Comment le biais du statu quo affecte vos recrutements
25 févr. 2020
2min
NOUS SOMMES TOUS BIAISES - C’est un fait : nous sommes tou·te·s victimes des biais cognitifs. Vous savez ces raccourcis de pensée de notre cerveau, faussement logiques, qui nous induisent en erreur dans nos décisions quotidiennes, et notamment au travail. Dans cette série, notre experte du Lab Laetitia Vitaud identifie les biais à l’oeuvre afin de mieux comprendre comment ils affectent votre manière de travailler, recruter, manager… et vous livre ses précieux conseils pour y remédier.
Explication
En finance comme en politique, on connaît bien ce biais. Dans nos prises de décisions, nous avons naturellement tendance à préférer le statu quo. Il s’agit souvent d’un comportement irrationnel qui nous empêche de saisir des opportunités nouvelles ou de sortir d’une situation sous-optimale.
Les économistes comportementaux (dont Richard Thaler, prix Nobel d’économie en 2017 pour sa « Compréhension de la psychologie de l’économie ») ont mené de nombreuses études pour comprendre le biais de statu quo. Ils / elles l’expliquent par la combinaison de deux phénomènes : l’aversion à la perte — le fait qu’on attache plus d’importance à une perte qu’à un gain de même valeur — et l’effet de dotation — le fait que les gens accordent plus de valeur à une chose qui leur appartient qu’à une chose de même valeur qui ne leur appartient pas.
Un individu appréhende les pertes éventuelles liées à la fin du statu quo plus fortement qu’il / elle n’en espère des gains futurs. C’est pour cela qu’il / elle préférera le plus souvent ne pas changer de situation. En d’autres termes, nous avons tendance à nous opposer au changement, à moins d’être totalement convaincu.e.s que les gains dépassent largement les pertes.
Ce biais n’est pas toujours irrationnel : s’en tenir à ce qui marche déjà n’est pas forcément une mauvaise idée. En l’absence d’informations fiables sur les conséquences possibles d’une alternative, le statu quo reste le choix le plus rationnel.
Conséquences pour les ressources humaines
Une étude mentionnée dans la Harvard Business Review s’est penchée sur l’impact du biais du statu quo sur les décisions de recrutement. D’après des chercheurs de l’Université du Colorado, quand la majorité des finalistes pour un poste sont des hommes blancs, la probabilité pour qu’une femme ou une personne issue d’un groupe minoritaire soit choisie tombe à zéro. Mais s’il y en a plusieurs, cette probabilité augmente de manière exponentielle. La probabilité qu’une femme candidate soit embauchée à un poste est 79 fois plus grande quand il y a deux candidates plutôt qu’une seule dans le pool des finalistes.
Le biais du statu quo est donc un sérieux frein à la diversité en matière de recrutement. En effet, un individu isolé dans le pool des candidats, qu’il s’agisse d’une femme ou toute autre personne d’un groupe minoritaire, représente une déviation statistique par rapport à la norme et le / la recruter sera perçu comme un risque plus important.
Comment y remédier ?
Pour neutraliser le biais du statu quo, il est nécessaire de prouver de manière convaincante, études et données à l’appui, que les gains à espérer d’un changement sont supérieurs aux pertes éventuelles. Il ne s’agit pas de changer pour changer, mais de changer pour quelque chose de mieux, et d’offrir aux personnes concernées par le changement des arguments convaincants. Elles se sentiront également bien plus respectées si on leur explique pourquoi on leur demande de quitter le statu quo. Pour ce qui est du recrutement, plusieurs études ont démontré les bienfaits des pratiques de recrutement « à l’aveugle » pour augmenter la diversité des recrutements. Il s’agit notamment de masquer du CV les informations concernant le nom, le sexe, l’âge ou l’université. Mais ces pratiques peuvent aller bien plus loin que l’étape du CV.
Pour en savoir plus sur les bonnes pratiques pour augmenter la diversité dans le recrutement, allez lire notre article « must-read » sur le livre What Works : Gender Equality By Design de Iris Bohnet.
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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