Recrutement : faut-il privilégier le « culture fit » ou le « culture add » ?

12 sept. 2018 - mis à jour le 04 avr. 2023

5min

Recrutement : faut-il privilégier le « culture fit » ou le « culture add » ?
auteur.e
Solenne Faure

Rédactrice

Vous voulez recruter un talent et vous cherchez à tout prix un profil « fit », qui colle à la philosophie de l’entreprise ? Doucement, vous faites peut-être fausse route ! On vous explique pourquoi l’approche « culture add » peut aussi vous convenir.

« Qui se ressemble s’assemble » et « Les opposés s’attirent »… Voici deux expressions qui résument bien le culture fit et le culture add. La première démarche renvoie à l’idée de recruter des talents qui correspondent bien à l’entreprise en termes de valeurs, de vision, d’attitude, de schéma de pensée, etc., donc qui sont en adéquation avec les salariés déjà en poste. La seconde consiste plutôt à s’entourer de collaborateurs complémentaires, qui vont avoir des parcours différents, originaux, voire opposés, mais toujours avec des synergies fortes… En bref, à apporter un œil neuf qui pourrait enrichir les débats dans votre société. Ce sont deux critères de recrutement si différents que l’on serait tenté d’en choisir un et de ne plus jamais en changer.

Il est pourtant probable qu’il n’y ait pas vraiment une culture gagnante, mais des situations où l’une se prête mieux que l’autre. En effet, il est tout à fait possible d’alterner entre fit et add selon les campagnes de recrutement. Pour trouver la culture adéquate, faut-il encore prendre le temps de faire le point sur ses enjeux de marque employeur et ses freins afin de comprendre ses besoins et d’installer une politique de recrutement cohérente dans la durée.

Avant toute chose, votre culture d’entreprise est-elle si unique ?

Qui dit culture d’entreprise, dit forcément des valeurs, une vision, une ambition mais aussi des méthodes et une ambiance de travail bien claires. Vous aimez les raconter et vous cherchez, in fine, des collaborateurs qui y adhèrent. Mais vous différenciez-vous vraiment de la concurrence ? Au-delà des mots, avez-vous une politique RH unique et originale ? Réussissez-vous bien à transposer cet état d’esprit en faits et en actes concrets pour vos salariés ? Car, avant même de parler de culture fit ou de culture add, votre entreprise doit définir clairement qui elle est pour ne pas créer de situations d’incompréhension voire de déception auprès des nouvelles recrues.

Le culture fit pour éviter une erreur de recrutement ?

Vous n’apprendrez rien : embaucher un salarié au profil non approprié coûte vite cher. Que ce soit en termes de formation, de baisse de productivité et de business, mais aussi pour le moral des équipes. Selon ManPower, HR Voice et Opensourcing, le coût d’un recrutement raté oscillerait entre 30 000 € et 150 000 €. La pression est donc forte du côté des chasseurs de talents. Les entreprises, fréquemment confrontées à ce risque, privilégient la prudence. Elles ont tendance à se tourner vers le plus rassurant, c’est-à-dire ce qu’elles connaissent déjà : des profils qui leur ressemblent, tant du point de vue du savoir-faire que du savoir-être. Morgane Dalbergue, experte en sourcing chez The Allyance, ajoute que deux courants de culture fit coexistent. L’un « non inclusif et fermé à la diversité, favorisé par des gens qui viennent du même monde, comme ceux passés par des écoles d’ingénieurs, par exemple ». L’autre qui se veut plus ouvert, ne cherchant pas à favoriser l’entre-soi : « Plus la diversité est présente dès le début, plus le culture fit est large, inclusif, bienveillant ». Avec ce type de culture fit, vous aurez plus de chances de ratisser large et d’attirer les meilleurs talents, donc d’éviter les erreurs de recrutement.

Mais alors, comment dépasser ces biais (souvent inconscients) ?

C’est l’épineuse question à laquelle Facebook tente de répondre. Le réseau social propose en effet un « programme » à destination des employeurs pour apprendre à identifier tous les travers qui peuvent influencer leurs choix de recrutement. Et pour être cohérents jusqu’au bout, les recruteurs du géant américain sont obligés de justifier tout refus, en interdisant l’utilisation du mot « fit » dans les raisons évoquées.

