Quel avenir pour les RH ?

Publié dans Le book club du taf

02 juil. 2020

6min

Quel avenir pour les RH ?
auteur.e
Laetitia VitaudExpert du Lab

Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes

HR Disrupted: It’s Time for Something Different (2017) est un ouvrage à la fois clair et convaincant qui propose une nouvelle approche des RH dans un « monde disruptif ». Son auteur, Lucy Adams, a été directrice des RH à la BBC au moment où le groupe a connu l’une des périodes les plus tourmentées de son histoire et elle a été directement témoin de la façon dont les ressources humaines sont « brisées » dans la plupart des grandes entreprises. Lorsqu’elle a quitté la BBC, elle s’est donné une mission, « aider les organisations à faire entrer leurs départements RH dans le 21e siècle ». C’est pour cela qu’elle a créé sa propre agence, Disruptive HR.

Avec des fonctions axées sur les processus qui se désintéressent souvent des individus, les RH n’ont pas évolué en même temps que les modèles de gestion, l’économie et les aspirations des personnes. Dans un monde « VUCA  » (volatile, uncertain, complex, ambiguous – volatile, incertain, complexe et ambigu), les RH doivent commencer à s’intéresser aux individus plutôt qu’aux processus conçus pour l’économie de masse. Lucy Adams propose aux professionnels des RH un argumentaire convaincant pour faire évoluer les ressources humaines et les stratégies envisageables pour réaliser ces changements.

Nous devons réimaginer les relations avec nos employés, devenir plus fluides, plus rapides et plus créatifs dans nos interactions avec eux.

« Il semble de plus en plus difficile de faire travailler les gens sur un modèle interfonctionnel, et ces satanés millennials demanderont toujours plus de flexibilité. Nous devons réimaginer les relations avec nos employés, devenir plus fluides, plus rapides et plus créatifs dans nos interactions avec eux. Équiper nos organisations afin qu’elles soient en mesure de répondre aux exigences actuelles demande quelque chose de très différent » – Lucy Adams dans HR Disrupted.

Pourquoi les RH traditionnelles sont-elles devenues obsolètes

Lucy Adams liste toutes les raisons pour lesquelles les RH à l’ancienne sont sur le point de mourir : la technologie transforme nos entreprises ; la concurrence d’une entreprise n’est plus ce qu’elle était ; les salariés doivent vivre et travailler dans un environnement collaboratif, dans un monde en réseau, et en prenant en compte l’évolution constante des structures des organisations. Les entreprises devront gérer des équipes virtuelles et le fait que leurs employés seront de plus en plus dispersés et de moins en moins susceptibles de partager le même espace physique de 9h à 17h.

La main-d’œuvre est également en train de changer de forme. Le nombre toujours plus important de travailleurs externes remet en questionl’approche traditionnelle de la formation et de la gestion. « Dans la plupart des entreprises, un employé rejoint la société, intègre à la masse salariale et fait partie de l’organisation. C’était une relation mutuelle à la fois solide, fiable et loyale ». Aujourd’hui, il faut inventer une nouvelle forme de relation.

Dans la plupart des entreprises, un employé rejoint la société, intègre à la masse salariale et fait partie de l’organisation. Une relation mutuelle à la fois solide, fiable et loyale.

La plupart des jeunes de la génération Y veulent que leur travail ait un but. Ils s’attendent à ce que la gestion soit adaptée à leurs besoins spécifiques. Ils exigent toujours plus d’autonomie et de flexibilité. Leurs attentes entraînent de nombreux changements que les professionnels des ressources humaines doivent prendre en compte. Mais les autres groupes d’âge aimeraient également que leurs besoins soient considérés : en vieillissant, les salariés peuvent vouloir continuer à travailler, mais en subissant moins de stress et en étant moins sollicités. Pourtant, les managers associent traditionnellement l’avancement en âge à plus de responsabilités et de stress.

Dernier point, et non des moindres, l’ère numérique à laquelle nous vivons nous impose une plus grande transparence en termes de RH. Le public est de plus en plus attentif aux comportements des dirigeants et reste à l’affût de la moindre erreur. L’essor de réseaux sociaux et de plates-formes spécialisées a fait de la réputation d’une l’entreprise un véritable casse-tête pour les RH. Les employés parlent librement de leur société en ligne. Il pourrait donc être plus sage de les encourager à s’exprimer en ligne. L’entreprise Spotify, par exemple, encourage ses employés à communiquer sur Glassdoor, une attitude qui « favorise grandement la confiance ».

Le public est de plus en plus attentif aux comportements des dirigeants et reste à l’affût de la moindre erreur.

Ce que devraient être les RH : le modèle EACH

« En RH, nous devons commencer à traiter nos Employés comme des Adultes, des Consommateurs et des êtres Humains (EACH) ». Historiquement, les employeurs ont longtemps eu un rôle de « papa et maman » pour leurs employés ; les soignant et les nourrissant comme le veut le stéréotype d’un père ou d’une mère. « Une grande partie de ce que nous faisons lorsque nous gérons des personnes dans le cadre du travail, que ce soit en matière de formation, de développement ou de gestion, repose sur cette relation surannée de type parent-enfant ». Mais cette relation est d’autant plus obsolète dans un contexte professionnel que les entreprises ont besoin que leurs collaborateurs défient l’autorité, prennent la parole et essaient de nouvelles choses si elles espèrent être plus innovantes.

Dans le cadre du travail, que ce soit en matière de formation, de développement ou de gestion, la relation de type parent-enfant  est surannée.

