Peur de se faire virer : comment gérer au quotidien ?

17 juin 2020

8min

Peur de se faire virer : comment gérer au quotidien ?
auteur.e
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

« “Julie, vous pouvez venir dans mon bureau s’il vous plaît ?” … Ça y est ! Je vais me faire virer. C’est sûr, c’est mon tour ! Je me lève, le cœur battant et les jambes tremblantes. Ma gorge est nouée et mon estomac serré. Il y a eu ce jour où j’ai foiré mon rendez-vous, ce reproche que mon manager m’a fait et la montagne de travail que je n’arrive pas à abattre aussi vite que je le voudrais. Dans ma tête les scénarios défilent. Annoncer à mes proches que je me suis faite virée, aller m’inscrire à Pôle Emploi et me laisser aller à la déprime… Toute cette angoisse, pour finalement comprendre que mon manager voulait me confier un nouveau projet. Mais comment ai-je pu me monter la tête à ce point ? Et pourquoi ai-je sans arrêt l’impression d’être sur un siège éjectable ? »

Pas de panique, c’est normal ! C’est le lot de nombreux salariés, en particulier en cette période de turbulences. Nos recommandations pour vous aider à prendre du recul et mieux gérer cette situation…

La crise, zone de turbulence

Selon une enquête réalisée par Odoxa-Dentsu consulting pour France Info et Le Figaro et publiée le 4 juin dernier, 41% des personnes interrogées ont peur de perdre leur emploi. Autrement dit quatre français sur dix se sentent sur la sellette. Et c’est vrai qu’au regard de la situation actuelle, il y a de quoi trembler. Le covid-19 est passé par là, emportant avec lui de nombreuses entreprises sur son passage. Tandis que le baromètre réalisé par la Coface (organisme d’assurance-crédit pour les entreprises) joue les oiseaux de mauvais augure concernant l’avenir. Selon leurs prévisions, le risque de faillite dans les prochains mois menace 15% des entreprises françaises, soit près de 58 000 sociétés. De quoi alimenter la peur de se faire éjecter…

Sur la sellette, on retrouve en particulier les salariés aux contrats les plus précaires. C’est le cas de Louise, journaliste, qui a vu sa période d’essai renouvelée post confinement, « à un moment où, pense-t-elle, tout se casse la gueule ». Un moment difficile pour la jeune femme qui, en télétravail, se sent « éloignée de la stratégie de l’entreprise et plongée dans l’incertitude ». Mais Louise n’est pas de ceux qui d’ordinaire doutent de leurs capacités, sa peur est contextualisée. « À mettre le nez dans l’économie, je me rends bien compte que c’est la crise », confie-t-elle. Je ne peux plus faire de projet et j’ai peur de ne plus pouvoir payer mon loyer. » Parfois, elle hésite à prendre la parole sur des sujets qui concernent l’entreprise. « J’essaie de ne pas trop m’exposer, de ne pas me mettre trop en danger, avoue-t-elle. Je suis sur mes gardes. L’épée de Damoclès, elle est là ».

Vous avez peur ? C’est normal !

Soit on l’enfouit et elle nous ronge, soit elle nous submerge. « La peur, explique Marie-Laure Deschamp, coach en développement personnel et professionnel, c’est un peu comme un capteur, un signal. Une émotion qui nous alerte que quelque chose cloche ou qu’il y a un danger. Elle n’est pas là pour nous embêter, bien souvent, elle nous éclaire sur nos besoins ». Alors certes, la crise économique n’aide pas… Mais plus globalement, que se cache-t-il derrière la peur de se faire virer ?

La peur de l’inconnu

L’impression redoutable que l’on va se faire éjecter peut naître d’un changement dans notre cadre de travail. « Il arrive qu’un élément extérieur remanie le jeu, explique Marie-Laure, c’est le cas de la crise sanitaire bien sûr, mais aussi d’événements plus banals comme l’arrivée d’un nouveau manager, ou d’une nouvelle recrue dans l’équipe. La réorganisation du travail peut générer une peur, celle d’un élément inconnu qu’on ne maîtrise pas. » Cette nouveauté vient bouleverser l’équilibre qui s’était installé et nous extrait de notre zone de confort. L’élément extérieur, devenu perturbateur, apparaît alors comme une menace. Menace du manager à qui l’on pourrait déplaire, menace du collègue qui pourrait nous dépasser…

Le manque de confiance en soi

« Je suis nul, je ne suis pas à la hauteur, je n’y arriverai jamais… » Il arrive que la peur de se faire virer trouve son origine dans un manque de confiance en soi. « En réalité, constate la coach, on a tous confiance en soi. Il s’agit plutôt d’un manque de confiance dans la situation. Une situation qui éveille en nous le besoin d’être rassuré. Alors, au lieu de se faire des nœuds au cerveau, il faut se questionner : qu’est-ce qui pourrait me rassurer ? » Lorsque la peur nous envahit, on perd contact avec la réalité. « On se coupe de notre capacité à rationaliser, observe Marie-Laure, alors qu’une simple conversation avec notre manager pourrait nous apporter des réponses rationnelles et rassurantes ».

