Masturbation et porno au boulot : les raisons d’une pratique... très commune !

12 sept. 2022

5min

Masturbation et porno au boulot : les raisons d’une pratique... très commune !
auteur.e
Pauline Allione

Journaliste independante.

Les scientifiques sont clairs : d’après une étude, 60% des gens ont déjà maté un porno sur leur lieu de travail. Entre les pornos regardés en cachette, les sessions de masturbation et les ébats qui se déroulent entre les murs des bureaux, le travail constitue sans aucun doute un agitateur de phéromones puissant – ou à minima, courant. Mais pourquoi aime-t-on tant mêler sexe et travail ? Rencontre avec ceux qui ont bravé les interdits et sécrété sueur et phéromones au bureau.

Quelques regards jetés par-dessus l’épaule pour veiller à ce que personne n’entre dans la pièce, un site porno ouvert en navigation privée, et des vignettes qui laissent voir des parties génitales en gros plans : regarder un porno au travail peut s’avérer périlleux. En témoigne le fameux sigle NSFW (not safe for work), apposé sur des images à caractère violent ou sexuel, dont le rôle est de prévenir les employés de ne pas ouvrir ce contenu au travail, où le sexe n’est pas censé avoir sa place. Pourtant, une étude menée auprès de 2000 individus à travers le globe montre que 60% des salariés s’y sont déjà risqués. La plateforme Pornhub corrobore d’ailleurs ces chiffres puisque d’après les statistiques de consommation de ses utilisateurs, le porno est majoritairement consommé entre 22h et 1h du matin… mais également autour de 16h, heure à laquelle un 35h ne permet pas encore d’être rentré chez soi.

Jouir pour oublier l’ennui

Une poignée d’années en arrière, Julien s’ennuyait ferme dans la société de prestation de service pour le secteur bancaire dans laquelle il avait signé un CDI. « Ce n’était pas très intéressant, voire pas du tout, et j’ai commencé à me concentrer sur l’une de mes collègues, Marie. Dès le premier jour où je l’ai vue, j’ai eu envie d’elle instantanément, » se souvient-il. À partir de là, Julien modifie radicalement sa routine professionnelle, où s’invitent le fantasme, la masturbation et la jouissance. « Il se passait quelque chose de chimique et d’impossible à contrôler en moi, parce que cette proximité avec elle m’excitait terriblement. J’étais persuadé qu’elle ne voudrait jamais coucher avec moi donc j’ai commencé à me masturber chez moi en pensant à elle tous les soirs, puis dans les toilettes du bureau. Aller travailler était devenu à la fois une angoisse et une drogue. »

Comme dans le cas de Julien, la masturbation peut apporter quelque chose que l’on ne retrouve pas au travail: le plaisir. Pour Virginie Clarenc, sexologue et thérapeute de couple, se laisser aller à des plaisirs solitaires entre deux réunions est souvent le signe d’un mal-être au bureau. « La masturbation est une déconnexion qui renvoie à un plaisir immédiat qui procure des sensations très fortes. Cela peut signifier que ces personnes sont en manque de sensations fortes au travail ou n’aiment pas leur job », détaille la spécialiste, qui associe la masturbation au travail à une forme d’ennui ou de procrastination. Le plaisir sexuel peut ainsi être une réaction à une perte de sens ou d’intérêt dans son travail, et être le symptôme d’un bore out – trop d’ennui au travail –, comme d’un burn out. « Le sexe peut être une source de plaisir, d’intérêt et d’adrénaline dans un travail que l’on juge plat, et où il ne se passe plus rien d’intéressant », poursuit la sexologue. Fantasmer et se masturber quotidiennement dans les toilettes de sa boîte a ainsi donné un nouveau souffle au travail de Julien : « Le fait d’avoir cette fille en tête m’a fait rester dans l’entreprise, sinon j’aurais cherché un autre emploi bien plus tôt. Le pire, c’est que j’ai été obligé de continuer à travailler correctement pour ne pas la faire virer, ni attirer l’attention sur moi. Ma productivité a augmenté, c’est ça qui est fou ! »