L’intégralité de notre modèle RH a été conçue à l’ère industrielle et repose sur l’idée que de meilleurs processus doivent être mis en place pour que l’entreprise soit plus productive. Cette approche axée sur les processus pour tout ce qui touche aux RH ralentit aujourd’hui l’innovation et complexifie le recrutement de nouveaux talents. Au lieu de prévenir les erreurs grâce aux processus, les RH doivent désormais permettre aux gens de faire des erreurs. Pour Lucy Adams, tout doit «commencer dans un environnement de confiance » : « Lorsque nous faisons confiance à nos employés, ils sont davantage susceptibles de se comporter de manière responsable et d’être productifs, créatifs et visionnaires ». Depuis une dizaine d’années, traiter ses employés comme des adultes est la devise révolutionnaire des RH de la société Netflix. Et cette approche a été adoptée par la plupart des startups de la Silicon Valley.

Traiter nos employés comme des consommateurs à l’ère numérique

La révolution numérique a engendré unnouveau paradigme en matière de personnalisation. Dans ce cadre, les consommateurs se voient proposer des produits et des services adaptés à leur profil spécifique de consommateur. En utilisant leurs applications préférées, ils produisent des algorithmes et des flux de données qui permettent decréer des interfaces personnalisées uniques. Pourtant, les processus RH n’ont presque jamais profité de cette révolution : ils traitent les salariés comme des « ressources », une masse homogène de biens interchangeables. « Les processus traitent les gens comme des objets, pas comme des humains ».

Appliquée aux RH, la révolution numérique signifie l’abandon de l’approche unique de la gestion des employés. Les responsables RH doivent approfondir leur niveau d’informations sur leurs collaborateurs et concevoir de nouvelles politiques axées sur leurs « utilisateurs ». Des enquêtes quantitatives et des recherches qualitatives peuvent aider les RH à être davantage centrées sur l’utilisateur. Les RH ont beaucoup à apprendre du marketing !

Nous devons réintroduire « l’humain » au cœur des RH

« Chaque fois que nous faisons face à un défi en matière de RH, nous créons généralement un processus pour y répondre ». En temps de crise, nous avons tendance à utiliser plus de jargon et d’acronymes. Plus les employés ont besoin de l’humanité, moins les départements RH sont humains. Dans son livre intitulé Drive, Dan Pink a montré que les motivations des humains à travailler reposent sur trois raisons : l’autonomie, la maîtrise et le sens (un lien avec quelque chose de plus grand que nous).

Chaque fois que nous faisons face à un défi en matière de RH, nous créons un processus pour y répondre. Plus les employés ont besoin de l’humanité, moins les départements RH sont humains.

Pourtant, nous utilisons constamment de mauvais leviers, comme l’argent, pour motiver nos employés. Les motivations intrinsèques (autonomie, maîtrise et sens) sont plus efficaces que les motivations extrinsèques comme l’argent. C’est la raison pour laquelle les primes sont des incitations négatives : elles découragent le travail d’équipe et encouragent une motivation malsaine. Récompenser uniquement les comportements individuels entraîne une diminution de la collaboration entre salariés, un manque d’envie d’aider les autres, un isolement plus important et l’émergence de comportements égoïstes. Les employés qui cherchent à obtenir des récompenses individuelles le font au détriment de l’intérêt général de l’entreprise.

Humaniser les RH exige de meilleurs responsables. Les leaders de demain devront être plus résilients (confiants et pleins de ressources dans un monde incertain), engagés (capables de motiver les autres à s’améliorer et à être au maximum de leurs possibilités), curieux (trouver de nouvelles façons de faire), perspicaces (repérer les liens entre les personnes ou les idées) et humbles (pour inspirer confiance).

Les leaders de demain devront être plus résilients, engagés , perspicaces et humbles.

Enfin, plus d’humanité dans les politiques RH demande aussi des relations plus honnêtes entre les employés et leurs responsables. Comme l’explique Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, dans son livre The Alliance, la relation traditionnelle employé-employeur est généralement basée sur une série de conversations malhonnêtes. Les entreprises exigent la fidélité de leurs employés sans s’engager à offrir des emplois sécurisés en retour, et beaucoup d’employés partent dès qu’ils trouvent un meilleur poste. « Quelle conversation saine et franche entre adultes si un responsable et un employé étaient capables de s’asseoir à une table et d’avoir une discussion ouverte dans laquelle les deux parties reconnaîtraient que leur relation professionnelle durera probablement seulement quelques années et pas plus longtemps ».

Comment transformer votre département RH

  • Développez une base solide en termes de quantité et de qualité pour modifier vos processus RH.
  • Diffusez une image de marque positive en tant qu’employeur et inspirez confiance à une communauté de potentiels futurs employés.
  • Faites confiance à vos employés et rédigez toutes vos politiques en adoptant leur point de vue.
  • Gardez à l’esprit que nous avons tous besoin d’un objectif global pour nous sentir vraiment engagés dans notre travail.
  • Parlez humainement et oubliez le jargon professionnel lorsque vous discutez avec vos équipes.
  • Encouragez la mobilité : créez un environnement dans lequel les gens sont libres de changer de poste et encouragez les rotations de travail.
  • Identifiez les différents besoins de vos employés aux différents moments de leur vie.
  • Abandonnez l’idée d’une approche unique du développement du leadership et cessez de promouvoir des techniciens hautement qualifiés à des postes de leaders qui ne leur conviennent pas.
  • Concentrez-vous davantage sur les forces collectives de l’équipe que sur les forces individuelles : ce sont les équipes solides qui font prospérer une entreprise et garantissent sa bonne santé.

Illustration : Pablo Grand Mourcel

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