mieux les protéger. En gros, être parent, c’est plus de travail qu’avant ! C’est ce qu’explique la psychologue américaine Alison Gopnik dans un best-seller intitulé The Gardener and the Carpenter (2016) (“le jardinier et le charpentier”). Dans cet ouvrage, elle estime que nous nous trompons d’approche quand nous prétendons façonner les enfants comme un charpentier façonne le bois.

Il faudrait lui préférer la métaphore du jardinier qui assure un environnement adéquat (riche en eau et nutriments) pour que les plantes poussent et s’épanouissent d’elles-mêmes. Notre mission n’est pas de façonner l’esprit des enfants, c’est de les laisser explorer par eux-mêmes les possibilités qu’offre le monde, écrit-elle. Il faut dire que la période de pandémie a compliqué la vie des parents charpentiers : il est impossible de “micromanager” ses enfants tout en travaillant à temps plein ! Celles/ceux qui ont su rendre leur progéniture plus autonome ont mieux réussi.

La leçon de leadership

Il en va des managers comme des parents : les confinements et l’incertitude liée à la crise sanitaire ont causé moult burnouts chez les micro-managers. Surveiller son équipe en continu, c’est épuisant ! Et c’est aussi moins efficace car l’infantilisation et le manque de confiance ne favorisent pas la prise d’initiative. Les salarié·e·s gaspillent leur temps dans des “tunnels Zoom” et y perdent en productivité. En revanche, les valeurs de l’artisanat (autonomie, responsabilité, créativité) peuvent inspirer un management plus “fertile”, nourrir l’état d’esprit de croissance chez ces salarié·e·s et éviter le surmenage.

3/ Gérer les priorités, la clef du succès

La leçon de parentalité

Même avec l’aide des pair·e·s et même en adoptant la posture parentale du jardinier, les parent·e·s actifs/actives se sont parfois retrouvé·e·s dans des impasses. Il a fallu parer au plus urgent et abandonner certaines choses, c’est-à-dire apprendre à gérer les priorités du foyer et du travail. Certain·e·s ont sagement renoncé à tout cuisiner eux/elles-mêmes. D’autres ont habilement esquivé le soutien scolaire concernant les activités qu’ils/elles ont jugées idiotes. D’autres encore ont été moins perfectionnistes au travail.

Ce qui est important est rarement urgent et ce qui est urgent est rarement important,” aurait dit le président Dwight Eisenhower qui a donné son nom à une méthode de gestion du temps, la “matrice Eisenhower”, développée comme moyen de donner des priorités aux tâches dans son travail. La matrice dispose d’un axe d’importance (niveau de gravité) et d’un axe temporel (urgent, pas urgent). Elle offre des critères clairs pour “éliminer” certaines tâches et en “déléguer” d’autres.

La leçon de leadership

La matrice d’Eisenhower est connue dans le monde du management, mais elle est souvent appréhendée comme un outil de productivité strictement individuel. C’est au niveau de l’équipe toute entière qu’il faudrait l’utiliser. Or de nombreux/nombreuses managers imposent trop de tâches plus ou moins inutiles à leurs salarié·e·s. La charge de travail de chacun·e est un sujet d’organisation d’équipe. Si elle est trop lourde pour être compatible avec une vie de famille, la marge de manœuvre des individus restera étroite.

4/ Bye bye le multitasking

La leçon de parentalité

On n’avait sans doute pas besoin d’une pandémie pour réaliser que changer une couche tout en intervenant dans une réunion Zoom, ça n’est pas possible. Pendant des années, on a entretenu ce mythe selon lequel les parents (et surtout les mères) seraient capables de réaliser plusieurs tâches en même temps avec la plus grande efficacité. Aujourd’hui, on sait que le multitasking diminue grandement la productivité.

Obligé·e·s d’avoir plusieurs casquettes dans un même espace-temps, de nombreux parents se sont sentis dépassés, traversés par l’impression d’être de mauvais parents, mais aussi de mauvais salarié.e.s. En guise de parade, certains ont développé des techniques pour protéger leur concentration et sérialiser leurs tâches (c’est-à-dire les faire les unes après les autres) plutôt que d’essayer de toutes les réaliser en même temps. Par exemple, de nombreuses personnes se sont tournées vers la technique Pomodoro : une technique de gestion du temps faite de cycles itératifs de courtes périodes de deep work.

La leçon de leadership

Face à la surcharge cognitive engendrée par notre utilisation abusive des applications numériques et celle liée aux tâches parentales et domestiques, le sujet de la concentration est devenu central dans toute réflexion sur la productivité. Or pour pouvoir se concentrer, il faut créer un environnement propice à la concentration, d’une part en ménageant un espace de concentration pour ses salarié·e·s et d’autre part, en accordant le plus d’autonomie possible à ses salarié·e·s pour qu’ils/elles puissent se ménager des plages de concentration dans leur emploi du temps. S’il s’est révélé si difficile de trouver un équilibre entre les vies de parent et de salarié·e, peut-être que c’est l’intégration qu’il faudrait plutôt viser.

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Photo par WTTJ

Article édité par Paulina Jonquères d’Oriola

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