Autrement dit, l’idée de s’entourer de salariés adhérant à sa vision d’entreprise peut être intéressante. Mais si cela est fait dans le sens d’un partage de valeurs, de vision. Et non pas si l’on choisit de s’enfermer dans un schéma de recrutement qui ne privilégierait pas ou peu l’ouverture et l’inclusion. C’est là qu’est né le concept de value fit : ne pas penser en termes de profils, mais plutôt de partage de valeurs communes, afin de recruter à la fois des profils qui nous ressemblent sans pour autant s’enfermer. C’est ce qui fait dire à Morgane Dalbergue que « cet outil de sélection est très intéressant, mais qu’il n’est pertinent que s’il y a déjà une bonne représentation des diversités dans l’entreprise ».

Mais au fait, la culture d’entreprise, ça s’apprend ?

Si le tri des profils se fait principalement pendant le processus de recrutement, l’onboarding est crucial afin que chaque talent s’adapte à son rythme au fonctionnement de l’entreprise. C’est d’ailleurs tout l’enjeu derrière un onboarding réussi. En effet, ce moment est décisif, notamment au niveau du partage de la culture d’entreprise et de l’évaluation des capacités d’adaptation et d’imprégnation d’une nouvelle culture.
Sur ce point, le groupe L’Oréal innove. Après avoir mené une grande enquête auprès de ses nouvelles recrues, il a lancé une application qui leur est dédiée : Fit Culture. À travers des textes et des vidéos, des témoignages de collaborateurs, ainsi que des quiz, jeux et missions à compléter dans la vie « réelle », les nouveaux sont rapidement familiarisés avec la culture de L’Oréal. Pendant ce parcours d’un mois, à raison de sessions de 5 à 10 minutes par jour, ils découvrent peu à peu des « Secrets Internes » (faits marquants, anecdotes, mythes et légendes sur L’Oréal) et progressent pour devenir de véritables « #CultureGurus ».

Le changement… boosté par le culture add ?

Le culture add semble adapté pour transformer les méthodes de travail en intégrant plus de digital, favoriser les échanges et le travail collaboratif au sein d’un groupe. Ou encore réussir à mobiliser les salariés pour proposer de nouveaux produits à forte valeur ajoutée. En multipliant les points de vue et les parcours, l’entreprise se nourrit constamment des uns et des autres. Ça fuse, on débat, on réfléchit, on améliore… Pour, à terme, pousser à sortir de sa zone de confort.

MyLittleParis en est un bel exemple : l’entreprise se concentre surtout sur la personnalité et les parcours de vie de chacun afin de créer un engouement collectif. Ainsi, dans les bureaux, se côtoient un ancien médecin ou une ex-danseuse étoile, tous au service de l’innovation. La fondatrice de MyLittleParis Fany Péchiodat le revendique : elle préfére « recruter à contre-emploi ». Par exemple, pour un poste d’éditorialiste, elle préfèrera « une littéraire frustrée qu’une personne préformatée d’un autre média ». Pour que tout ce petit monde puisse cohabiter de la meilleure façon possible, les managers doivent être formés à la gestion des conflits. Eh oui, des conflits peuvent survenir avec des personnalités très différentes, mais pas de panique, c’est tout à fait normal. Morgane Dalbergue explique qu’il s’agit « d’un très bon moteur d’innovation et de progrès ». Pour elle, l’approche add « encourage la diversité des opinions, les débats, les discussions, et cette culture s’en sortira toujours mieux qu’une culture qui tente par tous les moyens possibles d’éviter les conflits ».

Et si on buvait un verre ou on allait faire un escape game ?

Pas toujours facile de tester un candidat sur la culture pendant un entretien classique. Alors pourquoi ne pas sortir du cadre dans votre processus de recrutement ? L’idée : encourager le « recrutainment » en organisant des déjeuners, des événements, des jeux, des concours où les candidats sont invités à rencontrer les salariés actuels. Les questions ne tournent alors pas autour du poste, mais plutôt des relations professionnelles, de l’ambiance. Au-delà de pouvoir observer les capacités d’intégration des candidats et leur adéquation avec la culture, c’est aussi une façon d’intégrer l’ensemble des collaborateurs en les faisant participer activement au processus de recrutement.

Vous l’aurez compris, le culture fit comme le culture add ont leurs avantages et leurs limites. Si vous êtes en quête d’une zone de confort, après d’éventuels remous ou des changements importants qui ont impacté votre culture d’entreprise, vous aurez tout intérêt à aller vers le fit. En revanche, si vous souhaitez faire bouger les lignes, innover voire même encourager vos équipes à vous challenger, le culture add sera particulièrement adapté. Deux modèles qui ne sont pas contradictoires et peuvent vivre ensemble : il « suffit » d’adapter sa stratégie à ses enjeux. Comme bien souvent : comprendre un contexte, prendre le temps de l’analyser pour imaginer la meilleure réponse.

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Article mis à jour par Mathias Dugas Oliver et édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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