La défiance envers les autres

« Notre histoire personnelle nous influence, relève Marie-Laure. Nous pouvons être amenés à reproduire des scénarios. Au lieu d’aller chercher un exemple positif dans notre passé, on cherche des évènements négatifs qui vont alimenter nos peurs. » Si par le passé nous avons eu le malheur de tomber sur un manager tyrannique, alors nous allons avoir tendance à intégrer que tous les managers sont des tyrans. « C’est ainsi que se construisent des croyances personnelles, résume la coach. Et on en vient à penser que la société est pourrie et tous les employeurs aussi. » Bref, l’articulation d’un vrai cercle vicieux.

Un manque de légitimité

Ça se voit, Marcel et Camille sont vraiment doués. Ils cartonnent. Ils sont à l’aise, ont fait les bonnes écoles, obtenus les bons diplômes, possèdent un réseau en or et, en plus, le manager les adore… « De la comparaison naît le manque de légitimité, relève Marie-Laure. L’autre est mis sur un piédestal et on s’attache à relever tout ce qui prouve que l’on est moins bien que lui, qu’on va se faire virer et pas lui. Pourtant, dans les faits, bien souvent on n’a pas d’inquiétude à se faire. Un entretien positif, une prime, une augmentation, de bons résultats, tout prouve que ça roule. Mais c’est plus fort que nous, on se compare ».

La peur de se réinventer

Il arrive aussi que ce soit tout simplement une réalité. On n’excelle pas dans son métier. Non pas que l’on soit mauvais ou plus idiot qu’un autre, mais peut-être que ce n’est juste pas le bon job pour nous. « Si j’ai si peur de sauter, c’est peut-être qu’au fond, je ne suis pas à ma place, analyse la coach. Cette peur me renvoie à ma réalité : je ne suis pas épanoui, je ne m’éclate pas. À chaque entretien où l’on me dit que je dois progresser, je n’en ai pas vraiment envie. Et d’ailleurs le job de mon boss ne me fait pas rêver. Ce que l’on ressent alors au plus profond de soi, c’est la peur de se réinventer. La peur de changer. »

Ça y est, vous y voyez plus clair ? Votre peur décortiquée, vous voilà plus armé pour la surmonter. Mais n’essayez pas de la dissimuler, et apprenez plutôt à l’accueillir pour reprendre la main sur votre avenir !

Accrochez-vous : 6 conseils pour éviter le crash

« Le courage consiste à dominer sa peur, non pas à ne pas avoir peur », François Mitterrand.

Tout n’est qu’une question de point de vue. Soit on est victime de sa peur, soit on la domine. « Nous avons toujours le pouvoir d’agir, affirme Marie-Laure. Nous avons tous la faculté de décider qu’il n’y a pas de problème, mais si l’on reste bloqué sur la peur, c’est que l’on décide qu’il y a un problème. »

Chute libre : faites-vous coacher

« Pour certains, la peur est ancrée, constate la coach. Elle persiste sans aucune raison valable apparente. On aura beau rationaliser, généralement ce ne sera pas suffisant. Ces personnes ont peut-être grandi avec des messages négatifs : ‘‘qu’est-ce qu’on va faire de toi ?’’ ou, ‘‘qu’est-ce que tu vas faire de ta vie ?’’ » Dans ce cas, il n’y a pas d’autre choix que de travailler sa confiance en soi, sans quoi c’est la chute libre. « Si on n’y arrive pas seul, on peut se faire coacher, propose Marie-Laure. L’important est d’apprendre à mieux vivre sa vie au quotidien et changer de regard sur soi. » Aujourd’hui, il y a pléthore d’outils pour renforcer sa confiance en soi. À titre d’exemple, vous pouvez écouter le podcast Change ma vie de Clotilde Dusoulier qui regorge de bons conseils pour vivre mieux !

Transformer le risque en opportunité

Lorsqu’elle regarde la situation telle qu’elle est, Louise est lucide : « J’ai conscience que j’aurais pu sauter depuis longtemps. Quelque part, si mon employeur a renouvelé ma période d’essai, c’est qu’il doit être content de moi. » En temps normal, Louise n’aurait pas craint de se faire éjecter. Mais, au regard de la crise, il en va différemment. « Si je saute, reconnaît Louise, je ne pourrai pas m’empêcher de penser que je n’ai pas su me rendre utile. Il y a toujours une place pour les gens qui se battent. » Marie-Laure est aussi de cet avis, « plutôt que de se figer par peur, il faut prendre du recul. Observez rationnellement la situation et cherchez à la comprendre. Soyez à l’écoute des besoins de l’entreprise et tâchez d’être force de proposition. En un mot, montrez-vous proactif » conclut Marie-Laure.

