Je déteste le télétravail

10 oct 2018

5 min

Je déteste le télétravail
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En décrochant un emploi salarié, je ne pensais pas revivre l’expérience du travail à la maison. Raté ! Voici venu le temps du “télétravail”, concept qui repose sur le fait que chacun peut travailler d’où il le souhaite, tant que le job est fait. Merci Internet ! Craignant de passer vieux jeu dans ma start-up, j’ai décidé d’essayer, pendant une semaine. Finalement, j’étais contente, très contente même, de retrouver l’openspace.

Je n’ai jamais raté une seule journée au bureau. Pour moi, c’est une évidence, lorsqu’on est salarié d’une entreprise qui possède des locaux, autant en profiter. J’ai été freelance pendant plusieurs mois et je rêvais souvent d’un bureau… d’un espace dédié exclusivement au travail, qui n’empiète pas sur ma vie privée, avec des collègues qui partagent les mêmes joies et déboires. Maintenant que j’y suis, je constate que je suis la seule à faire preuve d’une telle assiduité. La plupart de mes collègues s’autorisent régulièrement des jours de télétravail : « Quand je peux gagner une heure de trajet bureau-maison, que je n’ai pas à préparer mon dej’, quand j’ai envie d’être un peu seule… ça fait du bien de bosser depuis chez soi », dixit une de mes collègues. « Quand tu veux t’aérer à la campagne, partir un jour plus tôt pour éviter la circulation, c’est quand même super pratique de bosser à distance. » Merci Internet qui permet d’être professionnellement présent H-24. Mes collègues n’avaient plus assez de mots pour faire l’éloge du télétravail, alors j’ai décidé, moi aussi, d’essayer. Direction la maison de famille au bord de la mer. Là, pas de tentation de faire un détour par le bureau. Mon ordinateur, mon téléphone, de quoi prendre des notes… Je suis prête.

Merci Internet qui permet d’être professionnellement présent H-24. Mes collègues n’avaient plus assez de mots pour faire l’éloge du télétravail, alors j’ai décidé, moi aussi, d’essayer.

Alors que le réveil sonne en ce premier jour de travail à distance, je l’éteins machinalement et me demande ce que je vais porter. Eclair de lucidité… je n’ai pas besoin de m’habiller, ni même de compter une demi-heure de trajet jusqu’au boulot. Je peux dormir encore une heure ! C’est donc en pyjama, assise dans mon lit avec un café sur la table de chevet que j’entame ma première conférence Skype de la journée. Les retrouvailles avec le travail à la maison me plaisent bien. Mais je me réjouis trop vite. La connexion Skype rame et la fibre du bureau me manque déjà. Les spots remote ne sont pas tous égaux face au débit Internet. La conf’ réussit à se dérouler tant bien que mal. Je suis soulagée.

Mon téléphone se met à vibrer… ma sœur. Je décroche ou pas ? Théoriquement, je suis au travail. Dans les faits, je n’y suis pas et elle le sait très bien. C’est toujours comme ça. En travaillant à la maison, tes proches, et même tes collègues parfois, oublient que tu bosses… et ne se gênent pas pour venir te déranger : « Je vais faire les courses, tu viens ? Tu veux manger quoi à midi ? Tu te souviens où on a rangé ça ? » Combien de fois mon conjoint m’a interrompu en état de concentration intense ? Tout ça parce que je travaillais depuis le canapé. Là, mais pas là… Le paradoxe du télétravail, et certainement l’un de ses plus gros inconvénients.

Mon téléphone se met à vibrer… ma sœur. Je décroche ou pas ? Théoriquement je suis au travail. Dans les faits, je n’y suis pas et elle le sait très bien. C’est toujours comme ça. En travaillant à la maison, tes proches, et même tes collègues parfois, oublient que tu bosses…

Je choisi de ne pas répondre à ma soeur, mais je ne résiste pas à la tentation d’ouvrir un livre qui se trouve dans la bibliothèque du salon… et qui n’a rien à voir avec mon taff. Gare aux tentations de digression ! Et si je faisais du sport aujourd’hui ? Je pourrai profiter des heures creuses à la piscine au lieu d’y aller quand tout le monde sort du bureau ? Une bonne idée à condition que je travaille plus tard le soir… Je laisse cette idée de côté. En allant au bureau quotidiennement, j’ai perdu l’habitude d’être autonome dans la gestion de mon temps de travail et je sens que je pourrai vite me perdre dans la procrastination. Je me remets devant mon ordinateur.