Explosion d’hormones et plaisir de l’interdit

D’un point de vue physiologique, libérer de l’ocytocine au beau milieu d’une journée de boulot apporte un bienfait immédiat, favorise les comportements positifs et réduit l’hormone du stress, le cortisol. Autant d’avantages que l’on ne trouve pas dans une pause autour de la machine à café, ni dans une cigarette. C’est précisément pour le côté relaxant de l’acte que Sacha, qui travaille dans le marketing digital où il a beaucoup d’objectifs à atteindre, s’est rendu sur des sites porno une dizaine fois, toujours durant sa pause déjeuner : « Ça me détend, je me sens moins préoccupé par le boulot, voire même plus productif. J’effectue mes tâches de la même manière, mais l’esprit tranquille… c’est assez étrange d’ailleurs ! Et comme je suis de meilleure humeur, je suis plus agréable avec mes collaborateurs. »

Il y a trois ans, Stephen s’esquivait pour la première fois dans les toilettes de son entreprise, téléphone en main, en vue de décompresser d’une deadline qui approchait à grand pas. « C’était bien de décrocher pendant quelques minutes autrement qu’en allant scroller les réseaux sociaux. Ce soir-là, j’ai fini mon job plus sereinement », raconte le développeur web. Ses sessions de masturbation sont peu à peu devenues plus fréquentes, d’autant plus pendant le télétravail, où aucun obstacle ne venait freiner ses pulsions sexuelles. « Ma motivation à travailler ne faisait que baisser parce que ça se passait mal dans mon travail. Le porno et la masturbation me remotivaient et me permettaient de décompresser, ça a fini par devenir routinier. Depuis, le côté excitant des débuts s’est estompé, et cela ne m’apporte plus grand chose. » Le contexte professionnel peut en effet jouer un rôle : cela a beau n’être pas mentionné dans le contrat de travail, il existe une règle tacite et connue de tous selon laquelle nous ne sommes pas censés nous toucher au bureau… et que l’on franchit en lançant un porno. « Le travail est un lieu de fantasme parce qu’il y a l’excitation de l’interdit. Cela ajoute de l’adrénaline au moment, et décuple le plaisir sexuel que l’on y trouve », confirme Virginie Clarenc.

Se masturber au travail ne signifie pas forcément un ennui profond dans ses missions, ni même un surmenage. Les onglets Pornhub ouverts sur l’ordi du bureau sont aussi parfois le signe d’un comportement compulsif : « Cela peut être lié à une addiction aux images pornographiques que l’on ne gère pas bien, et qui nous expose à des risques au travail, autant vis à vis de la hiérarchie que des collaborateurs », ajoute la sexologue. Venant bousculer le circuit de récompense cérébral, l’addiction peut autant devenir un moyen de se récompenser que de décompresser. Un rendez-vous annulé, un contrat signé ou une négociation houleuse peuvent dès lors devenir un prétexte pour boire un verre, se griller une clope ou baisser sa braguette, selon l’objet de la dépendance. S’il n’était pas vraiment accro au sexe, Julien s’en est tout de même approché, à l’époque où il avait jeté son dévolu sur sa collègue : « Me masturber au travail était devenu une absolue nécessité, pour ne pas devenir fou mais aussi pour arriver à travailler correctement. Après, je me sentais léger, bien dans ma peau, confiant et même plus désirable. À force, c’en est même devenu un réflexe pavlovien : je prenais du plaisir à venir au travail mais le week-end c’était une horreur, j’attendais le lundi avec impatience. Ça avait complètement inversé mon rapport au travail ! »

Addiction au sexe, perte de sens au boulot, surmenage… Les raisons de se masturber au bureau peuvent être nombreuses. Encore que parfois, celles-ci ne sont nullement professionnelles : « Ce qui me motive, c’est avant tout mon amour pour le plaisir, ajoute Sacha. J’ai une énorme libido et si l’envie m’en prend quand je me retrouve seul, je n’hésite pas à lancer un porno. »

Article édité par Gabrielle Predko
Photo par Thomas Decamps

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