Vous sentez que vous allez vraiment sauter ? Prévoyez un parachute ! « Au lieu de regarder les choses comme un risque, conseille Marie-Laure, transformez-les en opportunités. Si vous craignez de vous faire renvoyer, essayez de vous interroger sur vos besoins : lesquels sont satisfaits, lesquels ne le sont pas ? Qu’est-ce qui me plaît réellement ? Pourquoi rester accroché à cette boîte ou à ce job ? J’en suis où ? Si je me dis que tout est possible, de quoi ai-je envie ? Peut-être est-ce le moment de prendre les devants, de construire son projet, de donner un nouvel élan à son poste ? », interroge la coach.

Replonger dans son vécu

Avez-vous déjà éprouvé cette peur précédemment ? « Tentez de faire un voyage dans le passé, incite Marie-Laure. Repensez à toutes les fois où vous avez eu peur de redoubler ou de vous faire virer. Est-ce que cela s’est véritablement produit ? Qu’avez-vous mis en place pour vous rassurer ? Quel était le résultat ? Et quel lien peut-il y avoir entre ce précédent et la peur que vous ressentez aujourd’hui ? » Si cet événement passé avait alors pris une tournure favorable, cela pourrait vous rassurer car vous saurez que vous avez un jour été capable de le surmonter. Si au contraire, cela s’est mal passé, dites-vous que vous vous en êtes remis. Comme l’a dit Winston Churchill, « le succès, c’est de se promener d’échecs en échecs tout en restant motivé. »

S’armer de bienveillance

« Un conseil, poursuit la coach, traitez-vous comme vous le feriez avec votre meilleur ami. Si mon ami était dans cette situation que pourrais-je lui conseiller ? » Car oui, lorsque l’on traverse une période de turbulences, il est préférable d’être bien accompagné. « Le négatif attire le négatif, précise Marie-Laure. Alors entourez-vous de personnes positives et bienveillantes, elles seront de bon conseil. » L’entourage est source de réconfort en temps de crise. En témoigne Louise, qui reconnaît volontiers la présence rassurante de son compagnon à ses côtés : « je sais qu’il est là, qu’il m’accompagne, qu’il m’encourage et qu’en cas de problème je peux compter sur lui. »

Panique à bord : dites-le !

Que votre peur soit liée ou non à la crise que nous traversons, ne la gardez pas pour vous. « Exprimer sa peur, remarque Marie-Laure, c’est la reconnaître, c’est oser demander de l’aide. Vous pouvez l’aborder avec un collègue en qui vous avez confiance et qui porte sur le monde un regard optimiste. Et parlez-en autant au possible avec le responsable RH, évoquez humblement vos craintes. Elles sont particulièrement légitimes en cette période tourmentée. » C’est d’ailleurs le conseil que s’est appliquée Louise qui a évoqué sans tarder ses inquiétudes à sa n+1. Depuis, elle connaît les conditions de vol. Le temps est orageux mais l’équipage mobilisé pour la garder à bord.

Envisager le pire : « et si … ? »

Et si ça arrivait vraiment ? Et si vous vous faisiez éjecter ? Il est vrai, qu’« avec des si on mettrait Paris en bouteille ». Mais c’est tout même l’exercice que nous invite à faire cette coach professionnelle. « Le pire, n’est pas si pire qu’on le croit, nous rassure-t-elle. Interrogez vos peurs avec des « si » et déroulez le scénario jusqu’à la fin. Souvent on arrive à une fin qui n’est peut-être pas si grave. Elle peut même s’avérer très chouette. » Et si la peur vous empêchait de voir les opportunités ? « Si vous partez avec des idées préconçues, vous risquez fort de sortir frustré, insiste Marie-Laure. Tandis que si vous vivez pleinement l’instant pour ce qu’il vous apporte et que vous n’en attendez rien de particulier, vous recevrez beaucoup. » N’avez-vous jamais vécu un échec qui s’est révélé être un mal pour un bien ? « Ce qui est bon pour moi, arrive au bon moment », conclut Marie-Laure. Et si vous vous laissiez un peu porter ?

Le covid-19 vous aura secoué et vous qui croyiez être confortablement assis dans votre CDI, vous voilà bien tourmenté. Face au précipice qui s’ouvre à vos pieds, vous allez peut-être vous même devoir sauter, prendre des risques, ou comme on dit en anglais « take a chance ». Mais, sauter c’est aussi rebondir et peut être même parfois planer, qui sait…

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Photo by WTTJ