Il est presque 16h et je suis toujours en pyjama. Je n’en suis pas fière. En passant devant le miroir, j’ai l’impression de retrouver l’adolescente qui passait ses dimanche à faire ses devoirs en peignoir. Demain, je m’habillerai ! Après tout… travailler en remote est une question de lieu, pas d’attitude. Je me promets à moi-même de ne pas tomber dans la négligence vestimentaire. Une question aussi d’estime de soi. Je réalise que ce n’est pas tellement par obligation professionnelle que je fais l’effort de bien m’habiller tous les matins, mais parce que cela me plait de prendre soin de moi.

Demain, je m’habillerai ! Après tout… travailler en remote est une question de lieu, pas d’attitude. Je me promets à moi-même de ne pas tomber dans la négligence vestimentaire.

Troisième jour… trois jours que je n’ai vu personne d’autre que mon chat. Vers midi, je vois mes conversations Messenger s’affoler : « on déj’ ? » Eh non… moi je ne déjeune pas avec mes collègues aujourd’hui… je mange seule. Seule, avec un grand S, comme la solitude qui m’attend encore ces prochains jours, rythmée par des sonneries de micro-onde et des gouttes de café qui s’écrasent dans mon mug. Dans ma maison de famille en bord de mer, sans personne avec qui sortir, je passe mes soirées sous la couette à bouquiner. Pas d’afterwork, pas de bières ou de ciné’ avec les copains avant de rentrer. Ici je mène une vie saine et centrée sur le travail. La vie sociale me manque un peu, mais l’avantage, c’est que j’arrive enfin à lire les bouquins qui s’accumulent sur ma table de nuit et que je suis super efficace dans mon travail. Je ne perds pas de temps à débattre pendant des heures avec mes collègues. Loin de la ville, je zappe beaucoup moins sur Internet à la recherche d’événements qui pourraient m’intéresser et je ne passe pas la moitié de ma journée à textoter mes amis pour organiser mes soirées… Ce qui ne m’empêche pas de leur passer un petit coup de fil en fin de journée pour prendre des news.

Cette semaine de télétravail en bord de mer commence à ressembler à une retraite coupée du monde. Reposant, mais la seule compagnie du chat commence vraiment à me peser. D’ailleurs, le voilà qui se jète sur mes genoux en plein _”call”_… Je suis attablée dans ma cuisine à côté d’un chocolat chaud… et un bout des trois tablettes de chocolat tout court que je me suis enfilées depuis le début de la semaine. Sans personne pour me charrier quand je grignote, j’ai un peu abusé sur les sucreries. Encore une semaine comme ça et je reviens au bureau avec 10kg en trop. Chers collègues au secours ! Je leur ai envoyé des dizaines de photos de ma vie en télétravail… comme des SOS dans une bouteille à la mer. Mais visiblement, ils n’ont pas compris mon désespoir.

Chers collègues au secours ! Je leur ai envoyé des dizaines de photos de ma vie en télétravail…comme des SOS dans une bouteille à la mer. Mais visiblement, ils n’ont pas compris mon désespoir.

Alors que, pour eux, le télétravail a l’air facile à vivre, moi, je passe une semaine compliquée. Le bureau me manque… le scanner et la photocopieuse me manquent quand je dois prendre en photo les documents que j’ai à envoyer. La machine à café (ou à jus de chaussettes…) me manque, l’openspace avec les téléphones qui sonnent sans arrêt et même ma chaise de bureau me manque ! Partir m’isoler pendant une semaine en télétravail n’était pas la meilleure idée que j’ai eu. Renouveler l’expérience sur une journée, entre deux passages au bureau, me conviendrait certainement mieux car pour l’instant, je déteste le télétravail. Alors même si je dois me lever une heure plus tôt pour m’habiller, prendre les transports pour aller bosser, et affronter les taquineries des collègues quand j’abuse du chocolat, j’ai vraiment hâte de retrouver le bureau lundi !

Photo by WTTJ

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