« Les gens sont parfaitement capables d'entendre des mauvaises nouvelles »

04 mai 2020

3min

« Les gens sont parfaitement capables d'entendre des mauvaises nouvelles »
auteur.e
Laetitia VitaudExpert du Lab

Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes

Luc Périnet-Marquet est professionnel en communication et stratégie d’entreprise, fondateur du cabinet LPM Communication et Stratégie. Il intervient régulièrement dans de nombreuses sociétés, en particulier de l’industrie agro-alimentaire. Il a fréquemment géré des situations de crise. Pour lui, la période traversée pendant la pandémie accélère toutes les transformations à l’oeuvre dans le monde de la communication.

(NDLR : Cet entretien est extrait du Ebook : Communication interne : 4 idées pour arrêter le bullshit et mieux encourager ses équipes

WTTJ : Êtes-vous d’accord avec cette idée selon laquelle la communication interne et la communication externe se mélangent de plus en plus ?

LPM : Il y a dix ou quinze ans, on pouvait encore parler de « communication institutionnelle », de « communication financière », d’interne et d’externe. Mais aujourd’hui, tout se mélange. La communication est unifiée, même si on peut la décliner sur plusieurs canaux. La communication interne est aussi externe. Et inversement.

Quels auront été les grands sujets de communication pour les entreprises pendant la crise du Covid-19 ?

Le premier sujet, c’est la santé. Je travaille avec des entreprises du secteur de l’agro-alimentaire, pour lesquelles cette problématique là n’est pas nouvelle du tout. Il faut rappeler que les normes d’hygiènes y sont déjà d’un très haut niveau. La plupart des ouvriers qui travaillent à la production dans les usines de l’agro-alimentaire portent des masques. Ces entreprises disposaient donc de stocks et ont su se montrer solidaires. Le groupe Aoste, par exemple, a fourni, localement aux professionnels de santé du matériel de protection comme des masques, des gants, des blouses,….

Vis-à-vis des employé.e.s, cela a néanmoins été un sujet de communication. Il a fallu rassurer et informer, sur les procédures mises en place pour préserver leur santé, sur celles/ceux qui travaillent et celles/ceux qui sont au chômage partiel. Dans les usines, on a immédiatement mis à niveau les chaînes de production (éloignement des individus sur les chaînes de production, tests, isolement des personnes potentiellement contaminées,

Certaines entreprises en sont-elles sorties gagnantes en terme de communication ?

La grande majorité des salarié.e.s ont très vite compris les enjeux de cette crise. Il y a eu très peu d’absentéisme. On s’est rallié à l’idée qu’en allant travailler, on contribue à la santé de l’entreprise et aussi du pays. De nombreux travailleurs/travailleuses de ce secteur ont trouvé du sens dans leur travail en cette période de crise. Si on leur avait dit, avant la crise, « on compte sur vous pour nourrir la France », tout le monde aurait ri. Ça aurait semblé bien trop grandiloquent. Mais là, le sentiment d’être indispensable au fonctionnement du pays, ça a été une réalité dans de nombreuses entreprises. Quand les salarié.e.s comprennent qu’il y a un alignement entre l’entreprise, le projet et le sens qu’ils/elles peuvent donner à leur travail, on peut dire que l’entreprise est gagnante. Alors que ces dernières années, on a assisté à beaucoup de social washing ou de green washing, on pourrait dire que là, les discours sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ont été enfin ancrés dans la réalité. Il y a aussi des dirigeants qui ont fait montre d’empathie et veillé sur leurs salarié.e.s. On a vu un « paternalisme » dans le sens le plus positif du terme. Quand vous êtes salarié.e, vous savez si oui ou non on se soucie vraiment de votre santé et de votre bien-être. Le sentiment qui domine, c’est que beaucoup d’entreprises, en particulier des PME, ont joué leur rôle, pas seulement économiquement.

Comment s’est passée l’articulation entre le travail « nécessaire » et le chômage partiel, entre ceux/celles qui télétravaillent et ceux/celles qui doivent travailler sur site ? Il y a forcément eu des tensions. Et cela a dû être un enjeu critique de communication interne.

Certaines entreprises ont, peut être, trop rapidement eu le réflexe du chômage partiel, d’autres ont observé de l’absentéisme et quelques problèmes logistiques ont paralysé temporairement les chaînes d’approvisionnement. Mais globalement il n’y a pas eu autant de tensions qu’on aurait pu le penser.

« Le confinement aura été un gigantesque accélérateur de la transformation digitale »

Luc Périnet-Marquet

Le passage en télétravail s’est passé finalement beaucoup plus facilement qu’on aurait pu le craindre (peut-être qu’à cet égard les grèves de l’hiver précédent auront offert aux entreprises l’occasion de se préparer). Le recours au chômage partiel n’a pas suscité de débats, au sein des entreprises, sur qui est concerné et qui ne l’est pas. On comprend que les gens de la production travaillent et que les commerciaux soient partiellement au chômage. Quand on communique avec bon sens, sincérité et simplicité, ça se passe bien. On a trop souvent tendance à assimiler la communication à la manipulation, mais devant des adultes responsables, il est essentiel de communiquer de manière honnête, même si cela veut dire partager des vérités désagréables à entendre. Les gens sont parfaitement capables d’entendre des mauvaises nouvelles, c’est même comme ça qu’on les respecte. À cet égard, ce qui est vrai pendant une période de crise est vrai aussi en temps normal. Si la crise nous permet de comprendre cela, tant mieux.

Des choses très positives sortiront de cette période. Le confinement aura été un gigantesque accélérateur de la transformation digitale. Par exemple, la diffusion d’informations ou d’opinions par les réseaux sociaux ou emails a pris une place considérable à côté des médias classiques. La prise du pouvoir du public à travers l’activisme digital est la prochaine grande évolution dans le domaine de la communication.

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